Le Rambam (Déot 6.1) nous dit, qu’il est dans la nature d’un homme d’être influencé par son entourage, tant au niveau de ses idées que de son comportement, et c’est pour cela qu’il est du devoir de chacun de se rapprocher des justes et de prendre des distances par rapport à ceux qui ne le sont pas.

Qu’en est-il de la vie du Juif en Galout ? De quelle manière pouvons-nous conserver notre identité, nos valeurs, malgré notre présence au quotidien parmi les nations qui ont des valeurs très différentes des nôtres ? Le Maharal (Guevourot Hachem chap. 11) nous dit que ce n’est pas par hasard que Yossef a été le premier à se retrouver en Égypte ; c’est révélateur de ses qualités. Yossef a été le premier qui a été confronté à un environnement très différent et plutôt hostile sur le plan de ses valeurs, et il a su conserver intacts tous les repères qu’il a reçus durant son enfance. Yossef est le modèle à suivre du comportement du Juif en Galout.

Quelle a été la clef de survie du peuple Juif en Galout ?

Examinons de plus près la stratégie de Yossef. Lorsque ses frères arrivent en Mitsraïm, Yossef leur demande de dire à Pharaon que leur seule activité jusqu’à ce jour était d’être berger, afin qu’il leur accorde la terre de Gochen, terre de pâturage, car cette activité était une abomination pour les Égyptiens. Mais pourquoi Yossef voulait-il tant la terre de Gochen ? Qu’avait-elle de particulier ? Les commentaires expliquent, que l’objectif de Yossef était que sa famille vive à l’écart des Égyptiens.

‘Hazal nous disent (Pirké derabi Eliezer chap.26) que lorsque Pharaon avait dans le passé capturé Sarah, il lui avait promis comme cadeau la terre de Gochen pour la séduire ; et c’est justement cette terre qui devait permettre un "rapprochement", qui deviendra plus tard le symbole de la "distance". Yossef nous fait passer un premier message : pour conserver notre différence, on doit d’abord et avant tout faire le choix de vivre à l’écart, c’est la première démarche qui permettra de protéger notre identité. D’ailleurs, ‘Hazal nous disent bien que les Bné Israël ont pu être délivrés parce qu’ils ont su préserver tout au long de la Galout leur différence en ne changeant ni leurs noms, ni leurs habits et ni leur langue, en conservant le Lachon Hakodech.

Le Rempart du Limoud Torah

Cette distance sur un plan géographique n’est qu’un point de départ, il est évident que pour un Juif en Galout, vivre à part ne suffit pas ; l'influence du monde extérieur et de ses contre-valeurs reste une épreuve de chaque instant. Seul le Limoud Torah nous permettra de renforcer, plus que tout autre moyen, notre identité avec toute sa différence. En dehors de la vertu du Limoud Torah de nous construire au quotidien, il constitue pour nous, Juifs au coeur de la Galout, une véritable bouée de sauvetage qui nous permet de ne pas être emportés par les flots contraires.

C’est sur les bancs du Beth Hamidrach que va émerger jour après jour l’essentiel de l’âme juive. Chaque tranche de Limoud éveille la Néchama, nous ouvre les yeux sur notre identité et nos devoirs, c’est à travers le Limoud que le Juif devient un homme plus solide, développe une conscience forte de la réalité telle que la conçoit la Torah, et c’est de cette manière aussi, qu’il aura les ressources indispensables pour se mesurer à un entourage hostile.

Au quotidien

La Yéchiva après le Bac

Une fois le cycle scolaire terminé, le Bac passé avec succès, la vie autonome démarre enfin, il est indispensable que ces premiers pas soient faits dans les meilleures conditions, car ils vont fortement influencer l’orientation et les choix à venir du jeune homme. C’est pour cela qu’une ou plusieurs années de Yechiva après le Bac sont absolument indispensables. Ces années de Koulo Kodech permettront de s’immerger totalement dans un monde de Torah, comme dans un Mikvé, pour avoir des repères sûrs, devenir autonome en Limoud, et avoir des ressources pour se mesurer ensuite au monde des études et du travail.

Les études supérieures

Pour ceux qui décident de poursuivre des études supérieures en France, il est important qu’ils intègrent en parallèle des structures d'études de Kodech spéciales pour étudiants. On a tous besoin, de s'identifier à une communauté ou à un cercle d'amis, et en particulier lorsqu’on est jeune. Ces cercles d'études auront pour objectif principal de permettre aux étudiants de pouvoir s'identifier entre eux, de considérer que leur cercle d'amis est à l'intérieur de ce groupe et non ailleurs, et le risque d'une influence extérieure sera ainsi fortement réduit. Au delà de l'intérêt de l'étude purement formelle, ce sont surtout les attaches à un groupe de jeunes déterminés comme eux qui pourront les préserver des influences pernicieuses.

La maison

Enfin, rappelons-nous en tant que parents, du rôle essentiel de la maison, qui constitue le bagage principal pour nos enfants, Avraham Avinou a construit le Klal Israël essentiellement par l’enfant qu'il a élevé à l’intérieur des murs de sa maison, à travers l'éducation qu’il lui a donnée, et non à travers les nombreuses personnes qu’il a rapprochées tout au long de sa vie.

De ce constat, nous retenons le message suivant : rien n'est plus marquant pour une personne que l'éducation qu’il reçoit à la maison depuis son plus jeune âge. C’est l’exemple vivant qu’il aura vu durant son enfance qui le marquera tout au long de sa vie.

Un Exil qui construit

Enfin, apprenons à porter un regard positif sur la Galout.

Lorsqu’on est confronté à une force contraire, on est dans l’obligation d’affirmer notre identité plus que jamais pour ne pas disparaître. Soit on se renforce et on va pouvoir se maintenir, soit on est faible et on va finir par être emporté par le courant, en devenant comme les autres. Tout au long de son histoire, le Klal Israël a su conserver son identité, par sa vigilance, mais aussi par sa formidable capacité de renouvellement à travers le Limoud Torah qui a vivifié son Judaïsme et son identité.
 

Rav David AMSELLEM (Paris)