Nous vivons à l’ère de la mondialisation, à une époque où les différences homme-femme s’atténuent considérablement et où l’assimilation bat son plein. Alors que la tendance est plutôt à la disparition des particularismes, aux mélanges des cultures, la Torah affirme depuis toujours son attachement aux spécificités du genre, de l’individu et de la nation. Il est intéressant de constater que la Torah utilise une quinzaine de fois l’expression בָּדָ֥ד, (seul, isolé) en parlant la plupart du temps d’Hachem ou du peuple d’Israël.

La première occurrence de l’expression בָּדָ֥ד concerne une personne atteinte de Tsara’at (maladie de la peau, traduite généralement inexactement par la lèpre).

כָּל־יְמֵ֞י אֲשֶׁ֨ר הַנֶּ֥גַע בֹּ֛ו יִטְמָ֖א טָמֵ֣א ה֑וּא בָּדָ֣ד יֵשֵׁ֔ב מִח֥וּץ לַֽמַּחֲנֶ֖ה מֹושָׁבֹֽו׃ (ויקרא יג מו)

Tant qu'il gardera cette plaie, il sera impur, parce qu'elle est impure; il demeurera isolé, sa résidence sera hors du camp.

Ce verset précise que la personne ayant contracté la Tsara’at devra s’isoler en dehors du camp et de n’avoir aucun contact avec la société. La cause de cette « maladie » à l’époque selon nos Sages était due à la médisance. L’isolement était une mesure censée encourager la réflexion et une prise de conscience sur l’importance de ne pas médire sur son prochain. Se permettre de parler en mal sur l’autre, est souvent la conséquence d’une forme de banalisation de sa personnalité. Lorsqu’on est conscient du caractère unique de chaque individu, on se permet moins facilement critiques ou paroles blessantes à son égard.

La deuxième fois où l’occurrence בָּדָ֥ד est mentionnée, il s’agit d’une louange adressée par Bil’am au peuple d’Israël, du fait qu’il vit de manière solitaire sans se mélanger aux autres peuples.

כִּֽי־מֵרֹ֤אשׁ צֻרִים֙ אֶרְאֶ֔נּוּ וּמִגְּבָע֖וֹת אֲשׁוּרֶ֑נּוּ הֶן־עָם֙ לְבָדָ֣ד יִשְׁכֹּ֔ן וּבַגּוֹיִ֖ם לֹ֥א יִתְחַשָּֽׁב  (במדבר כג ט)

Oui, je le vois de la cime des rochers, et du haut des collines, je le découvre: ce peuple, il vit solitaire, iI ne se confondra point avec les nations.

La troisième fois où l’occurrence בָּדָ֥ד apparait, cela concerne Hachem duquel il est dit :

יְהוָ֖ה בָּדָ֣ד יַנְחֶ֑נּוּ וְאֵ֥ין עִמֹּ֖ו אֵ֥ל נֵכָֽר׃ (דברים לב יב)

Seul, l'Éternel le dirige, et nulle puissance étrangère ne le seconde.

Hachem dirige les Bné Israël seul, sans être accompagné dans cette mission par qui que ce soit.

La quatrième occurrence de l’expression בָּדָ֥ד est située dans l’avant dernier verset des bénédictions adressées par Moché aux Bné Israël, le jour de sa mort.

וַיִּשְׁכֹּן֩ יִשְׂרָאֵ֨ל בֶּ֤טַח בָּדָד֙ עֵ֣ין יַעֲקֹ֔ב אֶל־אֶ֖רֶץ דָּגָ֣ן וְתִירֹ֑ושׁ אַף־שָׁמָ֖יו יַֽעַרְפוּ טָֽל׃ (דברים לג כח)

Et Israël réside avec sécurité, elle coule solitaire la source de Jacob, sur une terre riche de blé et de vin, sous des cieux qui lui versent la rosée.

Les Bné Israël pouvaient résider chacun chez soi, sans avoir besoin d’être constamment en groupe de peur d’une attaque ennemie.

Notre époque est sans doute celle où nos libertés de mouvement, de pensées et de paroles n’ont jamais été aussi grandes. Il faut se rendre à l’évidence que ces moyens quasi infinis ne sont pas toujours exploités de manière optimale. Les dispositions prises par les organismes sanitaires dans la plupart des pays sont telles que personne ne peut savoir si elle ne sera pas la prochaine sur la liste des personnes en confinement. La généralisation du phénomène du confinement est peut être une invitation à une réflexion et à une introspection générale d’une part sur nos comportements en société et sur nos particularismes que nous devons conserver, d’autre part.

Pour conclure sur une note plus optimiste, citons ce verset tiré du Téhilim :

בְּשָׁלֹ֣ום יַחְדָּו֮ אֶשְׁכְּבָ֪ה וְאִ֫ישָׁ֥ן כִּֽי־אַתָּ֣ה יְהוָ֣ה לְבָדָ֑ד לָ֝בֶ֗טַח תֹּושִׁיבֵֽנִי׃ (תהילים ד ט)

En paix, je me couche et m’endors aussitôt; car toi, ô Seigneur, même dans l’isolement, tu me fais demeurer en sécurité.

Prions pour que toutes les personnes en confinement puissent retrouver rapidement leur pleine liberté de mouvement.