Pour pouvoir aborder la connaissance de soi à proprement parler, il nous faut au préalable nous pencher sur l’importance des midot, c’est-à-dire les qualités et les défauts, les traits de caractère en général. 

Certaines personnes aimeraient s’améliorer mais ne savent pas comment s’y prendre ; d’autres ne comprennent pas l’importance des midot et se demandant en quoi le fait d’être orgueilleux, coléreux, jaloux ou de courir après les plaisirs a une quelconque importance. Nous allons donc expliquer quelle est la place que la Thora accorde aux midot. Pour ce faire, citons un passage du livre Chaaré Kedoucha de rabbi ‘Hayim Vital[1] : « De cette âme inférieure dépendent les bonnes et les mauvaises midot, et celles-ci constituent le fondement et la racine de l’âme supérieure intelligente de laquelle dépendent les 613 mitsvot de la Thora ».

L’enseignement de rabbi ‘Hayim Vital est le suivant : les midot sont essentielles et elles priment sur les mitsvot. Les midot constituent en effet la base de la personnalité humaine. Un être humain peut être comparé à un gratte-ciel de 70 étages dont les fondations sont enfouies sous terre et ne sont pas visibles. Néanmoins, le bâtiment entier tient sur les fondations et s’il advient un tremblement de terre, la résistance du bâtiment dépend essentiellement de la solidité des fondations. Il en est de même pour un être humain. Si ses actions représentent les différents étages du bâtiment, ses midot quant à elles, ne sont pas visibles mais constituent en réalité les fondations. Cela implique que tout ce qu’on acquiert dans la vie comme l’étude de la Thora, l’accomplissement des mitsvot ou encore la tefila ne peut se construire que sur la base des midot.

C’est pourquoi, nous dit rabbi ‘Hayim Vital, si quelqu’un est mis à l’épreuve, sa réussite ou son échec dépendra principalement de ses midot plus encore que des mitsvot qu’il aura accomplies. Bien que chaque mitsva constitue une protection puissante face aux tentations du yetser hara’, cependant ce n’est pas suffisant. Sans un travail sur ses midot, l’homme est voué à l’échec. Et malgré leur importance cruciale, la Thora n’aborde pas le thème des midot de manière explicite, car comme nous l’avons expliqué, les midot constituent la base et la fondation de la personnalité ; elles ne sont donc pas visibles d’emblée.

Nous pouvons expliquer cette idée de la façon suivante en faisant appel à des notions plus profondes. En nous enjoignant à accomplir des mitsvot, la Thora souhaite que nous nous attelions à bâtir un édifice. Cet édifice s’appelle en hébreu yéssod (fondation) et malkhout (royauté). Yéssod est la base ; elle est toujours cachée, voilée, dissimulée. Malkhout, quant à elle, est l’édifice en soi et symbolise donc la grandeur, la splendeur, la beauté, le caractère majestueux d’un bâtiment. Il en est de même pour l’être humain. Ce qui est perceptible d’emblée, c’est sa Thora (c’est-à-dire son niveau de compréhension dans les différents domaines qui la constituent), sa tefila et ses mitsvot. Les mitsvot, qui ont entre autres pour objectif de diffuser le nom d’Hachem dans le monde de sorte à ce que l’humanité reconnaisse que c’est Lui Qui en le Maître, sont accomplies de manière visible. Toutefois, cette démarche est insuffisante. Il nous faut aussi travailler sur ce qui est caché, la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire entreprendre un tikoun hamidot.

Essayons de comprendre pour quelles raisons plus concrètes Hachem nous recommande d’avoir de bonnes midot. Tout d’abord, c’est que si une société est constituée de membres jaloux, coléreux, malhonnêtes, voleurs etc., ceux-ci ne pourront jamais cohabiter en bonne entente. Cette raison, aussi vraie qu’elle soit, n’en est pas moins limitée ; il ne s’agit là que d’une question d’intérêt personnel.

Une seconde raison plus valable consiste à dire que plus on a de qualités de cœur, plus on sera susceptible d’assister autrui matériellement et spirituellement, de lui apporter bien-être et bonheur. Cette démarche n’est possible que par le tikoun hamidot, qui mène à l’altruisme.

Pourtant, il existe un niveau plus élevé encore. Il s’agit du tikoun hanéféch (réparation de l’âme). Nous sommes conscients d’être animés par une néchama. De la même façon qu’une plaie affecte le bien-être physique, ainsi en est-il pour les imperfections de caractère, qui entachent l’âme. La modestie ou l’orgueil, la patience ou la nervosité, la générosité ou l’avarice structureront différemment la néchama. Nous prenons garde à notre santé physique et nous nous préservons de tout mal – il doit en être de même avec notre âme, que nous devons préserver de toute imperfection. Car s’il est possible de dissimuler dans ce monde-ci ses mauvais traits de caractère, dans le monde futur, là où la néchama évoluera après s’être détachée du corps, les midot seront apparentes pour l’éternité.


[1] Eminent disciple du Ari zal. Il a vécu il y a environ 400 ans.