Je regardai ma classe en train de prier. Je n’en ai pas toujours l’occasion ! Le sérieux se lisait sur le visage des filles plongées dans leur Siddour.

Les mots sont lus avec rythme :

« O’hila laél, a’halé panav, échala miménou ma’ané lachone. » : « J’espère en D.ieu, j’attends de voir Son visage, je Lui demande de me répondre. »

« Léadam maara’hé lev oumé-Hachem maané lachone » : « L’homme invoque D.ieu de tout son cœur et D.ieu lui répond. »

’Hanna, Noémie, Tsofia… elles sont si belles lorsqu’elles prient. Mais que se passe-t-il avec Léa ?

Elle fouille sa trousse, en retire rapidement un stylo et un petit carnet. Elle griffonne quelques phrases, se retourne, jette un coup d’œil circulaire, se ronge les ongles et se lève lorsque tout le monde termine la ’Amida.

Elles sont toutes plongées dans leurs requêtes personnelles tandis qu’elle fait déjà trois pas en arrière. Elle ferme son Siddour et cherche avec qui converser.

Les jours suivants, le même scénario se répète. Je finis par comprendre que Léa, alors âgée de dix-sept ans, ne prie pas vraiment. Les portes ne se sont pas ouvertes, les sons envoûtants de la Téfila n’ont pas encore percé son cœur…

Je tente de lui parler, de m’approcher d’elle pour la sensibiliser sur le lien particulier que l’on peut créer avec D.ieu, mais en vain !

Léa est fermée à double tour. Elle est toujours pressée, fatiguée, faible ou déconcentrée, avec en tête une course à faire…

L’année se termine. Je baisse les bras, mais j’espère sincèrement que son cœur s’ouvrira un jour.

Je la rencontre cinq ans plus tard. Je la salue et continue mon chemin. Mais elle cherche à se confier.

-      « Vous vous souvenez de moi, de mes difficultés à prier ? »

J’opine de la tête en guise de réponse.

Et Léa commence à raconter l’histoire de sa vie. Elle déverse avec amertume tous les problèmes rencontrés : une situation financière des plus déplorables, le manque au quotidien, l’attente désespérée de trouver un emploi, son impuissance devant une telle situation.

« Je courais d’un travail à l’autre, je désirais trouver une place fixe, pour pouvoir acheter à mes enfants un peu plus que le minimum vital… Soudain, comme émergeant d’une torpeur, je me retrouvai devant le Roi du monde et je me mis à pleurer comme une enfant… Je L’invoquai du plus profond de mon être, je Lui demandai de m’envoyer des moyens de subsistance, puis je L’implorai pour tout… En prenant du recul, je me suis rendue compte que cette période de crise m’a fait découvrir un outil très précieux : la Téfila. »

Nos Sages, de mémoire bénie, nous enseignent que les Matriarches étaient stériles, car Hachem désire la prière des Justes.


C’est dans le malheur que jaillit la plus belle des prières !

David Hamélèkh (Psaume 102) écrit : « Prière d’un pauvre qui se sent défaillir », Rachi commente : « C’est la prière des enfants d’Israël, qui sont un peuple pauvre, quand leur âme baigne dans le malheur. »

Aux moments pénibles, lorsque tu attends un changement essentiel dans ta vie, tu as une occasion en or pour véritablement prier. Peut-être que D.ieu t’a envoyé cette embûche pour entendre ta prière ? Peut-être que ces requêtes, s’accumulant au fil du temps, te feront mériter un présent qu’il serait impossible d’acquérir autrement ?

’Hanna, la mère du prophète Chmouël, entendit que son fils s’était rendu coupable de la peine de mort. Il avait osé intervenir en exposant une Halakha devant son maître Eli HaCohen, ce qui était considéré comme un grave manque de respect de la Torah dans les générations des Anciens. Elle implora sa miséricorde.

Eli lui promit d’avoir un fils à la place de Chmouël. Mais elle lui répondit : « C’est pour cet enfant que j’ai prié. » Un enfant ne peut pas se substituer à un autre. Chmouël est né des Téfilot prononcées par un cœur meurtri, après une longue attente et un vide effarant, aucun enfant n’aurait pu le remplacer !

Si D.ieu te place « dans l’antichambre de l’attente et de l’espoir », questionne ceux qui t’ont précédée. Tu verras alors qu’aucun d’eux ne voudra renoncer à cette proximité de D.ieu qu’ils ont acquise aux périodes noires.


Ne désespère pas !

S’il te semble que les prières ne te sont d’aucun secours, sache qu’elles s’associent les unes aux autres pour former un tout qui te permettra de recevoir la bénédiction que tu mérites.

Les clés sont entre les mains de D.ieu. C’est l’explication du verset : « Les pierres gravées (’Hotam) sont saintes et appartiennent à D.ieu » ‘Hotam sont les initiales des mots :

-      ’Haya : celle qui enfante,

-      Té’hiyat Hamétim : la résurrection des morts

-      et Matar : la pluie qui symbolise la Parnassa

D.ieu n’attend que les sons de ta voix…