Suite à un article diffusé l’an dernier par Torah-Box sur la “tendance aux broderies excentriques sur le Talith Gadol” appuyé sur les paroles du Choul’han ‘Aroukh expliquées par le Rav Gabriel Dayan, un long échange s’en est suivi dans les commentaires du site. Il est dommage que certains aient prêté de mauvaises intentions à cet article, qui ne vient qu'éclairer le sujet par la Halakha.

Torah-Box a donc interrogé par le biais du Rav Chlomo Teboul, le grand décisionnaire séfarade de notre génération, le Richon Létsion et Grand Rabbin de Jérusalem, Rav Chlomo Amar, pour comprendre la position de la Torah.

Dans une décision de Halakha détaillée en 4 pages, bienveillante, sourcée et argumentée, le Rav alerte la communauté de ce fléau d’innover contre la tradition car “même sans mauvaise intention, cela a souvent entraîné des catastrophes par la suite”.

Extraits du Psak Halakha de notre maître, le Richon Létsion :

Le Choul'han 'Aroukh enseigne : "Il est recommandé de ne pas prier face à des habits sur lesquels il y a des dessins, même s'ils ne sont pas en relief ; s’il s’avère qu’on est devant un habit ou un mur avec dessin au moment du Chemona ‘Esré, on fermera les yeux." (Ora'h 'Haïm 90-23)

Le Kaf Ha’haïm rapporte sur place au nom du Maguen Avraham que même sur les murs intérieurs d'une synagogue, il est interdit de placer des dessins à hauteur de la taille de l'homme. Il faut comprendre que la Chékhina se trouve devant nous (lors de la 'Amida). C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il ne doit pas y avoir de choses qui fassent écran entre la personne qui prie et le mur.

On doit faire extrêmement attention à ne pas regarder quoi que ce soit au milieu du Chemona 'Esré. C’est en vertu de cela que le Arizal avait pour usage, lorsqu'il récitait la 'Amida en silence, de fermer les yeux et de la réciter par cœur (Rav 'Haïm Vital, Cha'ar Hakavanot (p. 4 f°. 2). Le Zohar insiste beaucoup sur le tort que ceci peut causer à l'homme, et détourner le regard ou fermer les yeux ne change rien à l'interdit.

Les dessins imprimés sur les Talith Gadol sont strictement interdits, car toutes les personnes de l'assemblée se tiennent les unes derrière les autres et, automatiquement, voient les différents dessins ou les broderies se trouvant sur les Talith devant eux et de ceux encore devant eux.

Indépendamment des interdits rapportés par le Zohar, cela fait perdre aux gens toute la concentration nécessaire à la 'Amida, car leur regard va être concentré sur les dessins, sur ce qui est écrit dessus, sur le sens de ces derniers, sur leur qualité artistique et en viendront à comparer le dessin de ce Talith Gadol avec celui de son voisin, où se trouve un autre dessin, etc. De fil en aiguille, leur esprit sera ailleurs pendant que leurs lèvres continueront à réciter la prière, jusqu'au moment où sans même s'en rendre compte, ils auront terminé la 'Amida. C'est encore plus grave que l'interdit des dessins sur les murs ou les habits car en effet, les dessins sur les habits sont fréquents et on a l'habitude de voir des vêtements de couleur, avec des motifs en tous genres imprimés dessus.

Il y a dernièrement certaines personnes qui ont commencé à innover en rajoutant écritures, dessins ou broderies sur le centre du Talith, attirant ainsi le regard des fidèles, car de manière naturelle, toute nouveauté attire le regard et l'attention de l'homme.

De manière plus générale, il faut faire très attention, lorsqu'on en vient à changer certaines choses, qu'elles ne nous mènent pas à une détérioration dans notre service pour D.ieu. À travers les générations, nos Sages nous ont déjà mis en garde contre tout changement de ce qui est traditionnellement d'usage dans les synagogues ainsi qu'en ce qui concerne le déroulé des prières. On a d'ailleurs constaté que ces personnes qui avaient suivi ces nouveautés (et la modernité), en sont (souvent) arrivées religieusement parlant à des catastrophes, à D.ieu ne plaise, même si au début elles n'avaient aucune mauvaise intention. Malheureusement, un changement en a entraîné un autre, une nouveauté en a entraîné une autre, jusqu’au moment où elles se sont tellement éloignées, qu'elles ont piétiné tout ce qui avait un lien avec la Torah et 'Am Israël. Voilà pourquoi il faut supprimer tous dessins, écritures ou broderies des Talith, et les laisser tels qu'ils l'ont toujours été.

Il est donc très important de ne pas faire de changement ou d'introduire des nouveautés ; ceci, d'autant plus que les Réformés revêtent des Talith de formes variées et chez eux, même les femmes portent le Talith, D.ieu préserve. Par conséquent, il faut redoubler de vigilance, garder la forme et la couleur habituelle et ne pas laisser le Yétser Hara' nous manipuler, car nous avons entre nos mains l'exemple de nos ancêtres. Tout cela, en dehors de la transgression que cela entraîne chez les autres lors de la prière.

Rav Mordekhaï Eliahou a écrit dans Maamar Mordekhaï (15, 22-23), qu'il ne faut pas prier devant une personne qui porte une chemise sur laquelle il y a des dessins ou des écritures. Si ce n'est pas possible de prier ailleurs, il faut fermer les yeux. Celui qui porte ce genre de chemise doit se changer avant la prière de manière à ne pas perturber les autres fidèles dans leurs prières.

Rav 'Ovadia Yossef dans Yabi'a Omèr (9, 108, 48) se montre strict même sur le fait de prier face à des dessins qu'on a même l'habitude de voir et il en ressort de même du Kaf Ha'haïm.

                                                                        Chlomo Moché Amar
                                                                        Richon Letsion
                                                                        Grand-Rabbin de Jérusalem