Nous célébrons la fête de Pourim le 14 Adar. Pourquoi à cette date-là ? Explication et petite mise au point : Haman, le ministre le plus influent d’A’hachvéroch, roi de Perse et de Mède, avait pour funeste projet de détruire le peuple juif. À cet effet, il envoya des lettres dans toutes les provinces du roi. Elles stipulaient que le 13 Adar, il serait possible de verser le sang des Juifs, et toute personne qui le désirait pouvait librement « détruire, exterminer et anéantir tous les Juifs - jeunes et vieux, enfants et femmes en un seul jour, et faire main basse sur leur butin » (Esther 3, 13). Ce qu’Hitler avait projeté de faire pendant des années, Haman l’avait prévu en un seul jour. Au final, ce plan satanique fut déjoué par une série d’événements prodigieux.

Mordékhaï, le représentant des Juifs à la cour royale, était impliqué dans ces événements, ainsi que la reine Esther, nièce de Mordékhaï. Grâce à D.ieu, la roue tourna et les Juifs reçurent la permission de faire ce que bon leur semblait de leurs ennemis. En effet, le 13 Adar, les Juifs ont enregistré une grande victoire, et ont réussi à triompher de ceux qui projetaient de les tuer.

C’est en souvenir de ce miracle que la fête de Pourim a été instituée pour toutes les générations, célébrée par le peuple juif chaque année avec une joie particulière. Détail très intéressant : la date où cette fête est célébrée : le 14 Adar. Or, nous avons vu que la victoire avait eu lieu le 13 Adar et non le 14. Alors pourquoi la fête n’a-t-elle pas été fixée ce jour-là, mais le lendemain ? On sait qu’à Jérusalem, on célèbre Pourim le 15 Adar, car dans la capitale, Chouchane, la guerre se prolongea pendant deux jours de plus. La victoire eut lieu le 14 Adar et il a été fixé que toute ville entourée de murailles comme Chouchane fêterait Pourim le 15 Adar au lieu du 14. Ici aussi, le principe a été conservé de célébrer le lendemain de la victoire contre les ennemis. Qu’est-ce qui a motivé les Sages de l’époque à fixer la fête « les jours où les Juifs avaient obtenu rémission de leurs ennemis » et non le jour de la victoire sur les ennemis ?

La raison tient à l’essence de la Torah du peuple juif. Les Juifs ne célèbrent pas de fêtes marquant des victoires militaires. Le judaïsme ne fête pas de victoires. Il suit l’avis du plus sage de tous les hommes : « Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis point ! ». Nous ne nous réjouissons pas de la chute de notre ennemi, même s’il s’agit d’un ennemi dangereux et cruel qui menace notre existence. Notre joie revêt une toute autre dimension. Nous louons et remercions D.ieu de nous avoir sauvés. La fête de Pourim est un exemple de cette approche, et c’est aussi l’attitude du judaïsme à l’égard d’autres fêtes.

La fête de Pessa’h se nomme ainsi selon un verset de la Torah : « Alors, quand vos enfants vous demanderont : que signifie pour vous ce rite ? Vous répondrez : c’est le sacrifice de Pessa’h en l’honneur de D.ieu qui épargna (Passa’h) les demeures des Bné Israël en Égypte alors qu’Il frappa les Égyptiens et voulut préserver nos familles. » (Bo, 12, 26-27) Nous tenons ici un message que nous devons transmettre aux générations futures. Le nom de la fête ne contient aucune trace des lourdes pertes subies par les Égyptiens lors de la plaie des premiers-nés. Aucune allusion non plus au souvenir de la noyade de l’armée égyptienne dans la mer des Joncs, qui ne laissa aucun survivant. Le nom de la fête a été fixé en fonction du miracle du sauvetage, et non selon la chute des Égyptiens.

À ‘Hanouka, nous allumons des bougies, pourquoi ? Lorsque le Temple a été libéré de la domination grecque, on trouva de l’huile pure pour allumer la Ménora pour un seul jour. Un miracle eut lieu, et les bougies de la Ménora du Temple brûlèrent pendant huit jours. La question se pose néanmoins : quel est le rapport entre ces bougies et la victoire des Maccabim ? Ici aussi, les choses s’éclairent selon le même principe. Le miracle de la « fiole d’huile » et l’allumage des bougies symbolisent la fête de ‘Hanouka. Ni une parade militaire ni une cérémonie au souvenir des héros de la nation. Selon le cheminement de la réflexion qui fixe le sens de la fête et son cadre, la victoire est de courte durée, et de ce fait, les Sages juifs n’ont pas voulu la commémorer. Leur but était de commémorer le sauvetage et la survie. La guerre contre les Grecs était fondamentalement un conflit contre la culture grecque. Les bougies du Beth Hamikdach symbolisent la sagesse de la Torah, et représentaient plus que tout le sauvetage de la Torah d’Israël de l’emprise d’une culture qui menaçait son existence.

Les Romains ont créé des portiques de la victoire, ainsi que les Français, et beaucoup d’autres peuples. Le peuple juif, quant à lui, ne fête pas ses victoires militaires, il fête le sauvetage d’un peuple, sa pérennité au cours de milliers d’années en dépit des malheurs et des décrets. Un sauvetage possible uniquement grâce à la Torah.