Nous passons tous par des périodes d’élévation spirituelle et par des périodes de chute. Nos Sages disent, à propos des périodes d’élévation, qu’elles sont « couronnées de réussite. » Cela se traduit par exemple par une meilleure compréhension des textes étudiés, par de bonnes relations avec notre entourage. Par contre, lors des chutes, c’est tout l’inverse qui se produit.

Essayons de comprendre les mécanismes à l’œuvre. Rabbénou Tam, dans son livre Séfer Hayachar, explique que lorsque l’homme entreprend quelque chose de nouveau, il aura la volonté de persévérer dans sa voie à condition d’y trouver du plaisir. Ce concept apparaît également dans la Birkat Hatorah (bénédiction de l’étude de la Torah) du matin où l’on demande que les paroles de Torah nous soient agréables. En effet, dans le cas où l'on ne prendrait pas plaisir à l'étude, on finirait par s’en lasser et l’abandonner, à D.ieu ne plaise.

L’être humain n’est pas en mesure de s’affairer à quelque chose qui ne l’intéresse pas. Il est donc absolument nécessaire de susciter l’intérêt et la motivation, dans l’étude en l’occurrence. Le terme employé pour « rends-nous agréables [les paroles de Torah] » est « Véha’arev », qui est à rapprocher du mot « Ta’arovèt », qui signifie « mélange ». Parce que lorsqu’une chose nous est agréable, nous l’intégrons à nous-mêmes et elle devient partie intégrante de notre personne, à l’instar de deux éléments que l’on mélange ensemble. Au contraire, lorsqu’une chose nous est désagréable, une distance est créée avec l’objet de notre désagrément.

Que faire donc pour éviter que la lassitude ne s’installe ? Quelques conseils :

Il est en premier lieu impératif de « joindre l’utile à l’agréable », c'est-à-dire de faire émerger une forte motivation intellectuelle, en plus de l’agrément à proprement parler lié à l’accomplissement des Mitsvot. De plus, il faudra s’efforcer d’être dans le renouvellement constant, que ce soit au niveau des sujets étudiés ou bien de la compréhension des textes. En cas de démotivation, il faudra persister en évitant de se laisser décourager. En effet, Rabbénou Tam précise que l'erreur la plus grave, durant les périodes de chute, consiste à tout abandonner.

Il faudra également diminuer l’importance de l’effort ; une fois la crise passée, on pourra reprendre son rythme habituel et ce, avec un plaisir renouvelé. Enfin, il est important de ne pas se laisser impressionner par l’intensité du sentiment de chute. Il faut savoir que ces vagues s’inscrivent dans le déroulement normal de l’existence ; plus que cela, elles recèlent même des éléments positifs !

Le rapport positif développé vis-à-vis de la Torah peut s’exprimer par un sentiment d’amour. Ainsi, le Or Ha’haïm Hakadoch cite le verset : « Tu aimeras Hachem ton D.ieu. » Il pose ensuite la question : comment peut-on ordonner d’aimer ? On peut ordonner à quelqu’un d’accomplir un acte, mais le sentiment d’amour est inné, il est ou n’est pas. Le Or Ha’haïm Hakadoch répond que le fait d’étudier la Torah intensément nous permettra de nous attacher à D.ieu et de trouver une motivation à l’accomplissement des Mitsvot, ce qui revient également à nous lier à D.ieu.

L’étude spécifique des Mitsvot permet de comprendre leur valeur et leur impact, aussi bien au niveau personnel qu’au niveau collectif et même céleste. Dès lors, nous les accomplirons avec la motivation adéquate. Cette étude permet également de ne pas se laisser décourager par l’aspect contraignant de certaines Mitsvot telles que le Chabbath, avec les nombreux interdits qu’il comporte.

Il existe un autre élément important dans le rapport aux Mitsvot : c’est la création d’un contexte agréable.

