On raconte une histoire à propos de Rabbi Chnéor Zalman de Liadi, le premier Rabbi de Loubavitch, à l’époque où il fut emprisonné suite à de fausses accusations de ses opposants. Alors qu’il était en prison, il fit une rencontre fascinante avec le gardien principal. Le gardien, un homme qui connaissait la Bible, réalisa qu’il avait à faire à un prisonnier inhabituel, un sage d’une intelligence et d’une sainteté hors du commun. Il se décida alors à poser au Rabbi une question qui l’avait longtemps taraudé. « Nous voyons dans la Bible qu’après que Adam et Eve aient fauté, D.ieu leur demande « où êtes-vous? », mais, puisqu’Il le savait, pourquoi le leur demande-t-Il ? Le Rabbi regarda le gardien avec des yeux remplis de douceur, mais non moins profonds : « Pensez-vous, lui demanda-t-il, que la Bible s’adresse à toutes les générations, à chacun de nous en réalité ? » « Bien sûr » répondit le gardien. « Très bien, donc », continua le Rabbi, « Ce n’était pas seulement à Adam et Eve que D.ieu s’adressa, mais à chacun de nous. Peut-être que D.ieu est à ce moment précis est en train de vous demander à vous, qui êtes sur terre depuis 46 ans, « Où en es-tu? ». Le gardien, en entendant son âge, comprit le message du Rabbi et trembla. 

 Il est écrit dans le Midrach Tana Débé Eliahou (25, 1) que chaque juif doit se demander quand ses actions égaleront celles des patriarches – Avraham, Its’hak et Yaacov.  La question n’est pas de savoir si cela est possible, mais quand cela sera effectif.  Il semble évident pour le Midrach que nos actions peuvent égaler celles des patriarches. La question est quand ? En d’autres termes, où j’en suis ? Telle est la question. On peut s’occuper de toutes sortes de choses ou amasser des richesses incommensurables, mais si on n’a pas répondu à la question du Midrach alors on est passé à côté de sa vie. Cela dit, une question brûle les lèvres. Comment est-ce possible ? Comment nos actions peuvent-elles égaler celles de patriarches ? 

 Selon le Rav Dessler, cette question est le fruit de notre ignorance. Nous ignorons les forces que D.ieu a mises en nous. Nous ne profitons pas pleinement de notre potentiel. Nous ne savons pas qui nous sommes réellement. Nos sages nous ont pourtant enseigné que certains gagnent leur monde futur en un instant comme Rabbi El’azar Ben Dourdaya (Cf. Traité Avoda Zara 17a) Il est également écrit : « Il redresse l’humble couché dans la poussière, fait remonter le pauvre du sein de l’abjection, pour le placer à côté des grands. » Nos sages enseignent que le terme « les grands » ou Nédivim désigne Avraham Avinou qui s’appelle Nédiv. 

 

