Question d’une internaute : Il y a 15 ans, alors que j'avais 40 ans, je suis tombée enceinte de mon cinquième enfant. J'étais très heureuse de cette nouvelle, mais mon mari a fait pression sur moi pour que j'avorte... ce que j'ai fini par faire. Je pensais que je n'y repenserais plus mais il n'y a pas un matin de ma vie où je ne pense pas à cet enfant à qui j'ai ôté la vie... Aujourd'hui, avec le temps, j’éprouve beaucoup de regrets. Tout d'abord, il est vrai que nous étions traditionalistes et que ça ne m'avait même pas effleuré l'esprit que l'avortement était en réalité un meurtre, donc je culpabilise. Et puis aussi aujourd'hui, tous nos enfants sont mariés ; je regrette de ne pas avoir un "petit dernier" avec nous à la maison. J'en veux énormément à mon mari même après toutes ces années et j'ai l'impression qu'il m'a volé le droit d'être une mère accomplie. Merci de votre aide.

La réponse de Mme Nathalie Seyman

Nous réalisons tous des actes plus ou moins graves sans nous soucier des conséquences qu’ils impliqueront ou alors en les minimisant. C’est hélas une grave erreur car certains de nos choix se répercutent négativement sur le reste de notre vie. Un avortement fait partie de cette catégorie de choix dont les conséquences sont à long terme car, qu’il soit consenti ou non, réfléchi ou non, il reste une expérience douloureuse dans la vie d’une femme. Alors comment se défaire de cette culpabilité qui ronge et de cette colère intérieure afin de donner un nouveau départ à la vie ?

Une colère contre soi-même

Malgré ce que voudrait nous faire croire la société d’aujourd’hui, un avortement n’est pas anodin. Il affecte psychiquement la femme car il touche à ce qu’il y a de plus joyeux chez elle, autrement dit la maternité. Donc, après avoir subi un avortement, la plupart des femmes éprouvent des sentiments contradictoires comme le déni (ce n’était qu’un amas de cellules et non un bébé), l’affirmation (c’est ma décision, c’est mon droit), la colère (j’y ai été contrainte), le fatalisme (je n’avais pas le choix)... Parmi tous ces sentiments, on retrouve une autojustification de l'acte : j’étais trop âgée, trop jeune, trop pauvre, trop occupée...

C’est une attitude profondément humaine et qui permet de mieux supporter la souffrance que l’on éprouve. Mais cela ne retire pas pour autant le sentiment de culpabilité qui ronge la personne et provoque un véritable mal-être.

Un sentiment de culpabilité provient du décalage entre l’acte commis et les valeurs profondes de la personne. Il agit comme une alarme envoyée pour nous prévenir que nous avons fait une chose que notre psychisme ne supporte pas vu les nombreuses règles qu’elle contredit : règles parentales, règles religieuses, règles personnelles dues à notre vécu, etc. Le premier réflexe est de nous protéger de cette culpabilité et de la nier en pointant la faute sur tout ce qu’il y a autour de nous, en nous dédouanant. Or plus on la refoule, plus elle reviendra décuplée à chaque moment de la vie où elle peut surgir et faire mal.

Aussi, la meilleure façon pour que la culpabilité soit derrière nous est de la traverser, littéralement. Car cette culpabilité joue un rôle : elle sert de catalyseur pour nous permettre de devenir meilleurs. Elle nous dirige et nous amène vers le droit chemin. Nous avons commis une erreur, il faut le reconnaître, en assumer la responsabilité et ne pas accuser les autres (même s’ils peuvent avoir une part de responsabilité) car après tout, c’était aussi notre choix. Mais surtout, la culpabilité ne servirait à rien si on la laissait nous détruire. Non, elle doit participer à notre perfectibilité. Il faut la comprendre, l’accepter et apprendre d’elle pour en sortir grandi. Il faut trouver une issue positive à ce choix qui vous pèse encore aujourd’hui. Car sans cela, cette erreur restera à ce stade et vous ne parviendrez pas à avancer.