Dans son œuvre magistrale Mikhtav Mééliahou, le rav Dessler raconte qu’alors qu’il n’était encore qu’un jeune enfant, il avait l’habitude de se lever très tôt durant tout le mois d’Eloul pour se rendre aux Séli’hot suivies de la Téfila. À son retour, sa grand-mère lui préparait de délicieux beignets… Il affirme que cela eut pour effet de l’imprégner d’un amour tout particulier pour les Séli’hot ; il se levait autant pour ces dernières que pour déguster les savoureux beignets…

Cette anecdote illustre bien l’idée de plaisir qui doit accompagner toute Mitsva, l’idéal restant évidemment de faire jaillir une joie spirituelle dans son accomplissement, joie que l’on peut atteindre en prenant conscience de son importance et de sa valeur infinie… 

Comment se motiver pour accomplir les Mitsvot ?

Nous avons vu qu’il était très important d’étudier la Torah avec plaisir. À présent, intéressons-nous de plus près aux manières d’y parvenir.

Nos Sages mentionnent que l’une des manières permises de se motiver dans l’accomplissement des Mitsvot est de garder à l’esprit la récompense promise dans ce monde-ci et dans le monde futur. Rabbénou Tam affirme que c’est même là un élément essentiel pour garantir l’accomplissement des Mitsvot dans la joie ainsi que pour éviter de chuter spirituellement. La Michna dans Pirké Avot dit : « Une heure de plaisir dans le monde futur vaut plus que tous les plaisirs de ce monde ».

Les Maîtres du Moussar expliquent que s’il nous était donné d’additionner tous les plaisirs et les loisirs dont tous les êtres humains ont fait l’expérience depuis la création du monde et jusqu’à aujourd’hui, on ne pourrait encore comparer cela avec la récompense d’une seule Mitsva dans le monde futur, car un plaisir matériel est incomparable à un plaisir spirituel…

Il existe une autre dimension qui peut offrir à l’homme une motivation très importante : la reconnaissance. Le Midrach rapporte que lorsque Moché fut désigné par Hachem en tant que libérateur du peuple d’Israël, son frère aîné Aharon éprouva une joie sincère. La Torah écrit à son propos : « Il te verra et se réjouira en son cœur ».

Ces mots élogieux de la Torah, d’ordinaire concise, viennent nous renseigner sur la grandeur d’âme exceptionnelle d’Aharon, qui non seulement n’éprouva aucune jalousie envers son jeune frère, mais encore se réjouit qu’il ait été désigné pour une telle mission. Pourtant, le Midrach ajoute que si Aharon avait pu savoir que la Torah allait mentionner une telle éloge, il aurait fait bien plus encore et serait venu à la rencontre de son frère avec des chants et des danses.

Concernant l’épisode de la vente de Yossef, le Torah nous rapporte que ses frères avaient pour projet initial de le tuer, mais que Réouven s’interposa et le sauva de la mort : « Réouven entendit cela et il sauva Yossef de leurs mains ». Là encore, le Midrach indique que si Réouven avait su que la Torah allait consigner son intervention et que celle-ci se retrouverait immortalisée pour l’éternité, il aurait mit en œuvre tous les moyens possibles afin de sauver Yossef des desseins de ses frères.

Nous voyons donc que l’homme est rarement conscient de la portée de ses actions. Si sa conscience était plus développée, il agirait plus et mieux. Le Midrach explique que lorsqu’un être humain fait une bonne action, le prophète Eliyahou en prend note et Hachem contresigne cette déclaration. Tout ceci sera lu aux temps messianiques. Chaque action positive, Mitsva et même bonne pensée a une portée spirituelle infinie qui dépasse notre entendement ; elle est consignée pour l’éternité.

Les modalités d’accomplissement de la Mitsva ont également leur importance. Lorsque Éliezer se présenta face à Rivka et lui demanda de l’abreuver, lui ainsi que ses hommes et ses chameaux, la Torah nous raconte avec force détails la façon dont Rivka s’empressa d’accéder à leur demande. La Torah dit : « Elle se hâta de baisser sa cruche ».

