Depuis environ une dizaine d’années, l’Etat d’Israël est en proie à une instabilité gouvernementale, et surtout à un désintéressement de la population pour la politique, et pour les leaders des divers partis. Ben Gourion ou Begin étaient des personnages pas toujours positifs, mais ils avaient une perspective politique pour le pays. Cette perspective pouvait être totalement opposée à une vision « torahique » de la gestion, mais c’était – malgré tout – des politiciens qui savaient gouverner. Depuis, il n’y a plus de grands leaders qui aient une vue globale sur les affaires du pays, et pourtant… les affaires marchent, et l’économie israélienne semble assez florissante.

Relevons, tout d’abord, cette première contradiction : l’économie ne suit pas la politique. Un journaliste a ainsi défini ce problème : « C’est bien le paradoxe de cette démocratie : jamais le système électoral, ni les leaders politiques d’Israël ne furent aussi problématiques, jamais l’Etat hébreu ne fut aussi prospère et puissant » (L’Express 3709-710 – Août 2022). Peut-on résumer de façon aussi claire l’être existentiel d’Israël ? Une existence inexplicable, une survie économique assez surprenante, car la vie ici devient aussi de plus en plus chère, mais reconnaissons que le dollar et l’euro, eux, chutent de plus en plus par rapport au shekel israélien. Ce témoignage d’un spécialiste mondial en géopolitique invite à la réflexion. De façon normale, quand un système législatif fonctionne mal, l’économie ne peut que suivre : ce fut le cas de la 4ème République en France, quand le système politique ayant échoué, De Gaulle prit le pouvoir et dut rétablir l’économie française, en 1958. Un second problème est l’absence actuelle, en Israël, d’une classe politique qui séduise le pays. Les chefs politiques actuels ne semblent pas du tout charismatiques, et cela explique aussi le peu d’intérêt pour les élections, qui est ressenti en Israël. Ce qui est inhabituel, c’est le fait que ce peu de considération pour la politique n’entraîne pas de catastrophe économique comme ce fut le cas, autre exemple, dans les années 1920-1930, dans la République de Weimar, en Allemagne, après la Première Guerre mondiale. C’est assurément déjà un aspect de la protection bienveillante sur le peuple d’Israël, mais il ne nous est pas permis d’affirmer avec certitude l’intention du Créateur, car nul n’est doué du « Roua’h Hakodech » pour oser assurer des preuves définitives. Cependant, il faut certainement reconnaître que ce paradoxe de l’opposition entre l’économique et le politique est lié à une faiblesse générale de l’influence politique, en général, conséquence du vide idéologique dans lequel nous vivons. Les idéologies qui soutiennent la politique n’ont plus cours aujourd’hui, et le phénomène, en Israël, ne définit pas particulièrement la démocratie israélienne. On fait de la globalisation, l’individu se fond dans la masse, c’est un phénomène conséquent de la globalisation : les chefs politiques, en France, en Europe, aux Etats-Unis, souffrent de cette déficience démocratique. C’est une première constatation pour qui veut « voir plus clair », et elle inclut l’histoire de l’Etat d’Israël dans une perspective plus globale.

Mais – NE NOUS TROMPONS PAS – au-delà de cette explication logique, il faut cependant lire la conclusion que le spécialiste en géopolitique donne à son article pour justifier le paradoxe : « Au fond, écrit-il, telle est peut-être la principale force de la société israélienne, et de ses entrepreneurs culturels, économiques, technologiques, de passer outre un système politico-institutionnel vermoulu jusqu’à la prochaine crise ? » (ibid.). N’y a-t-il pas ici une interrogation sur la disparition d’un « système vermoulu », et ne serait-ce pas ici une reconnaissance implicite d’un destin juif particulier, d’une nécessité de construire une société meilleure, idéale ? N’est-ce pas ici notre espoir de voir se réaliser une promesse messianique ?