Il arrive souvent que nos enfants n’obtempèrent pas, et tellement moins que dans les générations précédentes. En effet, qui, de mamie Fortune de Casablanca ou de papi Simon de Colomb-Béchar, aurait osé défier le seul regard menaçant de leur père ? Impensable. Alors oui, nous avons bien baissé de niveau dans le domaine du respect des parents, mais rien n’est complètement perdu non plus, nous pouvons encore remonter certains échelons. Comment ? Je voulais partager avec vous cette semaine une des réponses qui nous donnera certes beaucoup de fil à retordre, mais qui sera la base d’une éducation beaucoup plus sereine.

Ce dimanche matin, une scène banale de la vie quotidienne ; je demande, comme à mon habitude, à ma plus grande fille de faire sa Téfila. Elle râle et baragouine quelques mots incompréhensibles. Grrr… Je ressens un début de pression et de stress monter en moi, silencieusement, pensant que c’est parce qu’elle n’obtempère pas (sentiment qui est ressenti par des millions de mamans pour des scènes de frustration identiques).

Donc je réitère ma demande une seconde fois, même piteux résultat.

La pression monte, au moins aussi vite que toutes sortes d’idées noires, purement imaginaires… Là, je m’entends penser :

« Ah, quel manque de reconnaissance, Hachem lui donne tout et elle ne prend pas 10 minutes pour Le remercier ! Vraiment… »

« Mais mon D.ieu, j’ai une fille rebelle, c’est un cauchemar ! »

« OK, si elle joue à ça, je ne lui répondrai pas. Je veux lui montrer combien je suis fâchée contre elle et contre son comportement. Grrr, elle m’é-nerve ! »

Frustrée, je lui répète une dernière fois et vois combien sa Téfila est faite finalement dans un condensé de colère et de désolation. Grand loupé.

L’ambiance de la maison tourne alors au vinaigre. Quel drame, car comme on le sait toutes, elle joue subrepticement un rôle si déterminant dans la réussite de l’éducation : les enfants vont là où il fait bon vivre (PS : et nos maris aussi d’ailleurs ;-). Si c’est à la maison, avec des parents qui travaillent leurs Middot, un air serein, de la joie, de la confiance en Hachem et en la vie, ils aimeront et rechercheront toujours et partout cette chaleur. Si tout y est morose, triste, empli de colère et d'angoisses, alors ils iront là où la joie et la chaleur les consoleront, même au prix d’éloignement avec la famille, de mauvaises fréquentations, etc. Pourvu qu’ils se sentent acceptés et apaisés quelque part, afin que leur égo renaisse de ses cendres, le prix ne sera jamais assez fort.

Alors, minute, papillon. J’ai intérêt à me calmer, moi. Si l’éducation de mon enfant prenait une mauvaise tournure, à D.ieu ne plaise, qui en pâtirait le plus ? Aucun doute, ce serait moi.

Alors, pour court-circuiter ma mauvaise énergie rejaillissant sur toute la maison, je vais m’isoler quelques minutes dans ma chambre pour reprendre mes esprits.

« J’ai voulu faire une demande, la réponse a été négative. Puis-je envisager d’avoir moi-même mal formulé ma demande, au lieu de reporter la faute sur l’autre ? Si le message est mal passé, n’étais-je pas aussi un mauvais émetteur ? »

Oui, en fait, peu à peu, les pensées s’éclaircissent, suite à l’accalmie de la tempête dans mon cœur.

Puis la réflexion avance : « Si en fait mon message a été mal transmis, c’est qu’elle ne comprend pas quel d’intérêt représente pour elle la Téfila. Comment est-ce possible ? »

Enfin, la réponse s’éclaire de façon évidente : quand je lui fais cette demande, elle, elle perçoit, en fait, que c’est pour moi qu’elle doit faire sa Téfila quotidienne… Et se heurte à cette incompréhension.

Pourquoi ? Tout simplement parce que je n’ai moi-même pas du tout intégré que si elle ne fait pas sa Téfila, c’est elle qui perd. Ô combien !

Nous sommes en fait dans deux sphères complètement différentes :

- Je pense, à travers elle, que si elle ne s'exécute pas, je suis la fautive. Cette souffrance est reportée sur elle, qui est bien loin de penser à cela !

- Elle est juste en prise avec son Yétser Hara' et veut seulement être tranquille ! Elle perçoit par ailleurs que c’est pour moi qu’elle doit faire sa Téfila, c’est dissonant !

Nous, les mamans, reportons souvent nos angoisses et nos frustrations sur nos enfants. Alors que l’attitude la plus sûre à adopter pour qu’ils réussissent à atteindre des objectifs élevés dans la vie, c’est de leur offrir la chance d’endosser leurs propres responsabilités, et pas les nôtres.

Exemple : « Tu ne veux pas faire ta Téfila, ma princesse ? Quel dommage ! C’est si doux de se sentir liée et protégée par Hachem tout au long de sa journée par cet intermédiaire… Je suis sûre que tu sauras finalement t’en donner le courage. » Dans cette configuration, elle serait saine d’esprit et revigorée par la responsabilité que l’on remet entre ses mains d’adulte-en-devenir.

Ajoutons de plus que le fait d’apprendre à nos enfants à endosser leurs responsabilités est une fondation qui donnera beaucoup d’équilibre à leur vie d’adulte ; assumer ses responsabilités et prendre sa vie en main dès le plus jeune âge, c’est se garantir une vie stable, car l’enfant intègre progressivement que chaque choix a des conséquences et qu’il faut en faire les comptes un jour ou l’autre. Notion on ne peut plus centrale dans notre judaïsme.

Plus de place, dans cette éducation, aux justifications permanentes, aux “Tiroutsim” (prétextes)...

En bref, nous ne devons pas donner à nos enfants le sentiment que nous attendons d’eux la perfection. Mais leur donner l’envie de progresser tout doucement, par et pour eux-mêmes, en sachant que les échecs qu’ils essuient sont nécessaires et constructifs.

Hachem nous donne régulièrement ces occasions d’admettre justement nos fautes, afin de nous offrir la chance de nous débarrasser de toute once de culpabilité dévastatrice.

Pour nous résumer enfin, si nos enfants ne nous écoutent pas, c’est parce que leur sens inné leur indique que nos demandes ne sont pas effectuées dans l’intention la plus saine - celle de les voir grandir en tant qu’individualité à part entière - mais dans l’espoir de les voir endosser la prolongation ou le rattrapage de notre propre existence.

Il serait très intéressant de recueillir vos propres témoignages et réflexions à ce sujet, alors, à vos plumes ;-)

Kol touv !