L’un des personnages les moins discutés dans les textes, mais néanmoins extrêmement important dans le Tanakh, est Elkana, qui est surtout connu pour être le père du prophète Chmouel. Néanmoins, en dépit du fait qu’il est à peine mentionné dans la Torah écrite, nos Sages décrivent sa grandeur et la raison pour laquelle il mérita d’être le père de Chmouel.

Le Tanakh mentionne qu’Elkana se rendait au Michkan, au sanctuaire à Chilo lors des Chaloch Régalim (les trois fêtes de pèlerinage). Le Midrach[1] développe ce point : « Elkana avait l’habitude de se rendre quatre fois par an à Chilo : trois fois, comme le prescrit la Torah, et une fois pour accomplir le vœu qu’il avait fait. Ses épouses et fils, les membres de sa famille, ses frères et sœurs, et toute sa famille l’accompagnait. En chemin, ils campaient sur les places des villes, les hommes et les femmes se rassemblant séparément. Où qu’ils se rendaient, le peuple les remarquait et leur demandait : "Où allez-vous ?" (Ils répondaient) : A la maison de Chilo, pourquoi ne venez-vous pas avez nous, et nous marcherons ensemble?" Sur ce, (le peuple) versait des larmes et déclarait : "Nous monterons avec vous." L’année suivante, cinq familles montèrent, l’année d’après, dix, et l’année suivante, tous se rassemblaient pour le pèlerinage, jusqu’à ce qu’environ soixante familles se joignent à lui pour le pèlerinage. Elkana n’empruntait pas le même chemin deux fois. Enfin, tout le peuple d’Israël montait (à Chilo). D.ieu dit à Elkana : « Tu as fait pencher les mérites en faveur d’Israël, tu leur as enseigné les Mitsvot et les multitudes sont devenues vertueuses grâce à toi, (en récompense), Je ferai en sorte qu’il te naîtra un fils qui fera pencher les mérites en faveur d’Israël et leur enseignera les Mitsvot. » Nous apprenons de là que la récompense d’Elkana a été Chemouël. »

Nous voyons du Midrach [2] qu’Elkana a été un Mézaké Harabim - il a conféré des mérites à la collectivité. Une autre source de nos Sages compare Elkana à l’ultime Mézaké Harabim, Avraham Avinou. Le Midrach note qu’Avraham et Elkana étaient tous deux décrits comme « Ich ». Ceci fait allusion au fait qu’ils étaient tous deux des hommes uniques de leur génération qui ont sauvé leur génération. Avraham l’est devenu en enseignant le concept d’un D.ieu unique au monde, et Elkana, en ravivant la Mitsva d’Aliya Laréguel, le pèlerinage. Une autre comparaison est le fait qu’Avraham est décrit comme ayant fait acquérir (Hikné) à Hachem les Cieux et la Terre, et Elkana est décrit de la même façon. En réalité, son nom même symbolise ceci, il signifie littéralement que Hachem acquiert, et à nouveau, le Midrach explique qu’il a été responsable du fait que Hachem a acquis le Ciel et la Terre.

Le Béer Moché [3]ajoute qu’Elkana ressemblait à Avraham Avinou par son statut d’Ivri (hébreu) - Avraham est décrit comme Avraham Haivri. D’après le Midrach, cela signifie que le monde entier se tenait d’un côté du monde, par sa croyance dans la Avoda Zara, l’idolâtrie, et Avraham se tenait de l’autre côté, demeurant inébranlable dans sa croyance en un D.ieu unique. De même, toute la génération d’Elkana avait abandonné la Mitsva de Aliya Laréguel (pèlerinage des trois fêtes) et Elkana demeura le seul personnage chez qui cette Mitsva était fortement ancrée.

L’Alter de Novardok[4], dans son ouvrage de Moussar, Madrégat Haadam, consacre un chapitre entier à l’importance d’être Mézaké Et Harabim.[5]Il répond à l’argument selon lequel une personne ne peut avoir d’effet significatif sur le monde sans disposer de grandes ressources. Il réfute cet argument en s’appuyant sur l’exemple d’Elkana, mentionnant le Midrach cité ci-dessus sur les efforts d’Elkana d’inspirer d’autres à accomplir la Mitsva d’Aliya Haréguel. Le Alter demande : « Comment a-t-il été aussi puissant ? Quels moyens a-t-il utilisés ?...Quels titres d’honneur a-t-il conféré à chaque personne ? Quelles publicités et rassemblements a-t-il organisé pour éveiller le peuple à ce sujet? » Il répond qu’il n’a donné ni honneur ni argent au peuple, il n’a pas non plus organisé de nombreux rassemblements, il a plutôt brillé par ses propres actions dans son accomplissement de la Torah. Il l’a fait de manière délibérément publique, en campant sur les places des villes pour être vu du peuple, dans le but d’engendrer un Kiddouch Hachem, une sanctification du Nom. Pour résumer la grandeur d’Elkana, poursuit-il, il a consacré ses forces à influencer le monde entier, et il ajoute que chacun peut imiter Elkana à sa façon. En donnant l’exemple d’une personne qui suit le Emet, la vérité, le Alter écrit que le peuple sera influencé, car il comprend au fond de lui ce qu’est la voie de la vérité, mais le Yétser Hara, le mauvais penchant, trouble ses pensées.

Elkana fournit un exemple puissant du pouvoir d’un individu d’influencer de nombreuses personnes par une observance sincère de la Torah avec la conscience que les actions d’un homme peuvent avoir un effet considérable sur les autres, les inspirant à l’imiter. Nous voyons d’après l’Alter de Novardok qu’il n’est pas nécessaire d’être un Rav de Kirouv, ou d’avoir des talents particuliers, mais juste de posséder un désir sincère de réaliser un Kiddouch Hachem. Et comme le Midrach l’affirme, les récompenses pour de telles actions sont incommensurables.


[1] Tanna Debé Eliyahou, 8.

[2] Midrach Aggadat Béréchit, 49. Voir aussi Michbétsot Zahav, Chemouël I, p.8.

[3] Cité dans Michbétsot Zahav, ibid.

[4] Rav Yosef Yoel Hurvitz zt”l. Il a été l’un des grands Baalé Moussar qui a établi de nombreuses Yéchivot sous le nom de Novardok.

[5] Madrégat HaAdam, ‘Mézahé et HaRabim, chapitre 7’.