Savons-nous évaluer la puissance des mots à leur juste valeur ? La parole peut bouleverser une existence. Mais alors comment indiquer à un enfant s’il fait bien ou mal ? L’éducation peut-elle se faire sans critiques ?
Rivka, bien qu’attentive à sa famille, s’entête à refuser de préparer des gâteaux, et les yeux remplis de larmes, me dit qu’elle préfère les acheter à la pâtisserie. Puis, elle raconte : « Un jour, quand j’étais petite, j’ai voulu faire un gâteau pour une grande fête de famille. Une grande aventure pour moi ! J’y ai mis tout mon cœur, et satisfaite de mon travail, je l’ai présenté fièrement à ma mère qui a déclaré : « C’est très bien, mais il n’est pas assez joli pour le présenter à la fête, on le mangera seulement en famille. » Depuis ce jour-là, je n’ai plus fait de gâteau ! »
La critique : une nécessité
Pour guider et préparer un enfant à affronter la vie, il doit apprendre à supporter des remontrances. Un enfant jamais critiqué est un enfant dont on ne s’occupe pas : il est livré à lui-même. Comment pourrait-il, seul, établir une échelle de valeurs ? Faute d’évaluation de lui-même et de ses actions, il ne peut pas se situer, ce qui l’empêche d’accéder à un développement personnel et social harmonieux.
Nous n’avons pas d’alternative, il faut apprendre à ces âmes pures, qui nous sont confiées, le bien et le mal, et même parfois les y obliger. Cette éducation des parents passe par la critique de leurs actions et comportements. Mais cette critique doit être constructive. Toute notre vigilance est nécessaire. Il faut intervenir au bon moment et avec précaution. Nous ne devons pas, à D.ieu ne plaise, perturber nos enfants par une critique incorrecte, inadaptée ou trop répressive.
Il faut veiller à l’ordre des priorités. Par exemple, doit-on s’énerver avec un jeune enfant qui, au moment de se laver les mains avant de manger pour faire la bénédiction, renverse de l’eau par terre ou sur lui ? Cela est parfaitement inutile ! On peut éventuellement lui rappeler de faire attention, mais sans s’irriter. Faire ses bénédictions est plus important que de laisser échapper des gouttes d’eau par terre. L’essentiel doit être l’essentiel et le secondaire doit rester secondaire. Pour cela, il faut établir un ordre de priorités.
Chacun de nous est comme un terrain en friche. L’homme est un « petit sauvage » livré à ses pulsions, qui le tirent, l’entraînent vers leur satisfaction. L’enfant est exposé aux maladies infantiles mais aussi aux pulsions psychologiques qui perturbent ses actes. Un enfant peut avoir la rougeole, la varicelle… et aussi faire des bêtises ! À chacun sa panoplie ! Ce n’est qu’avec beaucoup de patience, de précaution, que l’enfant arrive à l’état d’homme, guéri de toutes ces « maladies juvéniles ».
Patience avec les bêtises ! Il ne faut donner aux choses que l’importance qu’elles ont. Si toutes leurs fautes sont jugées au même niveau, avec la même intensité de reproches, les enfants n’auront pas de points de repère et ne sauront pas ce qui est important. En effet, les problèmes d’ordre moral ne peuvent pas être mis sur le même pied d’égalité que des objets cassés par maladresse.
Évaluation et vérification
Si les critiques sont nécessaires, il n’est pas évident de les faire ! Et surtout, notre critique est-elle fondée ? Nous visons des points à améliorer et transformer. Cette évaluation de la conduite de notre enfant est-elle juste ? N’est-elle pas périmée, faute d’avoir été tellement utilisée ? Nos critiques n’ont-elles pas quelquefois l’effet inverse ? Il arrive qu’à force de trop insister sur une chose, les enfants en arrivent à souhaiter faire le contraire de ce qui leur est demandé.
Quand nous allons acheter des tomates et que la balance ne fonctionne pas, ce n’est pas une catastrophe. Nous payons le supplément et c’est tout. Chez les enfants, chaque petite erreur peut coûter très cher. À force de faire une remontrance sur le trésor qu’Hachem nous a donné, et de la répéter, elle se transforme en persécution. Une lumière rouge doit s’allumer pour nous dire de revoir notre évaluation. Nos remarques sont-elles fondées ?
