Une partie importante de la paracha de Ki-Tavo énonce les terribles punitions qui s’abattront sur le peuple juif s’il ne respecte pas la Torah.

Tout en adressant la to’hakha, la Torah détermine l’origine des sanctions énumérées : « Parce que tu n’as pas servi Hachem ton D., avec joie et bonté de cœur, de rov kol (l’abondance dans tout) [1]. »

Ce passouk, d’après son sens le plus simple, signifie que le peuple juif n’a pas accompli les mitsvot avec joie malgré le fait qu’ils jouissaient d’abondance dans tous les domaines [2].

Le Arizal explique le passouk d’après la kabbala, de façon quelque peu différente. Selon lui, la Torah estime que nous éprouvions de la joie à accomplir les mitsvot, mais que notre source principale de réjouissance provenait d’ailleurs, du « rov kol », qui fait référence à d’autres sources de plaisir [3].

Hachem dit ainsi au peuple juif que la sim’ha d’avodat Hachem doit être bien plus grande que le plaisir généré par d’autres activités, et qu’elle doit constituer une partie essentielle du travail personnel de l’individu. Cet enseignement est particulièrement important à l’approche de Roch Hachana : l’avoda principale de Roch Hachana est de couronner Hachem.

L’une des façons principales d’y parvenir, c’est de reconnaître qu’Hachem est l’unique source de vérité et que toutes les autres « sources » de plaisir sont insignifiantes. C’est également un prérequis au processus de techouva que nous entamons avant Yom Kippour, parce que si les aspirations d’une personne ne sont pas entièrement dirigées vers l’avodat Hachem, il lui sera quasiment impossible de ne pas fauter.

Ses désirs seront parfois en désaccord avec la volonté divine et sa chemirat hamitsvot en pâtira inévitablement. Ainsi, toute techouva entreprise à Yom Kippour sera tâchée par sa fausse conception de la vie (à savoir qu’Hachem n’est pas l’unique source de vérité et de joie).

Il est important de noter que même une personne qui réussit à éviter la faute, lors de sa poursuite de plaisirs, devra faire face à des conséquences désagréables.

Rav Issakhar Frand chlita raconte une histoire effrayante qui illustre cette idée. Le ‘Hidouché Harim zatsal voyageait un jour avec un cocher dans une charrette tirée par deux chevaux. Après avoir parcouru une certaine distance, l’un des chevaux mourut, au grand désarroi de son maître. Quelques kilomètres plus loin, le deuxième cheval poussa son dernier soupir.

Le propriétaire était si peiné par la perte de ses chers chevaux qu’il s’assit pour donner libre cours à son chagrin. Il pleura si longuement qu’il en rendit l’âme.

La nuit suivante, le ‘Hidouché Harim fit un rêve dans lequel il vit cet homme installé dans le monde futur. Quelle y était sa part? Une belle charrette avec deux chevaux…

Cette histoire nous montre que notre Olam Haba est créé par ce à quoi nous accordons de l’importance dans ce monde – pour cet homme, ses chevaux et sa charrette étaient les choses qui lui tenaient le plus à cœur. C’est donc ce qu’il reçut pour l’éternité.

On peut se demander ce qu’il y’a de négatif à recevoir dans le monde futur ce que nous avons affectionné ici-bas. Rav Frand chlita répond à cette question à l’aide d’une métaphore : lorsqu’il était enfant, il rêvait d’un lance-pierre pour jouer, mais ses parents refusaient de lui en donner. Imaginons que le jour de son mariage, ceux-ci lui aient dit : « Nous t’offrons à présent le lance-pierre que tu désirais tant ! »

Quand il était petit, le lance-pierre avait de l’importance à ses yeux, mais maintenant, il avait passé l’âge pour ce genre de choses.

De même, nous aspirons parfois à jouir de certains plaisirs dans ce monde, tels que l’argent ou le kavod, pensant qu’ils nous satisferont. Mais quand nous arriverons au Olam Haba, nous réaliserons la portée des mots du Messilat Yécharim : « Toutes les autres choses [en dehors de la proximité avec Hachem] que les gens croient être bonnes ne sont que du vide [4]. »

Dans le monde de Vérité, nous verrons très clairement que ces domaines où nous investissons tant d’efforts pour réussir, sont insignifiants.

La to’hakha de Ki-Tavo est un puissant rappel à l’ordre : il ne suffit pas d’accomplir les mitsvot, celles-ci doivent être notre force motrice unique. Le kavod, le pouvoir, l’argent et les autres « plaisirs » sont des sources de bonheur illusoires — faire d’Hachem notre Roi équivaut à réaliser qu’Il est notre source unique de véritable sim’ha.



[1] Parachat Ki Tavo, Devarim 28:47.

[2] Voir Rachi et Gour Arié.

[3] Cette explication du Arizal est rapportée par le rav Issakhar Frand chlita.

[4] Messilat Yécharim, Ch. 1.