Rabbénou Yérou’ham Halévi, de mémoire bénie, a écrit dans son œuvre Da’at Torah : « Le fait que rien ne soit donné sans prier est un principe de la Création. Nous voyons que nos saints Patriarches n’ont rien obtenu avant d’avoir eu recours à la prière.

Nous trouvons dans la Torah plusieurs versets qui y font allusion.

Ainsi, au sujet d’Avraham, il est mentionné : « Avraham a dit : Hachem que me donneras-tu [alors que] je m’en vais sans postérité » (Béréchit 15, 2) et « Saraï était stérile, elle n’avait pas d’enfantement ». (Béréchit 11, 30)

Et à propos d’Its’hak et Rivka, il est rapporté (Béréchit 25, 21) : « Its’hak supplia Hachem au sujet de sa femme », lui aussi a prié et imploré longuement. Pour Léa et Ra’hel, il est dit (Béréchit 29, 31) : « Hachem vit que Léa était haïe, Il ouvrit sa matrice. Et Ra’hel était stérile », jusqu’à ce qu’elle sollicite Ya’akov et lui dise (Béréchit 30, 1) : « Donne-moi des fils… » et (Ibid., 6) : « Et il a aussi entendu ma voix ».

Ya’akov également, à plusieurs reprises, dut se tourner vers D.ieu : lors de ses tribulations avec ‘Essav, de l’épreuve avec sa fille Dina à Chkhem, de celle de Yossef vendu en Egypte et encore avec Binyamin. Nos Patriarches et Matriarches n’avaient-ils pas assez de mérites pour être délivrés ? Pourtant, leur prière fut nécessaire. Même à propos de la sortie d’Egypte, déjà promise à Avraham, à Its’hak et à Ya’akov, il est dit (Chémot 2, 24) : « Elokim entendit leur gémissement », autrement dit, sans prière, le peuple d’Israël n’aurait pas été délivré. La même situation se reproduisit lors de la faute du Veau d’Or, de l’épisode des Explorateurs et de celui de Kora’h.

Il est stupéfiant de voir comment, alors que toute la Création avait été achevée, que tout se trouvait potentiellement présent dans la terre, rien ne poussa jusqu’à l’arrivée du premier homme. Adam prit alors possession de tout ce qui se trouvait en attente. Par quel moyen ? En priant. Nous voyons ici que toute la Création est la propriété de l’homme, ceci à condition qu’il reconnaisse qu’il doit se tourner vers son Créateur pour en disposer. Ce n’est qu’ensuite que le monde lui sera réellement donné. Sinon, rien ne lui revient en vertu du principe fondamental qu’on ne donne rien à l’homme, s’il ne vient pas se servir à l’aide de sa prière.

C’est ainsi que nos Sages, de mémoire bénie, expliquent l’épisode où le Har Hamoria a été déraciné et est venu se placer à cet emplacement pour Ya’akov Avinou, comme le dit le verset (Béréchit 28, 11) : « Il atteignit l’endroit ». Si tu te demandes pourquoi Hachem n’a-t-il pas retenu Ya’akov lorsqu’il est passé sur l’emplacement du Temple, on te rétorquera : s’il n’avait pas lui-même l’intention de s’y arrêter comme ses pères pour y prier, pourquoi le Ciel devrait-il l’y retenir ?

Lorsqu’il est arrivé à ‘Haran, il s’est dit : « Comment se peut-il que je sois passé par l’endroit [Beit-El] où a prié mon père sans y prier moi-même ? » A peine a-t-il décidé de faire demi-tour (et d’aller prier) qu’il était déjà arrivé à Beit-El car Hachem lui a fait ce miracle de "supprimer" les distances. Pourquoi a-t-il fallu qu’il décide de revenir, ne pouvait-on pas le retenir lors de son passage ?

De plus, grâce à ses mérites personnels, Ya’akov Avinou pouvait acquérir tout ce qu’il a obtenu à ‘Haran sans même avoir besoin de prier. Ceci est précisément notre sujet : rien n’est octroyé à l’homme s’il ne se l’approprie pas lui-même à l’aide de la prière. Il fallait que Ya’akov ait lui-même l’idée de retourner à Beit-El pour y prier comme ses pères, sinon ses mérites ne lui auraient pas suffi et il n’aurait sans doute rien obtenu.