« Ils affirmèrent trois choses : Rabbi Eliézer dit : réchauffe-toi au feu des Sages, mais prends garde à leurs braises de peur de te brûler, car leur morsure est celle du renard, leur piqûre celle du scorpion, leur sifflement celui du Sraf, et toutes leurs paroles sont telles des braises ardentes. »

QUESTIONS

1. Quelle est la nature de l'analogie entre le feu et les braises ?

2. Quel est le sens de ces analogies entre le renard, le scorpion et le Sraf, et pourquoi les mentionner tous trois ?

3. Que signifie : toutes leurs paroles sont telles des braises ardentes, et qu'est-ce que cela ajoute à ce qui a été dit plus tôt ?

Rabbi Eliézer formule un certain nombre d'exhortations sur notre approche aux Talmidé 'Hakhamim. Il a recours à des analogies pour véhiculer son idée : il explique d'abord que l'on doit se chauffer au feu des Sages, mais nous met en garde de ne pas nous approcher trop près du feu, pour éviter d'être brûlé par ses braises. Il compare ensuite le tort que peut causer un Talmid 'Hakham qui a été lésé, à la morsure du renard, à la piqûre d'un scorpion et au sifflement du Sfraf.[1] Il ajoute enfin que toutes ses paroles sont telles des braises ardentes.

Quel est le sens de tous ces points mentionnés ? Les commentateurs expliquent l'analogie du feu, employée par Rabbi Eliézer : si l'on est trop éloigné d'un feu, on ne pourra bénéficier de sa chaleur. Si l'on s'en rapproche, on peut en profiter, mais il faut éviter de s'approcher trop près, pour éviter d'être brûlé par les braises. C'est une analogie à la conduite souhaitable à adopter envers les Talmidé 'Hakhamim. Il ne faut pas garder une trop grande distance avec eux, auquel cas on ne pourra bénéficier de leur grandeur. Il faudra au contraire s'en rapprocher afin de s'initier à leur sagesse et s'imprégner de leur grandeur. Toutefois, il faut éviter un trop grand rapprochement, c'est-à-dire qu'il ne faut pas les traiter avec trop de légèreté ou de familiarité, mais avec respect et honneur, non pas comme s'ils étaient notre égal. Si on ne se conduit pas de cette façon, on risque d'être puni pour avoir manqué de respect à un Sage.

Rabbi Eliézer continue à comparer le tort que peut causer un Sage aux dommages causés par divers animaux. Au sens simple, chaque animal peut causer de plus en plus de tort que le suivant. La Michna nous enseigne que plus on manque de respect à un érudit en Torah, plus on risque de subir des préjudices.

Rabbi Eliézer conclut en affirmant que toutes leurs paroles sont telles des braises. Il ajoute ici que même leur discours ordinaire peut avoir un puissant impact sur leur entourage. Un jour, le Malbim, alors jeune homme, se trouvait dans la synagogue du 'Hatam Sofer, qui était le Gadol Hador, le grand Rav de la génération. Le Malbim prit la parole pendant longtemps et au terme de son discours, épuisé, il s'assit par inadvertance à la place du 'Hatam Sofer. Le 'Hatam Sofer arriva et lui demanda de garder sa place. Il visait qu'il devait rester à sa place (mais il était peut-être mécontent de l'action du Malbim), mais le Malbim eut le sentiment, qu'à partir de ce moment-là, il fut incapable de progresser de la même manière qu'avant, en raison de ces quelques paroles du Gadol Hador.

Il est important de mentionner que ces idées s'appliquent égaiement aux Sages qui ne sont plus de ce monde.

Un jeune homme consulta un jour le Rav 'Haïm Kanievsky pour solliciter son aide. On avait diagnostiqué au père de l'homme une tumeur au cerveau et les médecins lui donnaient peu de chances. Le visiteur demanda au Rav Kanievsky s'il avait un conseil pour lui. Dans la salle se trouvait également Rav Kreiswirth.[2]Rav Kreiswirth demanda s'il pouvait suggérer quelque chose, et Rav 'Haïm le lui permit immédiatement : « Je pense avoir une excellente idée à vous suggérer : participez à la publication d'un ouvrage, le Choèl Ouméchiv, du Rav Nathansohn.[3]» Cette suggestion était assez surprenante, mais si le Rav Kreiswirth l'avait suggérée, il avait certainement une bonne raison. Après le départ de l'homme, Rav Kanievsky demanda au Rav Kreswirth ce qui l'avait incité à proposer une telle idée.

« Je connais le père de cet homme et je l'ai entendu dénigrer cet ouvrage. Je sais d'après la Guémara que si un homme parle avec mépris d'un Talmid 'Hakham, Ein Réfoua Lémékato – il n'y a pas de guérison pour l'offense causée. Mais il peut peut-être se repentir en investissant du temps et de l'argent en accordant l'honneur dû à cet ouvrage. » Le fils suivit ces instructions et quelques mois plus tard, le père se rétablit totalement.[4]

Ce récit nous enseigne deux leçons capitales : premièrement, même si l'on ne participe pas à une véritable Ma'hloket (controverse) contre un Talmid 'Hakham, toute forme de discours négatif est considéré comme un Bizayon Talmidé 'Hakhamim (une humiliation aux érudits en Torah) - et est jugée avec une grande sévérité – nous voyons également que cela s'applique même si le Talmid 'Hakham n'est plus en vie. Cette histoire nous enseigne également un moyen de rectifier tout manque de respect que l'on aurait eu à l'égard des Talmidé 'Hakhamim, en œuvrant de manière à rendre honneur au Talmid 'Hakham en question. Puissions-nous tous mériter de faire honneur comme il se doit à nos Guédolim et à tous les Talmidé 'Hakhamim.

 

[1] Il s'agit d'un serpent très venimeux, proche de la vipère, qui peut même provoquer des blessures de loin.

[2] C'était un grand Rav – il était président du tribunal rabbinique d'Anvers et Roch Yéchiva de Merkaz Hatorah.

[3] L'un des A'haronim qui vivait au 19ème siècle.

[4] Rav Yéh'iel Spéro : Touched by theirs Tears, p.90-91.