Passer Souccot en France est, pour de nombreux Juifs, très problématique : la joie de la fête est noyée dans l'impossibilité pour beaucoup de construire - faute de terrasse - une Soucca, les synagogues éloignées, l'attente et le roulement pour pouvoir faire Kiddouch sous la Soucca, les plats transportés dans des caddies, l'arrivée à la Beth Knesset pour se rendre compte qu'une partie des plats s'est renversée, et la pluie, la pluie, la pluie...

Témoignages de quelques nouveaux et anciens immigrants de France qui fêtent désormais Souccot en Israël de se rappeler de ce pas si bon vieux temps….
 

Carole Naccache, Jérusalem

"Pour nous, Souccot en France avait ses avantages et ses inconvénients. D'un côté, nous avions la chance d'avoir un jardin, donc pas besoin de se déplacer à la shoule, et nous pouvions avoir de nombreux invités. D'un autre côté, nous avions la malchance d'avoir des voisins à qui l'idée ne plaisait pas et qui, sans aucune honte ni scrupule, n'hésitaient pas à nous balancer leurs ordures par leurs fenêtres. Celles-ci atterrissaient sur le S'ha'h (toit de la Soucca) et autour de la Soucca.

Ils prenaient préalablement soin de se plaindre auprès de la gardienne que notre « cabane » dénaturait le beau paysage du quartier. Le courrier de la société locative ne tardait pas à suivre et le délai octroyé pour démanteler la Soucca ne dépassait guère la fin de la fête. Grâce à D.ieu, nous avons quand même persévéré chaque année jusqu’à notre retour en Israël."
 

Jacqueline Gabet, Jérusalem

"‎'Hag Souccot, la fête du caddie ! C'est ainsi que l'on appelait Souccot lorsque nous étions à Lucien de Hirsch. Les deux communautés ashkénaze et séfarade étaient réunies et nous passions à table après l'office. Pendant que les hommes finissaient la prière, nous les femmes dépliions nos nappes et organisions les tables avec vaisselle et serviettes en papier ! À chacune de faire circuler les plats et de faire goûter aux autres les spécialités culinaires algériennes, tunisiennes et marocaines. Parfois, le mauvais temps oblige, nous mangions très vite avec nos manteaux sur nos épaules gelées et frissonnant de froid, nous nous dépêchions de réciter le Birkat Hamazone pour nous réfugier dans nos maisons chauffées bien parisiennes !

Mais le nec plus ultra était le Chabbat où nous commandions nos repas à notre chère vieille cuisinière Esther, décédée maintenant et qui nous concoctait son fameux Tschulent ! Lorsque le soleil était présent, nous paressions sous ces immenses Souccot, nous distribuant les gâteaux d'anniversaire des uns et des autres, buvant le café toujours prévu par l'une d'entre nous, pendant que les enfants s’ébrouaient dans les cours de recréation sans professeurs ! Ceux qui ont connu ces précieux instants de fête souriront et se souviendront de ce petit coin de Galout où nous avions su recréer, le temps d'une fête, un petit coin de paradis israélien !

Aujourd’hui, notre Soucca se trouve dans notre jardin et chaque année nous l’agrandissons pour recevoir nos enfants et petits-enfants et nos amis."


David Brahami

"C'est simple : il pleuvait tout le temps dans mon bled (une cité en région parisienne, la zone quoi!) et il fallait marcher 1/2 heure pour aller à la synagogue. Donc : première demi-heure pour aller le matin faire la téfila, 2e demi-heure pour retourner à la maison après la téfila chercher à manger, 3e demi-heure pour revenir à la synagogue et manger (enfin) dans la soucca, mais sous la pluie, ou plutôt entre les gouttes.

Une fois, durant 'hol Hamoëd, nous sommes arrivés mon frère et moi devant la synagogue et la porte était fermée. Nous avons donc sauté la barrière, et là, un car de police nous arrête. Allez leur faire comprendre qu'on veut juste manger dans la cabane, là derrière... Rien à faire, ils ont dû nous ramener chez nous dans le panier à salade pour vérifier nos dires auprès de nos parents ! Le pire c'est qu'on est quand même reparti manger...Quelle méssirout néfech ! C'est quand même plus simple en Israël, non, vous ne croyez pas ?"


