Ce Chabbath, j’étais assise dans mon fauteuil, une tasse de thé à la main, autour de moi les petits jouaient à la poupée, le bébé était endormi dans le transat, bercé par la voix de mon mari et notre fils aîné en train d’étudier dans la salle à manger. Dites-moi dans quel autre peuple avons-nous cette chance ?! Ce n’est pas uniquement un privilège, mais c’est un ordre de profiter de la vie une fois par semaine, de se déconnecter de tout ce qui nous en empêche de se libérer de ces agressions que nous subissons au quotidien, de tout ce stress… Et en accomplissant ce « commandement-kiff », on est récompensés… Incroyable ! Quelle chance d’être née juive !!! Nous avons tant de moments de qualité dans notre calendrier. Le Chabbath est, à mes yeux, le plus merveilleux de tous, mais il y en a tant d’autres. J’avais envie de profiter de cet instant pour répertorier dans un coin de ma tête tous ces moments qui font de notre religion, un cadeau précieux à chérir chaque jour de notre vie.

Ces moments sont juste le fruit d’une réflexion personnelle, chacun peut en avoir des différents évidemment, la variété fait notre richesse, mais l’idée est d’apprécier de nouveau nos instants juifs.

1. Le Chabbath (évidemment)

Je vous assure que je n’exagère pas en disant que le Chabbath a sauvé ma vie de famille. La vie nous entraîne dans un tel tourbillon de responsabilités et d’obligations, qu’on en arrive à ne plus se regarder les uns les autres. On veut juste avoir le temps de…, ou gagner suffisamment d’argent pour… Le Chabbath est une obligation de s’arrêter et de se concentrer sur notre vraie vie, celle qui fait de nous qui nous sommes, celle qui nous donne notre dimension extraordinaire. Le Chabbath est le jour le plus important de la semaine, celui pour lequel nous travaillons les 6 autres. Le Chabbath est un moment en famille, un moment joyeux, profond et spirituel. Lorsque nous disons que le Chabbath est la source de toute bénédiction, personnellement, je le ressens de façon très intense. Au moment où j’allume les bougies, le vendredi soir, tous mes soucis se dissipent comme par magie, l’excitation se calme, le ton baisse, la maison est alors baignée d’une lumière apaisante et sereine qui redonne tout simplement espoir.

2. La fête de Pourim

Je pense qu’il y a quelque chose de particulier dans cette fête. Elle ne dure que 24 heures et, pourtant, sa joie nous accompagne le mois entier. Les fêtes juives sont, certes, joyeuses, mais à la fois très solennelles, on sent comme le poids de l’histoire sur nous. La fête de Pourim, elle, est le jour de joie par excellence, une joie intense qui non seulement se ressent, mais s’exprime aussi très ouvertement. J’adore aller dans les rues ce jour-là et voir tout notre peuple déguisé, les grands comme les petits, portant des paniers de douceur, riant, chantant, dansant. C’est, pour moi, une magnifique expression de reconnaissance d’être juif, car, à la différence d’autres moments que nous vivons cachés, celui-ci, nous le montrons au monde. Nous montrons notre fierté d’exister, notre fierté et notre immense joie d’être juifs.

3. La prière de Modé Ani au saut du lit

J’aime faire partie d’un peuple qui cultive au quotidien sa reconnaissance envers son Créateur. Peu importe si on se réveille fatigués ou soucieux, peu importe si la vie nous apporte son lot de bénédictions ou, au contraire, son lot d’épreuves, peu importe si on se trouve dans le lieu où on veut être ou pas, peu importe si la journée d’hier était dure, et peu importe si la journée à venir s’annonce encore plus dure, on ouvre les yeux, et la première chose qu’on fait : on dit merci. Car rien n’est acquis, tout est un cadeau, et grâce à cette prière de Modé Ani, on habitue notre œil à apprécier chaque petite chose que le Créateur nous offre et on habitue nos lèvres à formuler notre reconnaissance.

4. Chéma’ Israël avant de s’endormir

En vous parlant du Modé Ani du matin, il m’est venu à l’esprit un autre instant que j’affectionne particulièrement. Il s’agit du Chéma’ Israël du soir après avoir bordé mes enfants, tout du moins ceux qui acceptent encore d’être bordés. Nous sommes emmitouflés sous les couvertures et nous récitons en chœur ces versets que des milliers d’ancêtres avant nous ont récités. Lorsque je chantonne ces mots avec mes enfants, j’ai le sentiment de leur léguer notre héritage, de leur raconter notre histoire et de leur dire : « Mes enfants, n’oubliez jamais à quel peuple vous appartenez, vous appartenez au peuple d’Israël, ce peuple si merveilleux et unique. »

5. La fête de Souccot

Chaque année, j’attends cette fête avec une grande impatience. J’avoue, je suis une grande amoureuse de la nature, ce qui ne me rend pas très objective. J’adore l’idée de sortir vivre à l’extérieur, alors que le reste du monde prend la direction opposée. C’est le début de l’automne, l’air se rafraîchit, le temps n’est plus aussi sûr. Malgré tout, on sort, on construit une habitation provisoire, mais assez élaborée néanmoins. On veut se sentir à l’aise dans notre maison, même si on ne va y habiter que pendant 7 jours. Lorsque je suis sous la Soucca, je ressens une proximité avec Hachem, une proximité que je ne ressens malheureusement pas souvent durant le reste de l’année. J’entends les feuilles qui dansent sous le souffle du vent, j’entends les oiseaux qui louent le Seigneur, je sens l’herbe ou même la terre mouillée de pluie, je suis entourée de cette nature qui me rappelle combien ce monde a été créé avec intelligence et bonté.

