La dernière fois, nous avons évoqué trois raisons essentielles qui justifient en soi le tikoun hamidot. Cependant, nos Sages nous dévoilent qu’il y a une quatrième raison encore plus importante que les premières.

Il y a dans la Thora une injonction intitulée : « Tu iras dans Ses voies ». Cette expression signifie que l’on doit suivre les chemins d’Hachem. L’un des buts essentiels de la Thora consistant pour l’homme à « imiter » la conduite d’Hachem, il apparaît clairement que le tikoun hamidot s’inscrit de manière logique dans ce processus. Lorsque je donne de la tsédaka, lorsque j’assiste mon prochain, lorsque je lui souris, j’accède à une proximité avec Hachem qui est en réalité la source de toutes les bénédictions dans tous les domaines et constitue la finalité de l’être humain. C’est là en réalité le but ultime du tikoun hamidot.

La pratique des mitsvot et l’étude de la Thora contribuent de manière très claire au tikoun hamidot. Dès lors, pourquoi donc faut-il étudier le moussar ? L’étude de la michna, de la guemara et des halakhot devrait amplement suffire à réparer l’être humain…

Cette question fut posée au Steipeler (rabbi Ya’akov Israël Kaniewski) il y a quelques dizaines d’années. Il répondit que la Thora possède en effet une segoula (faculté) extraordinaire : de façon mystique, elle agit sur l’être humain et le transforme en profondeur. Ainsi la Thora va nous permettre d’atteindre un certain niveau de tikoun hamidot[1]. Cependant, il s’agira là uniquement d’une première étape qui permettra à l’être humain d’éviter les vices les plus grossiers. Mais pour arriver à une perfection en termes de midot, le fait d’étudier la Thora et d’accomplir les mitsvot ne suffit pas. Il faudra absolument s’adonner à la réparation de chaque mida séparément.

Il est bon de savoir que le tikoun hamidot se réalise avec plus de facilité à un âge encore tendre. Le tikoun hamidot induit une « souplesse » de la personnalité qui est plus présente jeune qu’à un âge avancé. Déraciner la colère imprégnée en nous depuis 10 ou 20 ans ou bien depuis 40, 50 ans et même plus est une chose tout à fait différente. Quelqu’un qui s’énerve quotidiennement pendant plusieurs années s’est habitué à cette attitude, elle lui semble normale et familière. Chaque petite contrariété déclenchera son courroux. Si au contraire, il s’habitue à faire preuve de patience, il finira par acquérir cette qualité. Une fois que l’on a décidé de bannir la violence dans nos réactions, on sera capable d’affronter des situations à potentiel « explosif » de façon pondérée et constructive.

Il en va ainsi de toutes les midot. A ce propos, la michna dans Avot indique : « Tout dépend de la majorité des actions ». Le Rambam explique cette michna de la façon suivante : une personne se rend chez un grand sage et lui dit : « J’aimerais bien m’améliorer, mais je n’y parviens pas. Je suis un homme avare et je n’arrive pas à donner. Indiquez-moi comment procéder afin de m'améliorer. » 

Le sage lui répond : « tout dépend de la majorité des actions ». Le sage ne lui répond pas : « tout dépend de l’importance des actions », mais bien « tout dépend de la majorité des actions ». Cela signifie que le sage ne lui demande pas de donner une somme de 10 000 Euros à la tsedaka dans le but de lui faire acquérir la générosité. Cela ne fonctionne pas car premièrement, cette exigence est bien trop exagérée à l’égard de cet homme, mais en plus elle n’a pas la faculté de le transformer en profondeur. En revanche, s’il donne ne serait-ce qu’un Euro par jour à la tsedaka, au bout de 1 000 jours il aura été totalement transformé par ce petit acte répétitif. C’est la signification de cette affirmation, à savoir : « tout dépend de la majorité des actions ».

Il en va de même pour la colère. Si un individu a maitrisé une situation particulièrement difficile et a réussi à ne pas s’énerver, cela n’aura pas la capacité de faire de lui un homme patient. Un homme patient est quelqu’un qui est parvenu à maitriser sa colère jour après jour, des centaines de fois. Après ces années de travail sur sa personne, plus rien au monde ne pourra l’irriter.

Il y a lieu enfin de préciser qu’il ne s’agit pas ici d’indifférence naturelle par rapport aux situations de la vie, mais bien d’une capacité à maîtriser ses émotions. Le tikoun hamidot n’exclut pas le sentiment. Il implique seulement d'y mêler l’esprit, le da’at.


[1] L’être humain est influençable. Lorsqu’il entend par le biais des médias parler d’un meurtre, d’un vol ou d’un adultère, cela a un impact négatif au sens ou il aura envie d’imiter ces comportements. Or dans la Thora et dans de la guemara, nous sommes confrontés à des textes qui eux aussi parlent de meurtre, de vol etc. Pourtant, non seulement en étudiant ces textes l’homme n’est pas influencé en mal, mais en outre ces textes le purifieront et le sanctifieront. C’est là une segoula particulière qu’Hachem a inséré dans la Thora.