La Torah nous présente, dans la Paracha Tsav, deux des plus importants sacrifices : le Korban Olah[1] (l’holocauste) et les Chélamim[2] (offrande rémunératoire). La Olah est entièrement brûlée sur l’Autel, tandis que les Chélamim ne sont que partiellement consumés, le reste étant partagé entre le propriétaire de la bête, sa famille et le Cohen. Rav Ouziel Milevsky[3] explique la symbolique de ces deux sacrifices. Il rapporte tout d’abord le Méchekh ’Hokhma qui évoque un débat entre deux grands dirigeants rabbiniques, Hillel et Chammaï à propos de ces offrandes. Quand une personne va au Temple, lors des Trois Fêtes, elle doit apporter un Korban ’Haguiga (qui appartient à la catégorie des Chélamim) et un Korban Réiya (entrant dans la famille de la Olah). Ces offrandes n’ont pas de valeur maximale, par contre, ils requièrent un minimum. D’après Chammaï, la Olah, qui est entièrement offerte à Hachem, doit valoir au moins deux pièces d’argent, tandis que les Chélamim doivent coûter une pièce d’argent. Hillel pense l’inverse : le minimum pour les Chélamim est de deux pièces d’argent et d’une pièce pour la Olah[4].

Parallèlement, la Guémara dans Sanhédrin parle d’une différence notoire entre Moché Rabbénou et son frère Aharon, le Cohen Gadol, quant à leur façon de trancher un litige. Quand une dispute devait être traitée par le tribunal, Aharon pensait que le juge devait tenter le compromis et tout faire pour préserver une relation pacifique entre les parties, même si l’une d’elles est moins méritante que l’autre. Le Chalom est une priorité pour Aharon, plus encore que la pratique de la stricte justice. Moché, en revanche, estimait que le juge devait rétablir la vérité absolue, sans tenir compte des sentiments des plaideurs.[5]Le Méchekh ’Hokhma note que Hillel s’associe à Aharon ; d’ailleurs, il nous enjoint, dans les Pirké Avot, à faire partie des disciples d’Aharon qui aimait rétablir la paix entre les individus.[6] Hillel ne pense pas qu’il y ait quelque chose à reprocher à Moché, mais plutôt que son niveau de stricte vérité est trop élevé pour nous. Chammaï a la même approche que Moché ; et même si nous ne pouvons atteindre son niveau, nous devons tout de même viser la vérité la plus pure.

Les approches différentes de Hillel et Chammaï nous permettent de comprendre la raison de leur désaccord quant au Korban qui doit avoir une valeur minimale – la Olah ou les Chélamim. La Olah, est un « sacrifice céleste », entièrement brûlé pour D.ieu sur l’Autel – pour Chammaï, l’essentiel est le service divin et le Émet sans compromis. Par contre, Hillel se focalise plus sur la paix et attribue donc plus d’importance aux Chélamim qui étaient partagés entre le propriétaire de l’animal, sa famille et le Cohen et qui contribuaient donc à renforcer l’harmonie au sein du peuple.

La Guémara dans Erouvin affirme qu’après trois ans de débats entre ces deux écoles de pensée, une voix céleste annonça : « Tous deux émettent des paroles du D.ieu Vivant, mais la loi est comme Beth Hillel. »[7] Cela signifie que les deux points de vue sont corrects. Mais dans ce monde, l’approche la plus appropriée est celle d’Hillel,[8] étant donné le niveau général des gens.

Parfois, on peut penser qu’il est bien d’adhérer strictement à la vérité, même si cela risque de faire de la peine à autrui ou bien d’entraîner une dispute. Le fait que la Halakha tranche comme Beth Hillel nous apprend qu’il est souvent impossible de ne dire que le vrai sans causer de tort à l’autre. D’où l’importance pour chacun d’entre nous d’étudier les lois relatives à ce sujet — à savoir, quand il est permis et quand il est interdit d’altérer la vérité pour préserver la paix.



[1] Vayikra, 6:2.

[2] Vayikra, 7:11.

[3] Il était le Grand Rabbin du Mexique, puis enseignant à la Yéchiva Or Saméa’h. Il était connu pour ses commentaires profonds sur la Torah, édités dans un ouvrage de deux volumes, intitulé Ner Ouziel.

[4] ’Haguiga, 6a.

[5] Sanhédrin, 6b.

[6] Pirké Avot, 1:12. Voir Ner Ouziel, p. 17.

[7] Érouvin, 13b. On appelle Beth Hillel les disciples d’Hillel qui régissaient selon le point de vue d’Hillel.

[8] Toutefois, les commentateurs soulignent que dans le monde futur, la loi suivra Beth Chammaï, car c’est un monde où il n’y aura aucune contradiction entre Émet et Chalom (entre la vérité et la paix).