Mon père, de mémoire bénie, le Rav, Gaon et Tsadik Avraham Halévi Jungreis m’expliquait que lorsque je prends la parole ou que j’enseigne, je dois toujours me demander quel message l’auditeur emportera avec lui qui lui insufflera de la force et l’aidera à faire face aux aléas de la vie pendant l’année. Pour paraphraser mon révéré père, j’aimerais poser cette question à chacun d’entre nous.

Nous nous apprêtons à célébrer la fête de Pessa’h, l’anniversaire de notre statut de nation, et j’aurais aimé partager avec vous quelques enseignements à ce sujet.

Raconter le récit : la Haggada nous enseigne qu’à chaque génération, nous devons considérer l’esclavage et l’exil d’Égypte, comme si nous l’avions nous-mêmes vécu. Mais est-ce une demande bien réaliste ? Pouvons-nous réellement simuler ce sentiment ? Comment pouvons-nous transmettre ce qui s’est passé il y a si longtemps---que nous n’avons jamais vécu ? Nous avons de beaux enseignements à ce sujet, qui démontrent que cet esclavage en Egypte, les terribles souffrances de notre peuple, ont été un élément constant au fil des siècles, et qu’au final, Hachem nous porte toujours secours. Mais, me demanderez-vous, comment pouvons-nous, nous qui vivons au 21ème siècle, ressentir réellement ce que nos ancêtres et leurs enfants ont senti à ce premier Séder qui a suivi l’exode ? Après tout, il y a une énorme différence entre voir un événement de ses propres yeux et en entendre parler.

Mais là aussi, la voie a été tracée pour nous. Alors que tous ceux qui ont célébré le premier Séder après l’exode ont des souvenirs vivaces de l’esclavage et des miracles qui s’ensuivirent, il y a eu un père parmi eux, dont les enfants ne l’ont jamais vécu. Ils ont dû l’intégrer en écoutant le récit : c’était Moché Rabbénou lui-même. Lorsque Moché, le fidèle berger d’Israël, était en chemin pour sauver ses frères de d’Egypte, son frère Aharon vint le trouver et lui recommanda de renvoyer ses fils avec Tsipora, sa femme, car la jungle de l’Egypte n’était pas un lieu adapté pour eux.

Rien n’est le fruit du hasard. Il va de soi que D.ieu, omnipotent, aurait pu faire en sorte que Tsipora et les jeunes garçons soient en sécurité, même dans cet enfer, mais il doit y avoir une explication plus profonde ici.

J’ai souvent pensé que Moché Rabbénou était destiné à relater le récit à ceux qui ne l’avaient pas vu de leurs propres yeux, pour qu’à travers les siècles, nous puissions relater ce récit à nos enfants et leur permettre de voir ce qu’ils n’ont pas vu de leurs propres yeux, ni entendu de leurs propres oreilles. Néanmoins, ils allaient l’écouter avec leur cœur et leur Néchama.

Notre Prophète, notre enseignant, notre loyal berger, a tracé la voie pour nous, de sorte qu’à chaque génération, nous puissions relater le récit et le rendre vivant pour nos enfants et nos petits-enfants.

En effet, cette leçon est renforcée à maintes reprises. Tout, dans l’histoire juive, est une répétition… il y a un précédent pour tout. Nous ne sommes jamais livrés à nous-mêmes. Notre système GPS - la Torah - fonctionne toujours, à condition de savoir comment y accéder. « Ma’assé Avot Simane Labanim, ce qui s’est produit pour nos ancêtres est un signe pour les enfants. »

Ce n’est pas seulement notre histoire que nous devons relater ce soir, mais revoyons également les valeurs et principes qui guident et façonnent notre existence.

‘Hessed : au tout début du Séder, nous invitons tous les affamés et les démunis à venir se joindre à nous. A première vue, c’est assez surprenant. Après tout, qui viendrait à ce stade-là ? Alors pourquoi offrir une invitation à ce moment-là ? Mais le ‘Hessed - la bonté, est notre raison d’être. Nous sommes un peuple de ‘Hessed, engagé à faire le bien autour de nous, et cet engagement doit caractériser nos vies. Soyons attentifs à ce que les mots proclamés le soir du Séder « que tous les affamés et démunis se joignent à nous » ne soient pas de simples platitudes, mais reflètent notre quotidien, jour après jour et année après année.

Education : l’éducation de nos enfants est capitale pour notre peuple, c’est pourquoi nous invitons nos petits à poser des questions, car les questions éveillent l’esprit et le cœur. Ces questions sont posées non seulement au début du Séder - Ma Nichtana - mais tout au long de la soirée. L’une des prières de la fin est aussi formulée sous forme de questions : « Qui sait à quoi le chiffre 1 correspond ? Qui sait à quoi le chiffre 2 correspond ? » etc. (« E’had Mi Yodé’a »). Mais, tout comme les enfants, les adultes y sont également tenus. Nous devons procéder à une introspection et examiner la profondeur de nos connaissances juives et de notre engagement envers le judaïsme… Demandez-vous comment vous pouvez répondre à ces questions : « Que sais-je réellement de ma Torah, de ma foi, de mon D.ieu ? ».

Engageons-nous tous à étudier davantage cette année… faire de l’étude de la Torah la priorité de notre existence. Quoi que vous fassiez, où que vous soyez, étudiez. Vous vous le devez à vous-même, à votre peuple et à votre D.ieu.

Gratitude : l’un des chants préférés du Séder est « Dayénou ». Mais « Dayénou » est plus qu’un chant. Il représente le point ultime du « Hakarat Hatov », la reconnaissance. En tant que Juifs, nous ne pouvons rien prendre pour acquis, mais devons exprimer notre gratitude pour toutes les bénédictions, ainsi que les défis auxquels nous sommes confrontés. Ce chant détaille chaque don prodigué par D.ieu à Son peuple. Il ne s’agit pas d’un merci général, qui n’a aucun sens. Par exemple, lorsqu’un garçon Bar Mitsva remercie ses parents en déclarant : « J’aimerais remercier mes parents pour tout ce qu’ils ont fait pour moi », ces mots sont creux et insignifiants. Mais cela est bien différent s’il énumère toutes les bontés dont il a été l’objet, comme : « Je voudrais remercier ma mère d’être restée à mon chevet nuit après nuit lorsque j’étais malade » ou : « Je voudrais remercier mon père d’être resté des heures avec moi à m’aider à faire mes devoirs », « J’aimerais remercier mes parents d’avoir récité le Chéma’ du coucher chaque soir, sans jamais oublier de déposer un baiser sur mon front », « J’aimerais remercier mon père de m’avoir appris à faire du vélo, et ma mère d’avoir préparé mes plats préférés », etc.

Leçon critique pour notre génération qui pense avoir tous les droits, mais aucun devoir.

L’unité : enfin, pensons que chaque Juif doit être inclus dans notre peuple. Même celui qu’on appelle « le fils pervers » doit avoir sa place à la table du Séder. Dans son cœur, chaque Juif veut avoir un lien avec son Père céleste, avec ses racines, avec son peuple. Il nous suffit de lui montrer la voie, et nous pouvons le faire en l’invitant à se joindre à notre table… Tendons-lui la main avec chaleur et affection, comme s’il faisait partie de la famille.

Je pourrais continuer, mais je voudrais suggérer de revoir à nouveau la Haggada et de prendre ses leçons à cœur. Cela nous indiquera la voie à suivre. C’est notre boussole qui nous guidera vers le but de notre existence.