À peine sortis d’Égypte, les Bné Israël ont commencé à se lamenter sur leur situation précaire. Une des plaintes qui reviendra régulièrement lors de leurs pérégrinations sera celle d’avoir quitté l’Égypte, bien qu’ils y subissaient un esclavage éreintant. D’ailleurs, le texte rapporte que l’Éternel n’a pas choisi le chemin le plus court vers la terre promise mais leur a fait faire un détour, car Il craignait que devant les affrontements inévitables lors de sa conquête, les Bné Israël ne veuillent retourner en Égypte. C’est pourquoi Hachem a rendu cette possibilité difficilement réalisable (début de la Parachat Béchala’h).

Tout cela est bien étonnant quand on sait que cet esclavage est considéré par nos Sages comme le plus terrible de l’Histoire. Comme cela est rapporté dans le Midrach, tous furent forcés de travailler, même les jeunes, les vieillards et les femmes. Battus continuellement, on les obligeait à réaliser des travaux dégradants comme tirer la charrue à la place des bœufs, servir de socle pour y déposer une bougie, construire des bâtisses inutilement car elles s’enfonçaient et disparaissaient dans les sables mouvants sur lesquels elles étaient établies, faire des tâches de femme pour un homme et vice versa, sans oublier le meurtre des nourrissons. Comment peut-on vouloir revivre cet enfer ?!

Mais quelque part, il y a dans le statut d’esclave quelque chose d’agréable et d’attirant : c’est le fait d’être déresponsabilisé. Un esclave ne réfléchit pas trop, ne se prend pas en main, ne s’engage pas, ne prend pas de risque ; il ne fait que ce que son maître décide pour lui. Tout comme un animal, il ne prend aucune responsabilité, il n’a pas de respectabilité à défendre et son seul souci est de survivre. Certes l’esclave souffre dans son quotidien, mais d’un autre côté il est débarrassé de tout le joug qui est le lot de la condition humaine. La Torah désapprouve qu’un Juif veuille, pour des raisons de subsistance, devenir esclave chez son prochain, car de la sorte, il est prêt par souci de facilité à rabaisser son humanité, à se dénaturer.

En réalité, tous les maux de la société moderne tournent autour du manque de courage d’être un être responsable. Car il en faut pour être un époux, un parent, un homme moral et même pour assumer son âge et son genre.

Chacun d’entre nous sait au fond de lui ce qu’il est capable d’accomplir dans ce monde grâce aux qualités que le destin lui a octroyées. La façon la plus simple d’échapper à ses devoirs est d’en démissionner et ce, en démontrant son incapacité à les réaliser. Même l’idolâtrie est une forme de désistement, dans la mesure où l’on fait dire ce que l’on veut à l’idole choisie. En réalité, la seule possibilité de se responsabiliser, c’est d’être un véritable serviteur de D.ieu qui, Lui, nous oblige à assumer.

On comprend dès lors la raison pour laquelle nos ancêtres regrettaient leur situation passée en Égypte : ils avaient réalisé qu’il n’est pas évident d’être des hommes libres dans le sens le plus large du terme. Certains choisiront de pleurer sur leur condition et de regretter leur passé, tout en accusant leur destinée et leur chef, Moché Rabbénou.

Depuis, l’homme n’a pas changé et aspire plus que jamais à être un "esclave". Est-ce cela la condition humaine, un être conditionné par sa nature et son environnement ? Heureusement, la Torah est là pour nous offrir son faisceau de vérité et de lumière. Elle nous invite à être adultes, responsables et libres d’assumer notre destinée.