Être conséquents
Savez-vous que la communication entre parents et enfants n’est pas seulement véhiculée par des paroles, mais aussi par des messages non verbaux ? Nos enfants sont très intuitifs. Ils comprennent tout, et pas seulement les mots.
Le flair des parents a subi maintes altérations, détériorant leur clairvoyance, affaiblissant ainsi leur lucidité. Tout ce que nous ne remarquons pas est souvent un grand sujet d’interrogation pour nos enfants. À nous de faire attention au moindre détail. L’intuition des enfants les renseigne sur la manière dont la critique a été formulée. Ils discernent exactement l’état d’esprit avec lequel les parents ont exprimé leurs griefs. Cette perception les conduit à examiner avec attention la critique des parents, et à tester l’équitabilité de celle-ci face aux autres enfants. Les enfants attendent des parents qu’ils aient une attitude cohérente et pas seulement vis-à-vis d’eux.
Un exemple, sur un mode humoristique, illustre ce fait : La mère d’un enfant très menteur décida d’acheter un robot détecteur de mensonges. L’enfant arriva à la maison, le robot se tenait dans la cuisine. La mère questionna l’enfant : « Combien as-tu eu ce matin à ton examen ? »
« 10 ! », répondit vivement l’enfant. Le robot se dirigea vers l’enfant et le gifla. « Combien as-tu eu, demanda à nouveau la mère ? » « 2, répondit l’enfant. » La mère dans un grand soupir commenta : « Moi, à ton âge j’avais 10 ! » Le robot se tourna vers elle et lui donna une claque !
L’exemple
Les demandes irréfléchies des parents aux enfants n’ont pas d’écho chez eux. Ils ne perçoivent que les choses vécues ; ils n’enregistrent dans leur cœur que ce qu’ils ont vu réellement. Un adulte ne peut pas faire un chèque si son compte est vide. Un enfant ne peut reproduire que ce qu’il a vu dans la réalité. L’éducation commence par l’exemple.
Un enfant est un fruit vert. Il écoute les reproches et les oublie vite car ils ne sont pas ancrés dans sa vie quotidienne. Les demandes faites aux enfants doivent être précises. L’éducation moderne leur permet d’acquérir beaucoup de connaissances ; elle favorise un développement intellectuel, qui reste cependant superficiel. Tout est bien écrit au tableau, c’est inscrit dans les livres et les cahiers, mais si les choses ne reposent pas sur des actes, rien n’est fait. Ces connaissances font penser à un âne qui transporterait des livres. Il n’en serait pas pour autant instruit. Il faut bien préciser à l’enfant ce qu’on lui reproche.
Il faut toucher son cœur, c’est ce qui est important pour lui. Pas de théorie ! Les enfants doivent vivre l’éducation que nous leur donnons et pas seulement nous obéir. Comment tenir ? Les enfants, nos enfants, ne sont après tout que des enfants ! Comment obtenir ? Ne fais pas ! Rentre ta chemise ! Mouche-toi ! Ne te salis pas ! N’oublie pas !
L’éducation est un investissement à long terme. Les remontrances répétées du matin jusqu’au soir finissent par ne plus être entendues. Elles resteront sans effet. Mais, au fil du temps, l’enfant finira par croire aux critiques formulées à son sujet et à s’y conformer. Il s’habituera à être tel qu’on le dit. L’enfant” tête en l’air” sera étourdi, l’enfant “paresseux” finira par l’être vraiment, l’enfant désordonné restera désordonné. Ces flèches qui l’ont pénétré sont malheureusement difficiles à déraciner.
Pour réussir l’éducation de ses enfants, les remontrances doivent êtres pertinentes et mesurées.
Il faut procéder par étape, demander une chose puis une autre. Imaginez qu’il vous faut tout changer : vous lever de bonne heure, parler sans crier, d’une manière agréable, être entièrement à l’écoute de chacun, tenir parfaitement la maison en parfait état, garder toujours le sourire… Cela ne se fera pas en un jour.
Alors pensez-vous que votre enfant peut le faire ? Un bon parent réfléchit à ce qu’il peut faire avec son enfant, en dehors de sa présence…