“Oh, j’aimerais tellement que mon mari soit gentil comme le mari de ma copine.” Cette phrase, pas très politiquement correcte, a sûrement traversé l’esprit de beaucoup. On est bien d’accord, elle est problématique. Au-delà du problème de comparaison – qui est d’ailleurs à l’origine de nombreux conflits de couple (merci les réseaux sociaux !) – cette phrase sous-entend que la femme est dans une posture d’attente vis-à-vis de son mari. Or, cette conception de l’amour est erronée à bien des égards.

Selon le Or’hot Tsadikim, une des démonstrations de l’amour consiste à être Vatran, c’est-à-dire à savoir céder à l’autre. Je vous vois venir : “Mais c’est quoi cette conception arriérée du mariage ? Aujourd’hui, les femmes sont libres ! Elles peuvent divorcer, elles sont indépendantes, elles ne vont pas se laisser marcher dessus par leur mari et tout lui céder…”

Bon, mettons les choses au clair avant que la polémique ne démarre : céder, être Mévater ne signifie pas renoncer à ses opinions, à sa liberté de penser ou s’écraser. C’est simplement faire preuve d’intelligence et adopter une vision à long terme.

Qu’est-ce que je gagne à vouloir annuler les intérêts de l’autre au profit des miens ? Quand je cède pour faire plaisir à l’autre, je mets ses intérêts avant les miens. Je me place dans une posture de don. Je ne cherche pas à tirer la couverture vers moi. Je suis dans le véritable ‘Hessed. Car céder, ce n’est pas s’écraser, mais comprendre que l’on construit une relation solide en offrant à l’autre un espace pour exister pleinement.

La concession : un don, pas un compromis

Concrètement, être dans la concession signifie savoir laisser à l’autre son rythme, lui donner de l’espace et ne pas tenir les comptes. Il ne s’agit pas d’un compromis où chacun obtient une part équivalente de ce qu’il veut, mais d’un don total, où l’on laisse l’autre se faire plaisir avec amour.

Par exemple, dire : “je sors ce soir avec mes copines et toi, tu sors demain avec tes amis ; comme ça tout le monde est content” est une mauvaise vision de la concession. La véritable concession pourrait être : “je sais que tu as besoin de ce moment avec tel ami, sors avec lui.” Et peu importe si vous sortez après, l’essentiel est d’avoir fait plaisir à votre conjoint. Pas de calculs. 

Nous sommes donc à l’opposé de la vision “gagnant-gagnant” prônée par la société moderne. Aimer pour de vrai, c’est céder pour de vrai sans arrière-pensée. 

Trop souvent, nous croyons que « couper la poire en deux » est la solution idéale. Mais le vrai Vitour (renoncement) ne consiste pas à faire des compromis froids et calculés. Il s’agit plutôt d’un geste de cœur, où l’on donne à l’autre sans retenue, non pas par faiblesse, mais par amour.

Et attention : il est important de verbaliser ces concessions. De la même manière, dans le couple, il est essentiel de montrer et d’exprimer ce que l’on fait pour l’autre. Dire : “je prie pour toi”, “j’ai allumé les bougies pour ta réussite”, “j’ai pensé à toi aujourd’hui”, ce sont des paroles simples mais essentielles. Elles renforcent le lien et évitent qu’un geste passe inaperçu.

Dépasser ses inclinaisons naturelles

Dans Pirké Avot, il est dit : “Qui est le véritable héros ? Celui qui conquiert son Yétser Hara’ ” (son mauvais penchant). Autrement dit, pour se perfectionner en amour, il faut savoir dépasser ses inclinations naturelles.

Prenons un exemple concret.

Mon mari m’a énervée, il est arrivé en retard à cause de son cours de sport alors que nous avons un mariage. Naturellement, j’ai envie de lui faire la tête et de ne pas m’occuper de lui. Il n’a qu’à se commander son repas de Chabbath chez le traiteur, ça lui apprendra.

Ou bien, je peux choisir une autre voie : être dans la concession. Comprendre que son sport est nécessaire à son équilibre, reconnaître que je suis déçue, mais décider que mon Chalom Bayit, mon amour envers mon mari, valent bien plus que cette crise que je pourrais lui faire. 

Aimer, c’est donc arriver à céder, à dépasser ses traits de caractère. Il est écrit : “Mi ché maavir al midotav, maavirin lo al péchaav” – Celui qui dépasse ses propres traits de caractère, on lui passe ses fautes. En d’autres termes, lorsque je me dépasse, que je ne tiens pas rigueur, Hachem prend en compte cet effort et agit envers moi avec une bonté exceptionnelle.

L’amour véritable ne se mesure pas à ce que l’on reçoit, mais à ce que l’on est prêt à donner.

Inspiré du Or’hot Tsadikim - Cha’ar Haahava