« Quelle est la voie de rectitude (Dérekh Hayachar) que l’homme doit adopter ? Tout ce qui l’honore (Tiféret) à ses propres yeux et l’honore aux yeux d’autrui. »

Le juste équilibre pour chaque individu

Un point important sous-entendu par la Michna : le juste équilibre pour chaque individu varie en fonction de chacun. La Michna déclare que les actions de l’homme doivent être « Tiféret Lo Min Haadam », que l’on traduit généralement par « l’honorer (Tiféret) aux yeux de l’homme[1], mais en réalité la traduction exacte est « ce qui l’honore lui aux yeux de l’homme. » Ceci indique que la mesure d’équilibre dépend de la manière dont l’homme se regarde, en se référant à l’individu en question : ses actes sont-ils en harmonie avec son statut ?

Il existe plusieurs applications de cette idée : si un homme occupe une position d’autorité ou est considéré comme un érudit en Torah, alors sa manière de se conduire en public doit correspondre à son statut. Par exemple, s’il est normal pour un enfant de manger une sucette en public, c’est inapproprié pour la majorité des adultes, et semblerait indigne d’eux. De même, la Halakha stipule qu’un Talmid ‘Hakham (érudit) est dispensé de certaines Mitsvot, comme celle de restituer des objets perdus, dans des situations où cela pourrait compromettre sa dignité, comme un Rav qui restituerait une brebis perdue. En effet, de nombreux décisionnaires sont d’avis qu’un Talmid ‘Hakham n’est pas seulement dispensé de la Mitsva, mais qu’il lui est interdit de la réaliser, car cela compromettrait sa dignité en sa qualité de représentant de la Torah.

Cette règle varie pour chacun : pour certains, il sera inapproprié de manger en marchant,[2] de rouler à vélo ou de courir derrière un autobus. Chacun doit évaluer ces situations en fonction de plusieurs facteurs, y compris leur âge, leur statut et leur réputation.

Autre application du message de la Michna sur l’équilibre : un individu ne doit pas dépasser son niveau personnel. Ceci peut s’appliquer en regard de l’observance des Mitsvot, lorsqu’un individu cherche à agir avec certaines mesures de rigueur ou se vêtir d’une certaine manière incompatible avec son niveau spirituel réel. Certains hommes remarquables respectent des mesures de rigueur ou agissent de manière considérée comme « sortant de l’ordinaire », en raison de leur niveau élevé, mais cela ne veut pas dire pour autant que les autres sont tenus de les imiter.

L’histoire suivante démontre cette idée. Un garçon étudiait à la Yéchiva et décida qu’il voulait porter les Téfilines toute la journée, bien que la plupart des hommes les portent uniquement pendant la prière du matin, et qu’il se démarquerait en agissant de la sorte. De nombreuses personnes tentèrent de le dissuader, mais il s’attacha obstinément à cette conduite, citant même une « preuve » qu’il est bon d’agir de cette façon, sachant que le Rav ‘Haïm Pin’has Scheinberg se conduisait ainsi[3]. Il décida de se rendre chez le Rav Scheinberg pour qu’il le soutienne dans cette approche, mais en l’apercevant, Rav Scheinberg lui dit à voix haute : « Sois normal ! » Comment Rav Scheinberg a-t-il pu demander au garçon d’être normal, alors que lui-même avait adopté cette conduite ?! En effet, pour un garçon ordinaire, il est déplacé d’adhérer à une mesure de rigueur que la plupart des hommes ne respectent pas, mais ce n’est pas étrange pour un Gadol, un grand maître en Torah, car cela correspond à son statut général.

Autre aspect de cette idée : les actions d’une personne doivent être équilibrées en fonction de la société dans laquelle il évolue. Ce principe s’applique particulièrement à la pudeur. Certains groupes minoritaires de femmes estiment qu’il est correct de se couvrir totalement le corps, y compris le visage. Il existe deux problèmes à cette approche. L’une est qu’elle n’est soutenue par aucun Talmid ‘Hakham d’envergure, car cela ne correspond pas à l’idée d’être honoré aux yeux de personnes distinguées.[4]Le second problème est que la majorité des femmes craignant D.ieu ne s’habillent pas de cette façon, et en conséquence, ces femmes « super pudiques » se démarquent plus que la majorité des femmes. Et un aspect fondamental de la pudeur est de ne pas se démarquer, et de ce fait, ces femmes sont en vérité moins pudiques que les autres. Et elles ne sont pas un honneur pour les autres, car la manière dont elles se conduisent est incompatible avec leur environnement.

 

[1] Dans un futur article, nous aborderons pourquoi la Michna n’a pas employé un langage semblant plus logique - il doit être « Tiféret honorable envers les hommes » plutôt que « Tiféret à l’homme. »

[2] Il peut y avoir des questions halakhiques dans ce domaine qui s’appliquent à tout le monde, mais d’après la coutume générale, on mange tout en marchant.

[3] Rav Scheinberg a été l’un des grands maîtres de la génération passée. Il était également connu pour porter des dizaines de Tsitsit.

[4] Nous aborderons dans un prochain article l’idée que lorsque la Michna affirme que nos actions doivent honorer les autres, cela ne se réfère pas à toutes les sortes d’individus, car nombreux sont ceux qui sont impressionnés par une conduite impropre, sans être pour autant impressionnés par des actions que la Torah juge dignes de louange. Cela se réfère plutôt à des individus dotés d’un haut niveau spirituel qui ont une approche correcte face à la Torah.