Il est superflu de rappeler le verset le verset de l’Ecclésiaste : « Il y a un temps pour tout et chaque chose a son heure, un temps pour naître, un temps pour mourir... un temps pour tuer, et un temps pour guérir… » (L’Ecclésiaste 3, 1-2). On aurait envie de dire aujourd’hui : un nouveau temps se fait jour. Une ère nouvelle apparaît pour l’humanité dans tous les domaines et à tous les niveaux : le caractère universel, global de la crise actuelle est indiscutablement nouveau, inédit. Il s’inscrit aussi bien au niveau individuel, familial, social, économique, spirituel. Le caractère sournois, presque mystérieux de l’ennemi, du danger, est aussi remarquable. Arrive-t-on à le saisir ? Trouve-t-on des moyens pour lutter contre ?

Le juif croyant sait qu’il n’y a pas de hasard, et que chacun doit un jour rendre des comptes au Tout-Puissant. Cependant, il est évident que le caractère soudain et universel de cette évolution doit nous éveiller et nous faire prendre conscience du caractère transitoire de notre passage matériel sur cette terre. Dans la mesure où nous n’oublions pas les premières pages du « Derekh Ha-Chem » du Ram’hal, qui évoque le caractère éphémère de l’existence matérielle, il importe de découvrir où nous conduit cette nouvelle ère. Quelle direction nouvelle donner à une situation sans précédent ?

Une première constatation s’impose. Le confinement, l’isolement social crée des relations différentes au sein des familles, relations qui peuvent être conflictuelles. L’inverse est aussi possible : on vit plus à la maison, on retrouve une chaleur, une intimité bien souvent oubliée. Y a-t-il, ici, de la place pour une réflexion métaphysique ? Ne sommes-nous pas conscients du changement absolu de la société ? Toujours tournés vers l’extérieur, c’est soudain l’intérieur qui nous attire. C’est peut-être une remarque banale, mais elle se situe dans une perspective résolument antimoderniste.

Mais la réflexion métaphysique doit aller au-delà ! Certes, le but de la médecine, des services sanitaires, a toujours été, en principe, d’améliorer les conditions matérielles de la vie. Mais les satisfactions scientifiques, le désir de succès académiques ont aussi leur part dans les progrès de la médecine. Ici aussi, un sentiment de frustration peut être ressenti : on croyait que l’on pouvait dominer toutes les maladies, et voilà qu’un petit virus est non seulement insaisissable, mais se développe de plus en plus. N’est-ce pas une raison supplémentaire de modestie pour l’orgueil humain ? Les incohérences, les difficultés de la lutte accentuent la faiblesse de l’humain.

On sait que la Révélation du Sinaï avait pour but de réparer la faute d’Adam Ha-Richon : « La souillure due au serpent, selon les Hazal, a été effacée au Mont Sinaï ». Mais la faute du Veau d’or a rétabli les insuffisances de l’homme, qui croyait pouvoir remplacer le prophète qui avait, selon eux, disparu, et le peuple a voulu trouver un dirigeant « apparent », à propos duquel il était évident que ce n’était pas ce « veau d’or » qui avait, selon leur affirmation, « fait sortir le peuple d’Egypte » (Exode 32, 4). Leur faute fut de se détourner de D.ieu, se démarquant de l’injonction divine (Exode 32, 4) en désirant un remplaçant à Moché Rabbénou. Le vide, l’absence de direction, le sentiment de solitude s’ajoutant au désir de s’affirmer ont fait perdre au peuple la pureté acquise au Sinaï, et la faute d’Adam Ha-Richon – la souillure du serpent – refait tomber le peuple dans le péché d’Adam.

Que l’on nous comprenne bien : il n’est pas question ici de dire que la situation avant la crise était nécessairement positive, mais ce que l’on désire relever, c’est la situation proprement anarchique qui régnait dans une humanité qui se sentait en progrès technologique permanent, et qui éprouve subitement un arrêt brutal de ce progrès. L’humanité n’est-elle pas aujourd’hui ivre de sa superpuissance, de son assurance orgueilleuse ? Voilà qu’un événement proprement bouleversant, destructeur, et pratiquement inconnu arrive, et l’humanité entière est en crise ! N’est-ce pas le moment – faut-il le répéter ? – pour l’homme de sentir sa « misère », son insuffisance ? Faut-il que le nombre des victimes ne fasse que croître pour comprendre qu’il y a quelque chose à corriger, à changer ? Assurément, il ne nous est pas demandé de prêcher, mais plutôt de nous élever spirituellement, en améliorant les relations entre les hommes, à tous les niveaux, d’observer les Mitsvot avec plus d’attention, bref de faire sentir qu’il existe un Souverain à l’univers. Essayons de recevoir le message actuel de la Transcendance, Révélation difficile mais nécessaire, pour l’amélioration de l’humanité.