“Ma chérie, arrête de te plaindre, il faut accepter toute situation avec Émouna (foi en D.ieu)” : avez-vous déjà entendu ce genre de phrases ?

“Oui, c’est sûrement vrai… se plaindre, c’est manquer de Émouna mais c’est plus facile à dire qu’à faire”, allez-vous me rétorquer.

Grâce à la Parachat Béha’alotékha, nous allons comprendre que se plaindre, ce n’est pas un manque de Émouna, mais c’est, au contraire, la vraie preuve de notre Émouna !

Dans le désert, certaines personnes viennent se plaindre à Moché en lui disant : "Pourquoi serions-nous privés d'offrir le sacrifice du Seigneur en son temps ?"[1].

Il s’agit de personnes qui n’ont pas pu manger le sacrifice de Pessa’h (Korban Pessa’h) le soir du 14 Nissan. Manger le sacrifice pascal est non seulement une Mitsva, mais c’est surtout un acte fondamental en tant que juif. Or, pour le manger, il fallait se trouver en état de pureté rituelle, donc si une personne s’était rendue impure (en inhumant un défunt, par exemple), elle ne se trouvait donc plus en mesure de réaliser cette Mitsva.

Moché, très étonné de leur demande originale, leur répond : “Si vous avez raté le moment de le manger, tant pis pour cette fois ! De toute façon, puisque vous étiez dans l’incapacité de le manger ce soir-là, vous êtes exemptés de cette Mitsva ! Et puis, on ne va tout de même pas modifier le calendrier défini par Hachem, le Maître du monde, Lui-même, en y ajoutant de nouvelles fêtes[2]! Ceci étant dit, si vous insistez tant, je vais quand même aller poser la question à Hachem…”[3]

La réponse d’Hachem ne se fait pas attendre : “Si quelqu'un se trouve souillé par un cadavre (...) et qu'il veut faire la Pâque en l'honneur de l'Éternel, c'est au deuxième mois, le quatorzième jour, vers le soir, qu'ils la feront”[4].
Incroyable ! Hachem décide de répondre à leur demande et de “fabriquer” une session de rattrapage pour ces personnes qui viennent se plaindre à Moché d’avoir raté Pessa’h ! Ainsi, ils pourront manger le Korban Pessa’h à un autre moment, le 14 Iyar, et cela va leur permettre de rattraper l’occasion manquée.

Tout d’abord, ce message est extraordinaire pour nous encore aujourd’hui : il faut comprendre qu’on peut toujours avoir une session de rattrapage dans la vie, peu importe l’examen qu’on a raté (début de mariage difficile, erreurs avec nos enfants, parcours professionnel chaotique…), rien n’est jamais perdu, tout est encore rattrapable ! Mais allons encore plus loin, pourquoi Hachem n’a pas annoncé d’avance cette session de rattrapage ?
La réponse de Rachi : cette loi aurait dû être promulguée par Moché de la même manière qu’il a promulgué toute la Torah. Mais ces hommes-là ont été dignes de la voir mettre à leur crédit, car ce sont les méritants qui confèrent des mérites.

En d’autres termes, si l'on reste les bras croisés en attendant qu’Hachem transforme notre situation sans le Lui demander directement, ce principe ne marche pas. Il faut exprimer, de notre côté, un désir puissant, une volonté ferme, et Hachem nous enverra la seconde chance que l’on souhaite tant.
En fait, Hachem s‘est même réjoui de leur demande ! Pourquoi ? Car il faut comprendre que lorsque l’on se tourne vers Hachem dans un moment de désarroi, c’est bien la preuve de notre conviction qu’Il est le seul à pouvoir changer notre situation. Se plaindre à Hachem, c’est en fait l’expression de la confiance que l’on Lui porte. Ainsi, Hachem S’est réjoui face à cette plainte !
Le Sfat Emet dit : “La prière et les lamentations sont l’expression d’un rapport entier avec Hachem.”[5]

Puis, la Paracha poursuit en relatant un autre épisode lors de ce voyage dans le désert : alors que le peuple juif était sur le point d’entrer en Erets Israël, ils se mirent à s’apitoyer sur leur sort. En réalité, les Juifs n’avaient pas de doléance particulière[6], ils ont agi “comme des pleurnichards”, c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas de réelles raisons de se lamenter, mais ils se montrèrent plaintifs tout au long du voyage. Puis, vint la récrimination ultime d’une partie du peuple contre la manne, la nourriture céleste qu’ils mangeaient à profusion dans le désert : “Les enfants d'Israël se remirent à pleurer et dirent : 'Qui nous donnera de la viande à manger ?'”[7].

Cette fois-ci, la réaction d’Hachem fut bien différente de la précédente : “Hachem entendit et Sa colère s’enflamma…”

Mais ils se sont plaints, comme précédemment, n’est-ce pas ? Pourquoi cette fois-ci Hachem ne se réjouit pas de leur revendication, mais, au contraire, se met en colère ?

En fait, on apprend de là que, dans la vie, il y a les bonnes et les mauvaises plaintes.

Quelle est la différence ? La bonne, c’est quand elle est objective : je suis face à une impossibilité de réaliser quelque chose que je souhaite ardemment et là, la bonne attitude c’est de se tourner vers Hachem et de Lui exprimer sa doléance : “Pourquoi est-ce si difficile avec cet enfant ?”, “Hachem, comment faire face à nos dettes ?”, ou bien encore : “Hachem, pourquoi cette maladie… ?”

À ce moment-là, la plainte vers Hachem est l’expression de notre Émouna. Plutôt que de se tourner vers les hommes, nous nous tournons vers le Maître du Monde, car nous savons que tout est entre Ses mains, et la délivrance pourra intervenir.

Du coup, quelle est la mauvaise plainte ? C’est celle où je me lamente juste pour m’apitoyer sur mon sort. C’est lorsque je n’arrive pas à profiter de ce qu’Hachem me donne, car je suis trop en train de regarder l’herbe du voisin, qui est toujours plus verte que la mienne…

En fait, ce n’est pas la première fois que les Bné Israël se sont lamentés. La première fois, c’était avant de traverser la mer Rouge : ils s’étaient plaints de l’eau, qui était amère[8]. Nos Sages nous disent : “Ce n’était pas les eaux qui étaient amères, c’était eux-mêmes qui étaient amers !” En fait, lorsqu’on est amer à l’intérieur de soi-même, peu importe ce que l’on goûte, tout nous paraîtra amer aussi !

Ce n’est que lorsque l’on est capables de changer de l’intérieur que l’on pourra profiter des vraies bonnes choses que l’on a. Pour avoir le goût de la vie, il faut se renouveler chaque jour de l’intérieur et savoir apprécier les bonnes choses qu’Hakadoch Baroukh Hou met à notre disposition.

Dès lors que nous aurons fait ce travail intérieur, si jamais par la suite nous rencontrons des difficultés, sachons nous tourner vers Hakadoch Baroukh Hou pour Lui exprimer nos demandes. Ce sera l’expression de notre conviction que seul Lui peut améliorer notre situation… et c’est cela la vraie Émouna !


[1] Bamidbar (9,7)

[2] “Quand on a raté le moment, on ne peut plus effectuer ce sacrifice.” Talmud Brakhot.

[3] Rachi, Bamidbar (9,4)

[4] Bamidbar (9,10)

[5] Sfat Emet sur Parachat Béchala’h

[6] Bamidbar (11,1)

[7] Bamidbar (11,4)

[8] Chémot (15,23)