« Il avait l'usage de dire : réalise Sa volonté comme si c'était la tienne, afin qu'Il fasse de la tienne la Sienne. »

Dans l'article précédent, nous avons proposé une explication sur la première partie de cette Michna dans Avot. La Michna demande à l'homme de s'efforcer d'agir avec autant de Zrizout (empressement) dans les affaires spirituelles que dans les domaines où naturellement, il est motivé de réussir, comme gagner sa vie. Et la Michna promet que s'il le fait, alors Hachem lui permettra de réaliser ses désirs de la même manière que Hachem réaliserait Ses propres désirs.

Or, cette explication ne semble pas complète, car elle soulève une autre question : qu'en est-il si les désirs d'un homme ne sont pas conformes à ceux de Hachem ? Par exemple, si la personne veut commettre des actions interdites par la Torah, mais même dans des domaines de Réchout (action permise, qui n'est pas une Mitsva), comme gagner sa vie, les motifs d'un homme peuvent ne pas concorder avec ceux de Hachem. Par exemple, si un homme désire profiter d'articles de luxe pour son propre plaisir, ou être honoré, cela peut contredire le Ratson Hachem, la volonté de D.ieu. S'il en est ainsi, comment peut-on s'attendre à ce que Hachem nous permette d'accéder à nos désirs faussés ?

Nous devons dès alors ajouter un autre point à notre interprétation de la Michna. La Michna traite des désirs qui n'appartiennent pas à la sphère de l'interdit, mais plutôt à la catégorie des objectifs autorisés. Ceci inclut le désir d'avoir un gagne-pain suffisant, une bonne santé, de bonnes relations, un certain niveau de plaisir dans la vie, etc. Il n'y a rien de mal à vouloir réussir dans l'un de ces domaines, mais ce qui détermine si ces objectifs concordent avec la volonté de Hachem, ce sont les motivations qui les sous-tendent. Par exemple, un homme peut vouloir gagner suffisamment sa vie pour un certain nombre de raisons. Il désire peut-être simplement la sécurité financière pour ne pas se faire de soucis pour payer ses factures ; il peut vouloir être tranquille afin de pouvoir se consacrer à des activités spirituelles comme l'étude de la Torah ; il peut définir « une source de revenus suffisante » en y incluant beaucoup de vacances et une vie de luxe.

La Michna enseigne à l'homme que si les motifs de ses objectifs sont en phase avec les « buts » de Hachem pour lui, alors Hachem lui assure qu'Il lui permettra d'atteindre ses objectifs. Donc, si la personne désire véritablement un gagne-pain suffisant afin de pouvoir se focaliser sur le spirituel, Hachem lui permettra certainement de réussir, car ce désir est conforme à la volonté de Hachem pour Ses créatures. Si, néanmoins, un homme veut de l'argent pour vivre une vie de luxe pour le luxe, on ne peut s'attendre à l'aide de Hachem dans cette réussite, car ce désir n'est pas conforme à celui de Hachem.

Ce principe peut nous aider à répondre à une question fondamentale sur la prière. D'après un axiome de notre Emouna, Hachem veut ce qu'il y a de mieux pour nous, même si cela ne semble pas toujours le cas. En conséquence, la question se pose : quelle est l'utilité d'adresser une prière à Hachem afin qu'Il améliore notre situation ? Si notre situation est la meilleure qui soit, comment pouvons-nous prier pour qu'elle s'améliore ? Elle ne peut s'améliorer, et si elle changeait, elle empirerait certainement ?! Par exemple, un homme peut prier pour gagner au loto, mais s'il n'a pas encore gagné, n'est-ce pas parce que c'est dans son propre intérêt, et pourquoi devrait-il penser que désormais, ce soit bénéfique pour lui ? L'exemple du loto est instructif, car gagner au loto s'est avéré un cadeau empoisonné pour de nombreuses personnes, et a entraîné de multiples problèmes dans leur vie. Donc, il va de soi que le fait de ne pas gagner au loto indique qu'il vaut mieux qu'il en soit ainsi pour lui, et prier pour gagner est non seulement futile, mais aussi contreproductif.

Une réponse à cette question : la raison pour laquelle un homme ne gagne peut-être pas à la loterie tient du fait que son désir de gagner ne concorde pas avec la volonté divine. De ce fait, s'il gagnait avec cette attitude, il n'emploierait pas l'argent à bon escient, et cela aurait certainement un effet néfaste sur son niveau spirituel. Mais l'un des buts de la prière consiste à clarifier pour l'homme les raisons pour lesquelles il estime qu'accéder à ce désir sera bénéfique pour lui. En conséquence, tout en demandant à Hachem de gagner à la loterie, il devra penser pourquoi Il souhaite sa victoire : par exemple, il utiliserait l'argent supplémentaire pour travailler moins et étudier plus la Torah, et donner plus de Tsédaka. Même si, au fond de lui, il a d'autres motifs moins purs, comme le désir de vivre une vie plus luxueuse, en se remémorant constamment par la prière que ses motifs réels sont d'améliorer sa vie spirituelle, alors le processus même de prier de cette manière devrait modifier son attitude intérieure, de sorte qu'il s'aligne sincèrement avec les désirs de Hachem.

Ceci explique pourquoi, si un homme s'efforce d'aligner sa volonté à celle de Hachem, même dans des domaines non-spirituels, comme gagner sa vie, alors Hachem l'aidera à parvenir à ses fins dans ces domaines.