Une colère au sein du couple

Dans le milieu psychanalytique, il est d’avis qu’une grossesse accidentelle dans un couple serait en fait l’expression inconsciente d’un désir de grossesse de la part de la femme. Moi je dirais qu’une femme ressent son enfant du plus profond de son corps dès qu’elle a conscience qu’il est en elle. Donc, même si elle ne l’a pas désiré, elle a la force de changer ses projets pour faire une place à ce nouvel être. C’est pourquoi, si elle décide tout de même de ne pas le garder, ce ne sera pas sans souffrance, physique et mentale.

L’homme n’a pas ce potentiel. L’enfant reste abstrait tant qu’il n’est pas né. Il ne le ressent pas dans sa chair. Il peut ainsi, s’il n’est pas porté par la Emouna (confiance en D.ieu), prendre une décision malheureuse sans se rendre compte des conséquences que celle-ci engendrera et qu’il pourra regretter par la suite.

Vous ressentez de la colère envers votre mari car pour vous, il n’a pas joué son rôle de protecteur de la famille, en particulier de sa femme, en la menant vers un parcours douloureux dont elle aura du mal à se remettre. Le problème c’est que cette ombre ne disparaîtra pas si vous ne mettez pas cartes sur table l’un avec l’autre. Etes-vous sûre de connaître les réelles raisons pour lesquelles votre époux ne voulait pas de cet enfant ? Pourquoi avez-vous finalement accepté de le faire ? Avez-vous fait ensemble le deuil de cet enfant ? Savez-vous si votre mari ressent aussi des regrets aujourd’hui ? Il est important de faire cette introspection ensemble pour comprendre ce qu’il s’est passé et effacer cette colère qui plane et ne peut rien amener de bon dans votre vie conjugale. Vous avez fait une erreur, soit, mais vous l’avez faite ensemble et pour cela, c’est ensemble que vous devez trouver la solution pour aller de l’avant.

Mes conseils

- Exprimez à votre mari ce que vous avez ressenti, et ce que vous ressentez encore aujourd’hui. Il a besoin de savoir. S’il ne comprend pas, ne lui en voulez pas car tous les hommes n’ont pas cette sensibilité maternelle. Mais le fait de lui en parler, de lui faire comprendre la douleur que vous avez éprouvée et vos regrets aujourd’hui de ne pas avoir eu cet enfant vous soulagera. Un couple partage ses joies mais aussi ses peines.

- Prenez le temps de faire le deuil de cet enfant, si vous ne l’avez pas encore fait. Même s’il n’est pas né, il n’est pas sain de faire comme s’il n’avait pas existé. Prendre le temps de le pleurer est très important pour vous permettre de dépasser ce traumatisme.

- La culpabilité crée un vide en nous. Pour la soulager, il faut la remplir avec du sens. Trouvez ce sens dans un projet qui aidera ceux qui sont dans la détresse (des femmes qui vivent ce que vous avez vécu, des orphelins qui ont besoin d’affection, des familles nombreuses qui ont besoin d’aide, une adoption, etc.) Ainsi, vous transformerez tout le négatif de cette épreuve en élan pour le bien.

- Vous avez besoin d’en parler. N’hésitez pas à consulter un thérapeute ou à parler lors d’une thérapie de groupe de femmes qui ont vécu la même chose. Cela vous fera du bien et vous fera comprendre beaucoup de choses sur vous-même.

- Ressourcez-vous dans la Téfila lorsque vous vous sentez désemparée. Hachem entend nos prières faites avec cœur et accueille la Téchouva sincère.

- Et surtout pardonnez-vous ! Hachem est miséricordieux envers nous. Nous sommes plus sévère envers nous-même. Oui l’avortement est interdit par la Torah, et si je ne l’ai pas précisé avant c’est parce que vous le savez. Mais nous faisons tous des erreurs. Et l’important, c’est de choisir le bon chemin à suivre par la suite. Allons-nous persister dans l’erreur et se laisser détruire par la culpabilité ou bien s’en servir comme d’un tremplin pour une action positive ? Il ne tient qu’à nous de décider quelle voie prendre. Et vous savez ce qu’il y a de plus beau dans la vie ? C’est que quoi qu’il arrive, rien n’est jamais perdu, Hachem nous donne toujours une autre chance...

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.