Une époque se définit par ses croyances et leur application, c’est-à-dire leur traduction dans la vie quotidienne. C’est cette traduction qui maintient et vivifie les croyances, leur donne leur base, leur cadre matériel et historique. Toute croyance, toute foi qui ne serait pas appliquée dans les faits resterait abstraite, théorique, et finalement disparaîtrait. Cela est vrai pour les croyances idolâtres, le paganisme, mais aussi pour les religions – « Lehavdil » la Révélation sinaïtique ne peut subsister dans le temps que grâce à l’observance – et pour les diverses idéologies. Le marxisme n’a pu se maintenir que grâce à la socialisation des moyens de production, et a disparu quand cela a échoué.

Notre époque s’est vidée de toute idéologie : l’ère numérique, dépourvue de toute théorie globalisante, a évacué non seulement la Transcendance, mais ne connaît que les chiffres et les calculs électroniques. La place était ouverte pour la cybernétique, et c’est peut-être, ici, le danger le plus grave qui menace notre époque. Ce ne sont plus les verrous, les coffres-forts qui protègent la vie privée, mais un calcul électronique peut permettre à des brigands de s’immiscer dans la vie d’autrui. Telle est aujourd’hui la situation : espionner, menacer, exiger des rançons en bloquant les biens d’autrui, ce ne sont plus des fictions, mais des réalités qui guettent notre civilisation. Est-on conscient des conséquences de ces phénomènes ? Cela peut être utilisé à des fins politiques pour savoir ce qui se passe chez le concurrent ou encore à des fins commerciales. Quelques exemples pourraient illustrer cette situation. En Iran, plusieurs entreprises ont aussi été espionnées, et cela a suffi à détruire des dizaines de milliers de données ! Tout récemment, on a espionné le Président de la République française, avec des moyens fondés sur la technologie israélienne ! Un hôpital en France, il y a quelques mois, a été menacé de voir toutes ses informations informatiques détruites, s’il refusait de payer une rançon à des gangsters ! Et malheureusement, les cas se multiplient et on préfère ne pas les publier pour ne pas inquiéter le public !

Faut-il vraiment croire à un tel bouleversement des valeurs, et croire à une dégradation progressive de la morale ? Ou alors y aura-t-il un réveil, une prise de conscience de la société des hommes pour trouver un moyen d’éviter cette décadence, qui peut être plus grave qu’une guerre mondiale. Il n’est pas impossible qu’un moyen pourra être découvert pour protéger le caractère privé de l’individu. Le fait est que ce danger plane sur l’humanité. Peut-être est-ce aussi une préparation à l’époque messianique ! 

Quoi qu’il en soit, il ne nous est pas interdit de réfléchir à la question posée par un vieux Juif orthodoxe au grand philosophe allemand Herman Cohen, qui lui exposait les détails de sa philosophie : « Et le Boré Olam (le Créateur) dans tout cela ? » (anecdote rapportée par le Rav Sadin dans son livre : Le Verbe et la Lumière, p. 262). Le philosophe Herman Cohen (1842-1914), entendant cette remarque, ne put retenir ses larmes. Il nous revient, aux Juifs croyants fermement en un développement historique annoncé par les Prophètes, de répéter cette question : « Sachons que, quelles que soient les conséquences, négatives et peut-être même catastrophiques, des découvertes de l’époque numérique, il y a un Boré Olam : Ses voies ne sont pas toujours compréhensibles pour nos faibles yeux, mais ces voies existent. Elles nous mèneront vers la Fin Ultime, qui doit advenir, espérons-le, avant les catastrophes annoncées ! Reconnaissons le Créateur, écoutons et obéissons à Sa Révélation, et attendons fermement la Rédemption finale !