טָעֲמָה כִּי טוֹב סַחְרָהּ לֹא יִכְבֶּה בליל (בַלַּיְלָה) נֵרָהּ.

Elle s'assure que sa marchandise est bonne ; sa bougie ne s'éteint pas la nuit.

La Echet ‘Hayil goûte sa marchandise et la trouve bonne ! Que veut nous signifier le roi Salomon ? De quelle marchandise parle-t-on ? Et quel est le rapport avec la bougie qui ne s'éteint pas la nuit ? 

Allumer la bougie, c’est allumer l’âme

La bougie, c’est l’âme [1] et la Echet ‘Hayil, c’est celle qui “allume la flamme” chez les membres de sa famille. En effet, la Echet ‘Hayil développe sa capacité de voir le bien de partout, en particulier dans son foyer. C’est la raison pour laquelle, nous dit le Maharal, quand une femme allume les bougies de Chabbath, elle rallume l’intensité des Néchamot, des âmes qui se trouvent dans son foyer. Or, allumer l’âme d’une personne, c’est allumer un projecteur sur les bonnes choses et laisser jaillir la lumière pure qui se cache derrière des couches d’opacité : c’est donc choisir de se focaliser sur le bien qui existe chez ses proches.

Se concentrer sur le bien qui existe en soi pour faire jaillir le bien qui existe en l’autre

Afin de réussir à faire cela, il faut être capable de se focaliser sur le bien qui existe en premier lieu chez soi-même, car sans véritable travail intérieur sur soi-même, l’effet sur les enfants reste superficiel... C’est pourquoi, la Echet ‘Hayil, au lieu de se fustiger sur ce qu’elle n’arrive pas encore à faire, s’efforce à ressentir de la satisfaction et à se réjouir dans ce qu’elle accomplit ! La Echet ‘Hayil sait apprécier le bon goût de sa “marchandise” qui n’est autre que les qualités qui se trouvent en elle, comme ses aptitudes particulières et ses talents [2]. En effet, elle a pleinement conscience que pour progresser et être heureuse dans sa vie, la première des choses à faire est de développer respect de soi et estime personnelle. Elle est donc devenue experte dans l’art de l’ « auto-encouragement » et met volontairement le projecteur sur ses petites et grandes victoires de la vie au quotidien !

Une bougie allumée pour toujours

C'est pourquoi, la suite du verset est “sa bougie ne s'éteint pas la nuit”. Comme vous pouvez le constater, la phrase est écrite à la forme passive. Pourquoi ? Une flamme vraiment allumée, c’est une flamme qui tire son énergie de son intériorité, sans aucune intervention extérieure [3]. En fait, la Echet ‘Hayil a allumé l’âme de ses proches si intensément, que lorsqu’elle n’est plus dans les parages, leur lumière intérieure continue de briller intensément. C’est ce que signifie également le roi Salomon lorsqu’il dit : “Donne au jeune homme de bonnes habitudes dès le plus jeune âge ; afin que même à l’âge adulte, il ne s'en écarte point” [4]. Lorsque la Echet ‘Hayil est loin et que ses enfants ont passé l’âge de l’éducation et sont sous leur propre autogestion, ils un bon comportement, grâce à quoi ? Aux encouragements qu’ils ont reçus pendant l’enfance ! Comme nous l’avons dit précédemment, “la nuit” fait référence aux moments difficiles de la vie. Même dans des moments difficiles de la vie, ou encore dans des contrées lointaines, ou longtemps après avoir passé l’âge de l’éducation, l’âme juive de ses proches vibre encore !

Encourager quelqu’un, c’est ce qui le fait parvenir à sa finalité

Le Rav Ya’akovson dit que le mot “encouragement” (en hébreu “עדוד” “Idoud”) est à relier au terme hébraïque “יעד” “Ya’ad”, qui signifie “destination”. En s’encourageant elle-même, ses enfants, son mari et tous ses proches, la Echet ‘Hayil les aide à parvenir à la destination et la finalité de leur vie, qui est la réalisation de leur potentiel unique, ou encore l’allumage éternel de leur “lumière” qui est unique !

Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?

Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible.

Dans ce verset, il s’agit de ‘Hanna la prophétesse !

Après vingt ans de stérilité, ‘Hanna vint à Chilo, où se tenait le Sanctuaire, pour prier afin d’avoir un enfant, ce qu’elle fit, en pleurant abondamment. Cette année-là, ‘Hanna donna naissance à un fils qu’elle nomma Chmouel. Quand elle l’a sevré, elle accomplit son vœu de le consacrer au service de D.ieu, en le conduisant à Chilo où il fut élevé par Eli et les prêtres. Chmouel grandit et devint l’un des plus grands prophètes d’Israël.

Tous prophètes… grâce au regard positif de leurs mères !

Dans le Midrach [5], il est dit que quarante ans avant la naissance de Chmouel le prophète, une voix est venue du ciel et a proclamé que "va naître un grand Tsadik et son nom sera Chmouel". Ce message s'est propagé au peuple d'Israël, ainsi, toutes les femmes qui donnèrent naissance à des fils les ont appelés “Chmouel”, pendant une période de 40 ans ! Et quand Chmouel, le fils de ‘Hanna, est né, la voix céleste s’est interrompue. Or, nos Sages nous disent que tous les fils que les mères ont appelés “Chmouel”, en ayant l’espoir qu’ils deviendraient Tsadik, sont quand même devenus aussi prophètes ! Grâce au regard positif qu’elles ont eu sur eux, chacun est devenu un prophète à part entière !

Le Rav Fanger citait comme exemple contemporain pour illustrer ce principe l’histoire de Daniel Kish. Aveugle dès l’âge de treize mois, il a développé une technique qui lui permet de repérer les obstacles pendant ses déplacements. C’est pourquoi, on a presque l’impression qu’il “voit”, il est même capable de se déplacer en vélo et de décrire ce qu’il y a dans la rue ! Il dit que s’il est arrivé à développer de telles capacités, c’est grâce à sa mère. Elle lui a toujours dit qu’il était un génie et qu’il vivrait comme quelqu’un de normal.

On ne peut pas manquer de citer également comme exemple Thomas Edison, qui a inventé la lampe à incandescence : alors renvoyé de l’école en étant qualifié de “débile mental”, sa mère lui a fait croire que son école ne pouvait pas le garder, car il était trop... intelligent ! Lui-même a dit : “Moi qui étais qualifié de débile mental, je suis devenu un des plus grands inventeurs du siècle, grâce à mon héroïne de mère !”. Sa mère a littéralement allumé la lumière de son enfant qui allait, à son tour, éclairer le monde grâce à l’invention de la lampe électrique ! 

La Echet ‘Hayil comme ‘Hanna, c’est celle qui, grâce à son regard positif, allume la flamme de ses proches pour qu’elle reste allumée éternellement. De plus, ‘Hanna a développé le goût de la prière et l’a transmis à Chmouel, qui a, à son tour, enseigné au peuple juif le goût de la Tefila. De là, nous apprenons que le regard positif d’une femme sur ses proches peut avoir un ricochet sur tout le Klal Israël et le monde entier. Que nous ayons le mérite de faire jaillir la lumière dans le monde en allumant celles de ceux qui nous sont proches !


[1] “L'âme de l'homme est une bougie” : Michlé (20,27)

[2] Le Méiri sur Michlé (31,18)

[3] Rachi sur Bamidbar (8,2) : L’allumage doit se poursuivre jusqu’à ce que la flamme s’élève d’elle-même (sans intervention extérieure)

[4] Michlé (22,6)

[5] Rapporté par le ‘Hida dans son livre “Midbar Kedemot” à propos du verset de Téhilim (99,6) : “Chmouel parmi ceux qui ont été appelés par ce nom”