Nous pouvons non seulement exploiter notre potentiel, mais également bénéficier de l’aide divine. D.ieu remonte le pauvre du sein de l’abjection pour le placer à côté d’Avraham Avinou. Pourquoi Avraham Avinou ? Avraham Avinou nous a montré la voie. Maïmonide écrit à son sujet (Michné Torah – Hilkhot Avoda Zara I ; 2-3) : « C’est ainsi que le monde erra jusqu’à la naissance du pilier du monde, Avraham Avinou. Dès que ce « puissant » fut sevré, alors qu’il n’était qu’un enfant, il commença à réfléchir. Jour et nuit, il pensait et s’étonnait : « Comment est-il possible que la sphère [céleste] dirige continuellement [le monde] sans que personne ne la dirige. Et qui la fait tourner ? Il est en effet impossible qu’elle se fasse elle-même tourner. » Il n’avait pas de professeur, ni personne pour l’instruire. Il était submergé à Our Kasdim, au milieu de stupides idolâtres. Son père, sa mère, et la population entière adoraient des idoles, et lui rendait ce culte avec eux. Son esprit ne cessait de le tourmenter, et il réfléchissait, jusqu’au moment où il trouva le droit chemin, comprit la ligne de pensée correcte, et sut qu’il n’existe qu’un seul D.ieu, qui dirige la sphère, et qui a tout créé, et qu’il n’existe aucun autre dieu que Lui. Il réalisa que toute l’humanité était dans l’erreur, et [comprit également] que ce qui avait rendu possible une telle erreur était le culte des étoiles et des figures, jusqu’à ce que la vérité disparaisse de leur esprit. À l’âge de quarante ans, Avraham reconnut son Créateur. Dès lors, il commença à réfuter les habitants d’Our Kasdim, et à débattre avec eux, en leur disant : « Vous ne suivez pas le chemin de la vérité ». Il brisa les figures et commença à enseigner au peuple qu’il n’est correct que de servir le D.ieu de l’univers, et que c’est devant Lui qu’il convient de se prosterner, d’offrir des sacrifices et des libations, afin que les générations futures Le reconnaissent. [Il leur expliqua] qu’il fallait détruire et briser toutes les figures afin d’éviter que tout le monde ne se trompe comme ceux-ci, qui pensaient qu’il n’y avait pas d’autre dieu que ces [figures]. Ayant fait triompher ses idées, le roi [Nimrod] chercha à le tuer. Il fut sauvé miraculeusement et émigra à Haran. Il commença à proclamer au monde entier avec une immense puissance que tout l’univers n’a qu’un seul D.ieu, et que c’est Lui qu’il convient d’adorer. Il allait de ville en ville et de royaume en royaume, appelant et rassemblant ensemble les habitants, jusqu’à ce qu’il atteignît la Terre de Canaan. [Là aussi,] il proclama [son message], comme il est dit : « et il appela là-bas au Nom de l’Éternel, le D.ieu de l’univers ». Quand les gens affluaient vers lui et l’interrogeaient sur ses dires, il répondait à chacun selon son aptitude, jusqu’à le ramener sur le chemin de la vérité. Ainsi, des milliers et dizaines de milliers se joignirent à lui, et constituèrent : « les gens de la maison d’Avraham ». Avraham implanta dans leurs cœurs cette doctrine essentielle, et composa des ouvrages sur le sujet. Il l’enseigna à Its’hak son fils. Its’hak l’enseigna et ramena [ainsi les gens sur le chemin de D.ieu]. Its’hak la transmit à Yaacov et lui ordonna de l’enseigner. Lui aussi, enseigna, et ramena [sur le chemin de D.ieu] tous ceux qui se joignirent à lui. Yaacov notre père enseigna à tous ses fils, et mit à part Lévi, qu’il nomma à la tête et plaça dans l’académie pour enseigner la voie de D.ieu et garder la tâche d’Avraham. Il ordonna à ses enfants de nommer des maîtres successifs de la tribu de Lévi afin que cette doctrine ne soit pas oubliée. Cela continua ainsi et prit de l’ampleur, au sein des enfants de Yaacov et de leurs adeptes, jusqu’à ce qu’ils devinrent un peuple connaissant D.ieu. Puis, les israélites, ayant séjourné longtemps en Égypte, récidivèrent et apprirent les pratiques de leurs voisins et, comme eux, servirent des idoles, à l’exception de la tribu de Lévi qui resta fermement attachée à la prescription des patriarches. La tribu de Lévi ne sombra jamais dans l’idolâtrie. La doctrine implantée par Avraham aurait pu, en un court instant, être déracinée, et les descendants de Yaacov auraient sombré dans l’erreur et l’égarement des peuples. Mais D.ieu, par amour pour nous et pour garder le serment fait à Avraham notre père, suscita Moïse notre maître et maître de tous les prophètes, et le chargea de cette mission. Après que Moché Rabbénou commença à exercer sa fonction prophétique et qu’Israël fut choisi par le Tout-Puissant comme Son héritage, Il les couronna des préceptes, et leur montra la voie de son service et comment traiter l’idolâtrie et tous ceux qui s’y égarent.

 Avraham Avinou commença son chemin par la réflexion et le questionnement. Nous devons nous inspirer de lui afin de savoir où nous en sommes.