Question d’Alexandre G. :

Chalom Rav,

Je fréquente une fille en vue d’un mariage, mais j’ai une appréhension avant de prendre la décision de conclure car on entend de plus en plus de divorces autour de nous, même chez des Juifs pratiquants. Avez-vous des conseils à me transmettre afin d’être certain de ne pas me retrouver dans une situation de divorce qui cause de la peine tant au couple qu’à sa descendance ?

Réponse du Rav Daniel Scemama :

Chalom Alexandre,

Avant de rapporter les différentes raisons qui font qu’il y a tellement de divorces à notre époque, je voudrais préciser deux détails importants :

- tout d’abord, lorsqu’on rentre sous la ‘Houppa pour se marier, il faut que le couple soit entier dans son choix et que chacun pense avoir trouvé le partenaire idéal pour partager et rester ensemble tout au long de la vie. Si depuis le début, on a des doutes (justifiés) et que, malgré tout, on se lance dans un tel mariage en espérant que cela marchera, on prend énormément de risques. Il est préférable dans un cas pareil d’attendre le temps nécessaire pour travailler concrètement sur ces doutes, afin de les écarter et d’être sûr de son choix ;

- dans l’absolu, il n’existe pas de mariage sans risque. Le destin amène à chaque foyer des défis, des tensions, des situations difficiles qui le mettent à l’épreuve, et c’est dans ces situations que chacun dévoile alors son véritable caractère. Le couple peut en sortir consolidé et encore plus lié, comme parfois tout le contraire. C’est pourquoi toute personne qui se marie ne peut qu’espérer que tout se passera bien dans le couple (et beaucoup prier pour cela), car il n’existe aucun moyen d’en être certain. D’ailleurs, si la Torah a prévu la possibilité du divorce, c’est que parfois (évidemment dans des cas extrêmes), il n’y a pas d’autre alternative que la séparation.

La question qui nous interpelle est “pour quelles raisons y a-t-il tellement de divorces aujourd’hui ?” L’intérêt d’une telle analyse est à la fois d’être prévoyant afin d’écarter ce qui peut nous amener à une telle situation, mais aussi de comprendre le conjoint et d’être indulgent envers lui dans certains cas de figure que l’on va rapporter.

Commençons par le “classique” :

  1. De tous temps, il était primordial qu’il y ait le Chalom Bayit - la paix au foyer -, à savoir le fonctionnement harmonieux du couple. En effet, le mariage est l’intégration de deux êtres humains différents dans leur essence, chacun avec son passé, et souvent de mentalité distincte. Aharon, frère de Moché Rabbénou, était très affairé dans le désert à réconcilier les époux, dans une réalité où il n’existait pas de différences sociales et de problèmes de subsistance.

Nos Sages se sont exprimés sur ce sujet en donnant de nombreux conseils élémentaires, comme l’importance du don vers l’autre, et les dégâts de l’égocentrisme. Ajoutons que la pauvreté est aussi une raison de tension, à plus forte raison l’oisiveté.

  1. Mais les raisons de la multiplication des cas de divorce sont particulières à notre époque, et ce à cause des bouleversements sociaux et culturels qui marquent notre génération. Sans rentrer dans l’historique de ce qui a véhiculé ces révolutions, on se retrouve en finalité avec une réalité qui a pénétré même dans les milieux les plus protégés : la nature profonde d’un homme et d’une femme a été modifiée, la définition de ce qu’est un mariage a été revue, les mots comme l’amour, la pureté, la fidélité ont une toute autre résonnance, les notions élémentaires de bien et de mal ont été effacées.

Lorsque, dans un couple, il y a quelque chose qui ne marche pas, il est primordial de cibler les raisons qui provoquent ce désordre, avant de s’empresser de vouloir arranger la situation afin de ne pas faire fausse route. En effet, si on agit dans une direction qui n’est pas la bonne, tout d’abord on n’obtiendra aucun résultat, mais on risque aussi de penser qu’il n’y a aucune porte de sortie autre que celle du divorce. De la même façon que, dans un problème médical, le diagnostic est fondamental, il en est de même dans un mal ressenti au sein du couple.

S’agit-il d’un mauvais positionnement de l’un des membres du couple (et parfois des deux), ou un problème d’enfance d’ordre psychologique qui n’a jamais été réglé, ou d’une attente excessive du conjoint non justifiée, ou encore tout simplement d’une fausse perception de ce à quoi une vie de couple doit ressembler ; et on en arrive très vite à penser que rien ne va plus, alors que le vrai problème peut se trouver dans sa propre personne et non dans le bon fonctionnement du couple

De plus, la société moderne a connu des bouleversements qui font que, souvent, l’équilibre dans le couple en est ébranlé : c’est une donnée que la femme aujourd’hui travaille et se trouve indépendante financièrement de son mari ; notre génération n’a pas beaucoup de patience ni d’endurance et recherche des solutions faciles ; l’influence des films et des romans nous éloigne des vraies valeurs ; la technologie moderne - avec internet et les smartphones - nous soumet à des épreuves inconnues dans le passé.

Encore un sujet qui a besoin d’être pris en considération, il s’agit de l’intimité. On se trouve balancés entre deux pôles d’influence extrêmes et contradictoires que sont l’abstinence due à la conception chrétienne, et la désinvolture immorale de l’ère du temps. En vérité, il y a un juste milieu qui permet au couple de s’aimer et de s’unir, et qui représente la “nourriture” d’un couple. Lorsqu’il y a un problème dans le couple au niveau de l’intimité, les Rabbanim encouragent les personnes concernées à s’en occuper sérieusement (comme consulter un sexologue ou autre thérapeute), convaincus de l’importance de l’acte pour la bonne santé du foyer.

Ajoutons encore quelques conseils pour garder un bon Chalom Bayit. Tout d’abord, d’être convaincu que d’avoir une famille unie est très important et que la paix dans le foyer passe au-dessus de mille autres considérations. D’autre part, il est important de reconnaître ses défauts et d’agir avec humilité en pensant que rien ne nous revient vraiment, sage attitude qui permet de surmonter tous les orages. Il est inutile de s’étendre sur les dangers des fréquentations douteuses, et de l’importance d’un mode de vie moral. Et évidemment beaucoup prier, et encore prier, car on a bien besoin de l’aide divine.

En conclusion, nous baignons dans un océan tumultueux qui menace tous les couples de la terre. Il s’agit sans doute d’une épreuve particulière à notre époque qui nous est envoyée du Ciel afin de la surmonter. Grâce à D.ieu, la plupart des foyers juifs qui s’appliquent à respecter la Torah restent unis, trouvant dans notre patrimoine de la force et de la joie ; les jeunes continuent à se marier sans calcul, la preuve étant la difficulté de trouver une salle de festivités libre en Israël. N'oublions pas qu’il s’agit de la première Mitsva de la Torah, pour laquelle il est permis de vendre un Séfer Torah pour l’accomplir (lorsqu’il n’y a pas d’autres solutions). C’est pourquoi, sans hésitation, lorsqu’on trouve son âme sœur, il faut “se lancer dans la piscine” !

Behatslah’a !