La Paracha de cette semaine parle de l’une des Mitsvot les plus connues et respectées : la Mila (circoncision).[1] Cette Mitsva doit être accomplie le huitième jour ; la Guémara déduit que même si ce huitième jour tombe pendant Chabbath, on doit faire la Mila, bien que cela implique la transgression du Chabbath[2]. Pourquoi la Mila doit-elle être faite précisément le huitième jour ? [3]

Pour répondre à cette question, il est intéressant d’analyser la signification de certains chiffres[4]. Le monde fut créé en six jours et le septième jour, Hachem « se reposa », créant ainsi le concept du Chabbath – jour où nous nous abstenons de toute création matérielle et où nous nous concentrons sur des activités plus spirituelles. Ainsi, le chiffre 6 symbolise le monde matériel, tandis que le 7 représente l’entrée de la spiritualité dans ce monde matériel. Pendant Chabbath, nous essayons d’élever le matériel en l’utilisant Léchem Chamaïm (pour le Ciel). D’où l’accent mis sur la bonne nourriture, les beaux habits, etc., mais pas à des fins égoïstes ; il faut utiliser le monde matériel comme un outil pour se lier à Hachem. Le chiffre 8 symbolise, quant à lui, la spiritualité qui se situe au-delà de ce monde, le fait de transcender les lois de la nature. Lorsque l’on retire une partie de notre corps, on montre que l’on s’élève au-delà de nos instincts physiques. Certains commentateurs pensent que la Brit-Mila a pour objectif, entre autres, d’affaiblir les désirs de l’homme (voir Moré Névoukhim, Rabbénou Bé’hayé). Dans le même ordre d’idées, la Mila représente le Juif qui se détache de la nature, du 'Olam Hazé, et qui s’attache à un niveau totalement différent.[5]

Cette transcendance atteinte par la Mila se trouve déjà lors de l’ordre qu’Hachem donna à Avraham : « Marche devant Moi et sois intègre »[6] Rachi explique qu’Hachem enjoignait alors à Avraham de pratiquer la Mila et ainsi de se parfaire. Tout de suite après, Hachem dit à Avraham qu’Il va modifier son nom, qui était jusqu’alors Avram – il s’appellera dorénavant Avraham. Hachem éleva Avraham à un niveau supérieur, le plaçant au-delà des limites du Mazal[7] qui l’avait jusqu’alors empêché d’avoir des enfants. Il semble évident, à la lecture des Pessoukim, que cette promesse et celle d’une alliance éternelle entre Hachem et les descendants d’Avraham dépendaient de l’engagement de celui-ci envers Hachem, c’est-à-dire de la Brit-Mila. Cette Mitsva indique donc le niveau complètement différent du peuple juif.

Rav Dessler tente, à travers une explication sur les chiffres 7 et 8, d’éclaircir un Yalkout épineux : « Chabbath et Mila débattaient. Chabbath disait : "Je suis mieux que toi" et la Mila disait : "Je suis mieux que toi"… Du fait que la Mila supplante le Chabbath[8], on déduit que la Mila est mieux que le Chabbath. »[9]

Rav Dessler explique qu’il y a deux façons de servir Hachem. L’une d’elles est de vivre dans la matérialité et de l’élever « pour le Ciel ». Plusieurs Mitsvot entrent dans cette catégorie. Par exemple, donner la Tsédaka (charité) est une manière d’utiliser son argent pour se rapprocher d’Hachem, le Chabbath est, comme nous l’avons mentionné précédemment, une façon d’ennoblir le monde matériel. La deuxième façon de s’élever en spiritualité est de se détacher de la matérialité et de s’éloigner des désirs physiques (Taavot). La Mila représente cette forme de 'Avodat Hachem.

Rav Dessler note que la première façon de servir Hachem — élever la Gachmiout (matérialité) — présente un grand danger ; on peut facilement tomber dans le filet du Yétser Hara' et se laisser attirer par ses désirs physiques tout en pensant que l’on agit Léchem Chamaïm. La deuxième forme de spiritualité, celle qui consiste à se détacher de la Gachmiout n’entraîne pas ce genre de risque, car la personne évite de se faire prendre au piège. Rav Dessler écrit ensuite que la seule façon d’être sûr de pouvoir profiter correctement du monde matériel est de s’en détacher quelque peu.[10]

Il poursuit en expliquant le sens du Yalkout. Le Chabbath représente la 'Avodat Hachem où l’on utilise la Gachmiout à des fins spirituelles, tandis que la Mila symbolise le fait de servir Hachem en amoindrissant son lien avec le monde matériel. La Mila « dépasse » le Chabbath parce qu’elle évite les risques d’être piégé par le Yétser Hara' qui veut nous unir à la matérialité tout en nous faisant croire que l’on s’engage dans des activités spirituelles.

En conclusion, la Brit-Mila représente un détachement du monde matériel qui est un moyen pour se rapprocher d’Hachem et cette forme de 'Avodat Hachem est essentielle à l’élévation spirituelle de la personne. Le Rav Berkovits souligne d’ailleurs que même si l’on utilise le monde matériel pour des causes spirituelles, la véritable grandeur est atteinte lorsque l’on est impliqué uniquement dans des entreprises spirituelles. Les grands érudits en Torah ne sont pas devenus d’illustres personnages en mangeant Léchem Chamaïm toute leur vie, mais plutôt en développant un intérêt primordial pour la Rou’haniout et un désintérêt pour l’aspect matériel. De nombreuses histoires sont racontées sur le peu d’importance que des Guédolim comme le ‘Hazon Ich ou Rav Yé’hezkel Levinstein accordaient à la nourriture.

Puissions-nous mériter de les émuler et d’apprendre, de la Mitsva de Mila, à se focaliser sur l’étude, la prière et l’élévation spirituelle.



[1] Vayikra, 12:3.

[2] Chabbath, 132.

[3] Voir Otzar Habrit, 1er Vol., p. 380-381 du rav Yossef Weisberg, pour diverses raisons expliquant pourquoi la Mila se fait le huitième jour.

[4] Le Maharal et rav Dessler enseignent que plusieurs chiffres ont une grande signification dans le judaïsme. Une grande partie de cet article est basée sur l’élaboration de rav Dessler sur les écrits du Maharal à ce propos. (Voir Mikhtav Mééliahou, 1er tome, p. 226-227, tome 2, p. 99, 115, tome 4, p. 338.)

[5] Ibid. pour un développement sur certaines fêtes liées au chiffre 8, comme Chémini Atséret (huitième jour de Souccot), ‘Hanouka (qui dure huit jours), Matan Torah (50 jours après la sortie d’Égypte, soit 49 [multiple de 7] +1).

[6] Lèkh Lékha, 17:2.

[7] Le Mazal correspond à la destinée de l’individu et aux différents éléments qui affectent sa vie de diverses manières. Cela ne change cependant pas son niveau spirituel, sa vertu – qui sont entièrement entre ses mains.

[8] Puisque nous pratiquons la Mila pendant Chabbath, même si cela implique la transgression de certains interdits.

[9] Yalkout, Yirmiyahou, Ch. 33, Siman 325, rapporté dans Mikhtav Méeliahou, Tome 1, p. 226-227.

[10] Voir mon article sur Parachat Nasso, dans lequel on parle du fait d’être trop attaché à la Gachmiout.