לא ִתיָרא ְלֵביָתהּ ִמָשֶּׁלג: ִכּי ָכל ֵבּיָתהּ ָלֻבשׁ ָשִׁנים
Elle ne redoute point la neige pour sa maison, car tous ses gens sont couverts de riches étoffes. 

La Echet ‘Hayil n’a pas peur que les membres du foyer aient froid parce qu’elle leur procure des vêtements. En quoi ce verset est-il élogieux ? Le Roi Salomon veut-il nous dire que lorsque une femme va chez H&M ou Zara pour acheter des vêtements à nos enfants, il y a de quoi d’extasier devant sa grandeur ? Et quel est le lien avec le fait qu’elle n’ait pas peur ?!

Être à l’écoute de chacun selon ses besoins

Au sens simple, cela signifie que la Echet ‘Hayil confectionne (ou au sens actuel qu’elle achète) des habits chauds adaptés au froid de l’hiver, et qu’elle choisit ce qu’il y a de mieux pour sa famille. Le Metzoudat David explique qu’elle choisit des habits dans des tons de préférence rouge car le rouge absorbe la chaleur et protège mieux du froid de l’hiver. Le mot “Chanim” signifie en hébreu “double” comme pour signifier qu’ils sont deux fois plus vêtus en hiver que le reste de l’année. Mais le mot “Chanim” signifie également “années” c’est-à-dire qu’elle fait en sorte que chacun, quel que soit son âge, est vêtu selon ses besoins qui lui sont propres. En d’autres termes, la Echet ‘Hayil est à l’écoute de tout le monde et essaie d’adapter ses soins de la façon la plus adaptée à chacun.

Les préparer à affronter les défis de la vie !

De manière plus profonde, la neige fait allusion à la mort : la Echet ‘Hayil “couvre” ses enfants de mitzvot et d’enseignements de Torah, ce qui les protègera spirituellement toute leur vie, et même après leur mort [1]

Mais la neige symbolise également la froideur et l’incapacité à aller de l’avant. Parfois on a l’impression d’être face à des problèmes insurmontables et nous sommes paralysés par les événements qui surviennent. Cet état peut être créé de notre propre gré, et peut grandement nous limiter. Cela veut dire que la femme ne laissera quiconque au sein de son foyer être paralysé ; elle trouvera les outils pour permettre à tous d’exploiter son potentiel. En effet, le pire dans la vie c’est l’immobilisme car si on n’essaye pas on ne réussira jamais rien [2]. Donc grâce à l’attention qu’elle prodigue quotidiennement à tout un chacun, la Echet ‘Hayil arme ses enfants d’une telle force qu’à l’avenir ils ne seront pas bloqués par des circonstances décourageantes, mais, au contraire, ils sauront aller de l’avant dans toutes les situations !

La sécurité affective

Quel est finalement le lien entre le fait qu’elle leur procure des habits chauds et le fait qu’ils aient confiance en eux et qu’ils ne redoutent pas les épreuves de la vie ? En fait, les tâches quotidiennes peuvent sembler rébarbatives ou sans signification aux yeux d'une mère, mais ceux sont eux qui permettent aux enfants de se sentir aimés ! “Maman m’a acheté une robe”, “Maman m’a mis une barre de chocolat dans mon sac”, “Maman vient me chercher à l’école”. : tous ces “petits” actes sont en fait à leurs yeux des preuves de l'amour que leur mère leur porte. Ils grandissent avec un estime d’eux-mêmes positive et qui, à l’avenir, constituera une force pour affronter les défis de la vie. De plus, la routine quotidienne avec des horaires fixes, des bons repas et des habits adaptés à la saison sont une fait la base de la sécurité affective nécessaire pour grandir de façon équilibrée et développer des aptitudes élevées.

Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?

Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible. 

Dans ce verset, il s’agit de Ra’hav

Qui est Ra’hav ? Ra’hav a vécu en Israël au moment de l’entrée en Israel du peuple juif après 40 ans d’errance dans le désert. Moshé Rabbenou est mort et son disciple Yehoshoua Bin Noun est le nouveau leader du peuple juif. Au moment où ils s’apprêtent à rentrer en Israel, Yehoushoua envoie deux espions dans la ville de Jéricho où ils vont se cacher dans l’auberge de Ra’hav, située sur les remparts des murailles de la ville. Lorsque la milice de Jericho apprennent que des espions hébreux se sont infiltrés dans la ville, ils vont les chercher dans tous les moindres recoins de la ville pour tenter de les retrouver, mais en vain. Ils vont passer par l’auberge de Ra’hav, et celle-ci va prendre la courageuse décision de les cacher à ses risques et périls. 

Lorsqu’ils sont alors hors de danger et s'apprêtent à repartir, elle va leur demander une faveur : de la protéger, ainsi que sa famille, lors de la prochaine conquête. Le signe qu’il vont conclure est qu’elle va accrocher un fil rouge à sa fenêtre pour que les soldats hébreux reconnaissent sa maison et ne la prenne pas d’assaut. Grâce à ce fil rouge, elle et sa famille se sentent en confiance, malgré la prochaine guerre qui se profile dans leur pays. Ra’hav, à l’image de la Echet ‘Hayil, est donc celle qui se préoccupe du bien-être de sa famille, même au prix de risquer sa vie pour le faire.

Mais l’histoire de s’arrête pas là. Ra’hav va finalement se convertir au judaïsme, et épouser…  Yehochoua le dirigeant spirituel de la génération ! Leur descendance sera d’une très haute stature spirituelle, comme le dit le Talmud [3], huit de leurs descendants seront des prophètes, dont le prophète Jérémie ! Ainsi son acte de bravoure n’a pas eu comme seule conséquence la survie physique d’elle et de sa famille, mais elle est devenue la fondatrice d’une grande lignée de Tsadikim.

Ra’hav, comme la Echet ‘Hayil, c’est celle qui prend en main l’avenir matériel et spirituel de sa famille, par des actions qui peuvent être des gestes de bravoure ou bien tout simplement des actions quotidiennes. Pour elle, rien n’est banal et rien n’est dû au hasard : chaque occasion est bonne de protéger les siens des dangers extérieurs, que cela soit la neige, la guerre ou les défis du quotidien. Grâce à sa personnalité et à la chaleur qu’elle prodigue quotidiennement elle est la source de la protection de tous ses proches jusqu’à 120 ans… et même après !

[1] Malbim sur Michlei (31,21) 

[2] Gaon de Vilna sur Béréchit (8,14) cité par Tsipporah Heller dans "More precious than pearls"

[3] Traité Meguila 14b