Toute personne qui échappe à un danger se doit de remercier l’Éternel de l’avoir gratifiée d’un tel bienfait. À l’époque du Temple, on apportait un sacrifice, le Korban Toda, et aujourd’hui, on se contente de prononcer une bénédiction devant une assemblée, la Birkat Hagomel. À ce sujet, quelqu’un étant sorti indemne d’un grave accident de voiture dont il n’était pas responsable demanda avec une certaine gêne : “Pourquoi devrais-je remercier D.ieu de m’avoir sauvé, dans la mesure où c’est Lui aussi qui m’a mis dans cette situation ? Dans l’absolu, j’aurais préféré ne pas connaître d’accident et ne pas être redevable de quoi que ce soit !”

Lors du récit des dix plaies infligées à l’Égypte, la Torah relève que pour trois d’entre elles - le sang, les grenouilles et la vermine -, ce fut Aharon qui les provoqua en frappant les eaux et la terre, et non Moché Rabbénou. Nos Sages expliquent que dans la mesure où ce dernier fut sauvé grâce à ces éléments de la nature, il n’était pas convenable que Moché les frappe avec son bâton. Le sentiment de gratitude que ressentait le prophète s’exprimait même envers l’inerte.

La reconnaissance occupe une place prépondérante dans le judaïsme. Elle s’exprime dans le devoir de respecter ses parents, ou encore lors de la récolte des fruits avec la Mitsva de Bikourim au cours de laquelle chaque Juif apportait les prémices au Temple en exprimant sa gratitude envers D.ieu. Le Talmud est rempli d’anecdotes rapportant combien nos Sages avaient à cœur de remercier ceux qui les avaient aidés. La Torah ira jusqu'à nous demander de ne pas détester les Égyptiens et d’accepter leurs conversions, car ce peuple nous a accordé l’hospitalité lorsque nous résidions sur leur terre. Or on sait très bien les souffrances endurées par nos ancêtres en Égypte. Malgré tout, dans la mesure où les Hébreux, dans les premières années, ont profité de leur accueil, ils leur doivent de la reconnaissance.

En réalité, ce sentiment ne représente pas uniquement un trait de caractère comme tant d’autres, mais il est au centre de la construction de notre personnalité. Un Juif s’appelle en hébreu un Yéhoudi de la racine de Hodaa qui signifie remerciement. Car, en vérité, la Hakarat Hatov (la gratitude) est la réparation de l’égocentrisme qui rend l’homme détestable au sein d’une société, ainsi que dans sa propre famille. L’ingratitude provoque même des maux de l’âme et une attitude introvertie néfaste. Dans son livre “Ché’arav Bétoda”, le Rav Chalom Arouch rapporte que la reconnaissance protège l’homme de beaucoup de souffrances de l’ordre du psyché. Celui qui s’habitue à dire merci à toute occasion se verra heureux et épanoui. La nature humaine a été conçue de telle sorte que, pour conserver une bonne santé psychique, il est nécessaire d’exprimer sa gratitude envers son prochain et son Créateur. C’est pourquoi la Torah insiste sur ce trait de caractère, et sur le fait que Moché Rabbénou allait jusqu'à ressentir de la reconnaissance envers des créatures inanimées.

Vu l’importance pour le bien de l’homme de remercier, D.ieu fait en sorte que chacun, à différents moments de son existence, soit confronté à des situations périlleuses dont il se sort. Il devra alors remercier l’Éternel pour le bienfait dont Il l’a comblé. Certains ne comprendront pas les desseins de D.ieu et se poseront des questions. Mais quand on prend conscience qu’en vérité, le véritable bénéficiaire de ce commandement est l’homme lui-même qui, soumis à cette loi, se détachera de son égocentrisme, alors tout s’explique et prend une autre dimension !