David Naïm

"J'ai toujours eu la coutume d'organiser un Kiddouch durant Souccot lorsque j'habitais à Marseille. Le premier Kiddouch que j'ai organisé chez moi à Éli a eu lieu juste après notre alya il y a 10 ans. C'était Chabbat 'hol Hamoëd et tous nos amis étaient là.

La Bou'ha coulait à flot. À la fin du Kiddouch, j'ai raccompagné mes invités et discuté un peu avec eux. Je suis ensuite retourné dans la Soucca pour mettre un peu d'ordre et là, je me rends compte qu'une personne non seulement n'était pas sortie, mais qu'elle s'était endormie sur sa chaise. Il s'agissait de notre rabbin (israélien d'origine marocaine) qui venait de découvrir pour la première fois les effets de la Bou'ha... Je l'ai réveillé doucement et l'ai raccompagné chez lui. Il se rappelle de ce moment jusqu'à aujourd'hui..."
 

Alexandra Acheroff, Jérusalem

"Nous n'avions pas vraiment de problème durant Souccot car nous avions la Soucca à la maison. Nous invitions plein de gens à manger. Mais la vraie « galère », c'était la pluie et le froid : on mangeait en général en gros pulls et manteaux. Parfois, nous faisions motsi et rentrions à la maison manger. De temps en temps, mon frère parvenait à dormir dans la Soucca toute la semaine, mais c'était très rare. Aujourd'hui, en Israël, Souccot est ma fête préférée."
 

Chemouel Fitoussi

"Il fallait faire la trotte jusqu'à la Soucca la plus proche, puis monter trois étages avec le caddie, le tout pour, au mieux, découvrir que le repas était froid, et au pire - c’était généralement le cas - commencer le Kiddouch, faire la queue pour Motsi et revenir à table pour se rendre compte qu'il commençait à pleuvoir. Chez mon grand-père, le rabbin Meyer Zini, à la synagogue de la rue Saint-Isaure, c’était un tout petit peu mieux : étant le petit-fils du rabbin, j'avais le privilège de pouvoir manger directement dans la Soucca de la synagogue...

Par contre, ce que je n'ai jamais retrouvé en Israël, ce sont les Loulavim décorés comme cela se faisait chez mon grand-père..."

Esther Chouchan, Nétanya

"On prenait les caddies et on transportait la nourriture, les couverts, les assiettes, les nappes... Bref, au secours ! Aujourd'hui, Barou’h Hachem, la Soucca est à la maison : plus besoin de transporter quoi que ce soit !! Je me souviens d'une anecdote : un voisin juif qui habitait en dernier étage avait l'avantage de pouvoir construire sa Soucca tous les ans. Dès qu'elle était construite, le syndicat de copropriétaires lui envoyait une lettre lui indiquant que ce n'était pas conforme à la législation et qu'il avait donc 7 jours - juste la durée de la fête - pour enlever ce qu'il avait fait ! Merci Hachem, nous sommes là aujourd'hui : ce genre de problèmes n'existe plus !"
 

Muriel Fellous

La synagogue était à ½ h à pied et nous devions trimballer les assiettes et les marmites dans les couffins à commissions. Nous mangions en pull et très souvent en manteau. Si une petite pluie tombait, nous continuions à manger, mais si elle était trop forte alors nous rentrions tous à la synagogue pour attendre que l'averse passe. Barou’h 'Hachem, ici, la Soucca est tout simplement... dans le balcon !"
 

Rosy Chouai, Jérusalem

"Tous les anciens Parisiens parlent de pluie, de froid et de sapin... Mais à Antibes, sur la Côte d'Azur, la Soucca sentait bon Eretz Israël avec son S'ha'h et ses murs construits avec des branches de palmiers. Pour moi, Souccot en France, c'est l'odeur de ces branches de palmiers fraîchement coupées, des 7 fruits d’Israël pendus au plafond et des abeilles tournant autour. La Soucca à Antibes avait vraiment un air d'Eretz Israël, mais bon, il manquait la chanson quand même..."