La précision de la Torah quant à l’affabilité de Rivka a son importance. En effet, même si le gain de temps conséquent à son empressement n’est que de quelques secondes, ce détail est consigné dans la Torah pour l’éternité afin de nous enseigner l’importance de la motivation et de la volonté dans l’accomplissement d’actes de ‘Hessed. Car lorsqu’on réalise une Mitsva quelle qu’elle soit, il est fondamental de le faire dans la joie et avec empressement. Il est nécessaire d’aimer la Mitsva. En outre, il faut éprouver une grande motivation. Si ce n’est pas le cas, il est probable que la lassitude s’installe et amène à l’abandon de la Mitsva... 

Rabbi Israël Salanter affirme que le découragement et le désespoir sont les pires maladies qui puissent exister. Il faut absolument lutter contre cela sans pour autant en être effrayé. Car c’est un phénomène naturel qui concerne également des hommes de grande envergure, des Gdolé Israël (Sages éminents du peuple juif).

Rabbi ‘Haïm Vital était le principal disciple du Arizal. Pour se faire une idée de la grandeur du Arizal, il suffit de rappeler que le Gaon de Vilna, lorsqu’il mentionnait le nom du Arizal, tremblait de tout son corps. D’après certaines opinions, la sagesse du Arizal était plus grande que celle de Moché Rabbénou ; cependant Moché Rabbénou était plus grand en prophétie. Après que le Arizal a quitté ce monde, Rabbi ‘Haïm Vital écrivit que son maître se dévoila à lui en rêve à plusieurs reprises pour l’encourager et ceci, pendant des mois. Il lui disait : « Il ne faut pas désespérer ni se décourager, je suis avec toi et je t’aide ; Hachem t’aide aussi ».

Ainsi, même un grand homme comme Rabbi ‘Haïm Vital, qui a mis par écrit tous les enseignements du Arizal (celui-ci ne s’exprimait qu’oralement), pouvait être pris par le désespoir et le découragement. Pour quelle raison? Parce que le Satan s’en prend à tout le monde, en vertu du principe : « plus l’homme est grand, plus la tentation est grande. »

Dans ces situations, il importe de ne pas lâcher prise, comme le dit le verset dans Michlé : « si l’esprit du dominateur (le Yétser Hara', le mauvais penchant) vient te dominer, n’abandonne pas ta place ». Par exemple, en cas de lever tardif, il faudra quand même venir à la Téfila à sa place habituelle et quotidienne : « n’abandonne pas ta place ». En effet, si on lâche prise, il sera plus difficile de recommencer.

Il importe également de développer sa motivation, de cultiver sa joie, de créer un cadre agréable à l’accomplissement des Mitsvot. Il est écrit dans le Or’hot Tsadikim que lorsqu’un individu réalise une Mitsva dans la joie, « son salaire est mille fois plus grand que celui qui fait la Mitsva à contre-cœur. » En d’autres termes, la même Mitsva réalisée avec joie a mille fois plus de valeur aux yeux d’Hachem. Il ne s’agit ici nullement d’emphase ou d’exagération, mais bien d’une réalité à prendre au pied de la lettre.

De ce fait, il est nécessaire de s’investir dans ce domaine. Il n’est pas évident d’arriver à réaliser les Mitsvot dans la joie ; cependant, il y a des moyens pour cela. Il faut étudier les ouvrages y afférents : le Or’hot Tsadikim, qui contient un chapitre entier sur le sujet, et le Alé Chour (écrit par le Rav Wolbe), qui contient également un grand chapitre à ce propos. Une étude quotidienne ou hebdomadaire de ces ouvrages ainsi que l’étude des Mitsvot et de leur sens, associées à la mise en place d’un cadre agréable et d’un conditionnement favorable, sources de forte motivation, permettront d’arriver à ce résultat extraordinaire d’un accomplissement des Mitsvot de la Torah dans la joie, avec la récompense très importante promise.