La Guémara de Roch Hachana nous informe qu’il existe plusieurs « Nouvel an ». Ces dates correspondent au début de l’application de certaines lois. Le Nouvel An des arbres tombe le quinze du mois de Chevat, communément appelé « Tou Bichvat ». C’est un jour de fête, durant lequel on ne récite pas la prière de « Ta’hanoun » (supplication de pardon). De plus, la coutume s’est répandue de faire des bénédictions sur les fruits et d’en consommer plusieurs sortes. Cette journée doit être utilisée pour remercier Hachem d’avoir créé des arbres qui agrémentent le monde et pour admirer les merveilles de la Création.

Rav Yaakov Weinberg demande pourquoi ne pas célébrer le même genre de fête pour les légumes. Ceux-ci ont également un Nouvel An, une date à partir de laquelle plusieurs lois entrent en vigueur. Alors, pourquoi ne pas fêter leur « anniversaire » ?[1] Il explique que plusieurs « miracles » surviennent lors de la pousse de végétaux. Par exemple, le fait qu’une graine prenne racine et qu’elle devienne un arbre, un buisson ou un légume est réellement prodigieux – ce n’est que l’habitude qui amoindrit notre émerveillement devant ce phénomène incroyable. Par ailleurs, le processus de photosynthèse permettant à la plante d’utiliser l’énergie solaire pour vivre est un autre miracle qui prouve la complexité de la nature.

Toutefois, un prodige supplémentaire s’opère dans l’arbre. Le processus d’alimentation d’un légume est assez immédiat ; il puise sa nourriture directement de la terre. Mais celui de l’arbre est bien plus compliqué. L’arbre doit trouver sa nourriture dans sol, la hisser le long du tronc, vers les branches pour arriver jusqu’au fruit. Rav Weinberg explique que chaque étape dans le développement d’une plante est un miracle, nous avons donc l’obligation d’être reconnaissants pour tous les cadeaux d’Hachem dans ce domaine. Mais puisque ces prodiges sont plus nombreux et plus visibles concernant les arbres, seul leur anniversaire est célébré.

L’explication du Rav Weinberg nous montre à quel point il est important de se focaliser sur les détails de la création – il est bien facile d’ignorer les nombreux aspects miraculeux de la nature. Tou Bichvat nous incite à apprécier davantage les cadeaux d’Hachem, en particulier quand ils prennent la forme d’un fruit.

Prenons un exemple pour concrétiser cette idée. Quand on mange une pêche, on prête peu d’attention à la petite pierre dure qui se trouve dans le fruit délicieux. Pourtant, Rav Avraham Katz chlita nous révèle ce qui se cache derrière cet élément banal de la nature[2]. Comme tout fruit, la pêche a un gros problème ; celui de sa pérennité. Étant complètement immobile, elle n’a aucune possibilité de semer sa graine afin que celle-ci se développe. C'est pourquoi une chair savoureuse se forme autour d’elle, afin que les êtres humains et les animaux la mangent et la déposent dans un autre endroit où elle pourra prendre racine. Mais il reste une difficulté à résoudre – comment faire pour que la graine ne soit pas consommée en même temps que le fruit ? Elle s’entoure donc d’une épaisse enveloppe, assez dure pour ne pas être brisée par une dent. La précieuse graine est ainsi en sécurité. Néanmoins, les problèmes ne s’arrêtent pas là. Si l’enveloppe est si rigide, comme la graine va-t-elle réussir à en sortir et à prendre racine ? Incroyable ! La coque est entaillée sur toute sa longueur, mais un « adhésif » très fort la retient fermée. Pourtant, quand l’enveloppe tombe au sol, l’enzyme spécial qu’il produit permet de dissoudre la colle et de faire sortir la graine ! Ce noyau « insignifiant » est sujet à de nombreux miracles et si l’un d’entre eux ne se produisait pas, cette espèce de fruit aurait disparu.

Ce n’est qu’un exemple attestant les merveilles de la création d’Hachem.

Pendant Tou Bichvat, nous prenons plusieurs fruits, nous récitons les bénédictions, puis nous les mangeons. Cette coutume doit nous aider à contempler et admirer les divers actes de bonté qu’Hachem accomplit en notre faveur. Quand on s’enlise dans la routine, il est très facile et fréquent de ne pas voir – par inadvertance – les prodiges qui nous entourent. C’est un peu comme un homme qui visite le Musée du Louvre et se plaint de l’apparence de yaourt qu’ont toutes les peintures. Au bout d’un moment, il enlève ses lunettes et réalise qu’il y a une tâche de yaourt sur ses verres ! Il était incapable d’apprécier la beauté des tableaux, parce que sa vision était altérée. De même, l’individu peut vivre avec une conception « au yaourt », qui le laisse aveugle devant les incalculables miracles qui l’entourent. Tou Bichvat nous offre l’opportunité d’ouvrir les yeux et d’apprécier les extraordinaires cadeaux d’Hachem (ou au moins une partie d’entre eux).



[1] Le Nouvel An des légumes tombe le 1er Tichri, pendant Roch Hachana. On peut donc répondre que leur anniversaire est supplanté par le caractère sérieux de Roch Hachana. Le fait qu’il n’y ait pas de fête pour les légumes n’est toutefois pas une coïncidence.

[2] Tiré du  livre Designer World, évoquant plusieurs prodiges de la nature. Voir p. 7-13 pour le chapitre sur la pêche.