6. Pessa’h, y compris le ménage pré-fêtes

Pessa’h est, avec Kippour, la fête que tous les juifs célèbrent, quelque soit leur degré de religiosité. Je vous l’accorde, je n’ai appris à apprécier la partie « ménage » que dernièrement. Avant, je me tuais à la tâche et je n’éprouvais aucune satisfaction, et avec les années et certainement la maturité qui va avec, j’ai appris à prendre du recul, mieux m’organiser et surtout valoriser ce ménage, qui n’a rien d’un ménage de printemps. Ce ménage est bien plus profond, il s’agit d’une chasse au ‘Hamets, ce levain qui nous rend orgueilleux et qui nous éloigne de ce qu’Hachem veut de nous. J’ai aussi dû admettre que, malgré les efforts que je déployais durant toute l’année pour faire attraper un balai ou un aspirateur à l’un de mes enfants, rien n’y faisait. Par contre, deux semaines avant Pessa’h, ça relevait du miracle. Ils s’y mettaient tous très volontiers comme par magie. Et ne serait-ce que pour cette raison, je me dois d’admettre que Pessa’h a quelque chose de spécial, quelque chose qui unit, quelque chose qui renforce. Et lorsque le soir de la fête, je vois toute ma famille réunie autour d’une même table dans cette maison non pas propre, mais plutôt Cachère, j’éprouve un sentiment indescriptible de fierté.

7. La première montée à la Torah du Bar Mitsva

Le mois dernier, nous avons eu la joie de célébrer la Bar Mitsva de notre fils aîné. Autant le discours a été prononcé sur un ton timide à la vitesse du TGV, autant la lecture de la Torah m’a énormément émue. Je pense que c’est précisément à ce moment que j’ai réalisé : mon petit garçon devient un homme, et ce sentiment m’a envahie d’une grande fierté et reconnaissance. Lorsqu’on a des enfants, on est plongés dans notre quotidien, on ne les voit pas grandir, on leur parle en bébé, puis on leur dit de vrais mots, tout d’un coup on se retrouve à négocier, à justifier, mais on passe d’une étape à l’autre sans vraiment y prêter attention. Et le jour où notre bébé se tient devant nous, enveloppé de ce Talith qui lui donne une apparence pieuse et noble, ce jour-là où il est désormais un membre à part entière de la communauté (il compte dans un Minyan), ce jour-là où on l’entend raconter l’histoire de notre peuple à haute voix avec assurance et prestance, je peux vous dire alors qu’on remercie comme jamais le Créateur du monde.

8. Le jeûne de Kippour

On ne peut pas résumer une vie juive sans mentionner cette journée. Certains vous diront qu’ils l’appréhendent et qu’elle est notée d’une case noire sur le calendrier. Mais moi, je trouve cette journée particulièrement forte en spiritualité. C’est une journée de pardon. Dans quel autre peuple, voyez-vous que le Roi offre une journée annuelle de pardon, sans qu’on l’ait spécialement méritée ? Durant cette journée, nous nous détachons de nos besoins physiques, nous ressemblons aux anges qui se consacrent entièrement au service Divin. Nous sommes, pendant ces 25 heures, tellement proches de notre Créateur, que nous ressentons une plénitude et un profond bien-être à l’issue de la journée. Nous avons réussi à nous surpasser et à quitter notre statut de simples mortels dépendant de tout un tas d’habitudes physiques, et c’est très gratifiant.

9. Les Brit Milot

Ce moment est probablement celui qui réussira à m’émouvoir jusque dans mes vieux jours. Que je connaisse la maman du bébé de près ou de loin, je me retrouve toujours à sangloter au moment où ce petit être s’apprête à faire son entrée dans l’Alliance d’Avraham Avinou. Ce moment est sans aucun doute béni de là-haut. On sent la présence Divine qui plane au-dessus de l’enfant. On peut presque voir les anges qui ont été missionnés pour protéger ce paquet de douceur. Lorsque tout le monde a les yeux rivés sur le bébé, moi je regarde la maman et je cherche à attraper son regard pour lui dire que je comprends et partage ce qu’elle ressent, qu’elle n’a pas à se culpabiliser de cette émotion qui la submerge, que le cœur dans un étau est la marque de fabrique de toutes les mamans, mais que tout ira bien pour elle et son petit, car elle fait ce qui lui a été ordonné avec sagesse par notre Créateur.

10. Les mariages juifs

Pour finir, je dirais qu’un des moments clés de notre vie juive est le déroulement des mariages selon la tradition. Je suis toujours impressionnée par le passage instantané de la cérémonie très émouvante, à la réception très joyeuse et dynamique. Si pour les Brit Milot, j’aime regarder la maman du bébé, pour les mariages, je me retrouve toujours à observer le papa de la mariée. Tout passe par son regard, il est en train de donner sa petite fille à un homme qu’il connaît à peine. Il accepte de partager avec cet inconnu l’amour de sa princesse, celle qui, jusqu’à aujourd’hui, le vénérait et le considérait comme le seul homme de sa vie. Tout le cérémonial des mariages juifs est très fort et empreint d’une grande spiritualité, la mariée qui tourne autour du marié pour le protéger, l’engagement qui se scelle autour de la lecture de la Kétouba, le verre que l’on brise en souvenir du Temple détruit, mais également les efforts décuplés des convives autour de danses et de chants pour accentuer la joie des mariés.

Encore une fois, ces moments sont ma sélection personnelle, mais il y en a tellement d’autres. Notre religion regorge d’instants privilégiés, d’instants où nous ressentons la présence Divine de l’Eternel, d’instants de bonheur pur et intense. Sachons les reconnaître et les apprécier à leur juste valeur.