La Haftara de cette semaine est issue du livre de Malakhi. Elle correspond précisément à son premier chapitre. Ce prophète est particulier et important à différents égards.

Tout d’abord, il représente le dernier prophète de la tradition juive. Il clôt le livre des 12 « petits » prophètes, et avec lui s’achève ainsi la parole prophétique en Israël.

Cette position singulière du livre de Malakhi nous invite donc à prêter une attention particulière à ses paroles. En effet, il nous transmet les derniers mots que D.ieu adresse à Ses enfants et qui ont vocation à les accompagner pour l’éternité. Rappelons que seuls ont été conservés, dans les livres des prophètes, les versets qui sont utiles aux générations futures et qui sont porteurs de leçons éternelles.

Malakhi est également un prophète particulier car son identité fait l’objet d’un débat dans la Talmud (traité Méguila 15a). S’agit-il d’un prophète à part entière qui se nomme Malakhi ? Ou bien d’un autre personnage illustre, Ezra ou Mordékhaï, surnommé Malakhi (mot signifiant « mon messager ») en raison de son rôle éminent au sein du peuple ?

Voilà qui donne un relief particulier à ce prophète et à son livre. En lisant la Haftara, nous comprenons rapidement que le style parfois abrupt du texte, sous forme de questions/réponses tranchées entre le prophète porteur de la Parole divine et les enfants d’Israël, a vocation à réveiller le lecteur, à l’interpeler afin de s’adresser directement à lui, sans détour.

Liens entre la Haftara et la Paracha

Les liens entre la Haftara et la Paracha de cette semaine sont nombreux. Mentionnons tout d’abord la référence à Yaakov et Essav en ouverture de la Haftara, qui nous rappelle cet antagonisme éternel entre ces représentants de la spiritualité d’une part, et du matérialisme d’autre part ; entre Yaakov, « un homme intègre qui réside dans les tentes de l’étude », et Essav, « un homme des champs qui pratique la chasse ».

Par ailleurs, notre Haftara évoque également l’attitude ambivalente des autres nations vis-à-vis de D.ieu. Certes, elles sont tombées en disgrâce en raison de leurs mauvais comportements et des souffrances infligées à Israël, mais elles sont capables également d’actions méritoires prises en exemple dans notre texte par Hachem. Parmi ces mérites, notre texte évoque le respect des parents. Or, nous savons que c’était là une Mitsva dans laquelle excellait Essav, qui a montré de grands égards vis-à-vis de son père en particulier.

Enfin, les dernières lignes de la Haftara nous rappellent l’importance de la parole du prêtre, du messager d’Hachem qui transmet par sa voix la Parole de D.ieu. Cela nous rappelle naturellement ce verset de notre Paracha qui associe à Yaakov la prérogative de la parole, et nous rappelle la vocation avant tout spirituelle du peuple juif : « Hakol Kol Yaakov » (la voix, c’est la voix de Yaakov), en contrepoint avec la vocation matérialiste de Essav : « Et les mains, ce sont les mains d’Essav ».

L’écho de la Haftara

Essayons à présent de comprendre un des messages que nous transmet Malakhi et qui trouve une résonance spécifique à notre époque. Comme nous l’avons mentionné, ce texte revêt une force particulière en ce qu’il constitue les dernières paroles que D.ieu a voulu nous transmettre par l’intermédiaire des prophètes et qui recèlent un sens éternel.

Après avoir rappelé son amour éternel pour Yaakov et pour le peuple d’Israël, Hachem va adresser des remontrances à Ses enfants et souligner les incohérences de leur Service divin. La critique s’adresse essentiellement aux Cohanim, aux prêtres du peuple Juif, chargés plus particulièrement du service du Temple. Hachem déplore le manque d’égards et de respect des Cohanim vis-à-vis de leurs prérogatives. Ils semblent avoir vidé cette Avoda (ce service) de sa profondeur pour n’en retenir que l’exécution pratique et matérielle. Non seulement ont-ils vidé le sens, mais ils s’égarent également dans la mise en œuvre matérielle, offrant des animaux estropiés, atteints d’infirmités alors que cela est en principe interdit :

« Ainsi vous parle l'Eternel-Cébaot, à vous, ô pontifes qui avilissez son nom, et qui dites : "En quoi avons-nous avili ton nom ?"  Vous apportez sur mon autel un aliment souillé, et vous dites : "En quoi t'avons-nous souillé ? "Par votre langage, la table de l'Eternel devient un objet de mépris.  Et lorsque vous venez m'immoler une [bête] aveugle, ce n'est point un mal ? » (Malakhi, 1 6-8)

Comme chacun le sait, le peuple juif est désigné dans la Torah comme un royaume de prêtres (« Mamlékhet Cohanim »), et donc à travers les remontrances adressées aux prêtres, c’est peut-être l’ensemble du peuple qui est visé, et vous l’aurez compris, l’ensemble d’entre nous.

Certes, aujourd’hui, nous n’offrons plus de sacrifices, et à cause de nos fautes, nous n’avons plus le bonheur de pouvoir nous approcher de la table d’Hachem décrite dans les versets de Malakhi. Mais il nous reste un service quotidien à accomplir, celui de l’étude de la Torah, de la pratique des Mitsvot, et du raffinement de nos qualités humaines, à travers les actes de bonté et de générosité que nous devons accomplir.

Nous ferions probablement bon usage de cette Haftara en essayant de nous inspirer de ses recommandations et de ses reproches afin de progresser dans notre Service divin, et essayer de nous rapprocher d’Hachem.

Les animaux estropiés amenés par les prêtres peuvent nous amener à réfléchir aux Mitsvot que nous offrons à Hachem, et pour lesquelles nous devons redoubler d’efforts pour leur donner le plus bel aspect. Nous devons les chérir et les parfaire tant dans leur exécution matérielle que dans l’intention que nous y associons.

L’objectif de cette Haftara, qui prend soin de nous rappeler l’amour éternel d’Hachem pour les Bné Israël, n’est pas tant de culpabiliser le lecteur que de lui rappeler une exigence et lui fixer une ambition, communes à toutes les générations : l’exigence de lutter contre la « banalisation » des Mitsvot et l’ambition de devenir réellement un royaume de prêtres.

Lorsque Malakhi s’adresse aux prêtres qui ne sont pas à la hauteur de leur vocation, il s’adresse peut-être à chacun d’entre nous qui sommes tous des prêtres potentiels, des serviteurs authentiques d’Hachem en puissance. Ce potentiel fait l’objet d’un combat acharné du mauvais penchant qui s’emploie chaque jour à nous éloigner de son actualisation et de notre « moi » authentique. Il nous barre la route de l’esprit avec tant et tant d’obstacles matériels.

Un jour, nous saurons probablement quel était notre potentiel et tout ce que nous aurions pu accomplir. Nous serons peut-être fort surpris des trésors qui étaient enfouis en nous. Alors oui, relisons cette Haftara, ô combien actuelle, pour retrouver la force de renouveler, à notre modeste mesure, un Service divin authentique, et réveiller les prêtres qui sommeillent en nous. Essayons de substituer aux Mitsvot éclopés, des Mitsvot chaque jour plus belles.

Nous puiserons certainement dans cette stratégie des petits pas, mais aussi et surtout dans l’amour infini que D.ieu nous porte et qui est rappelé dans les premiers mots du prophète, la force et la sagesse nécessaires pour accomplir de grands progrès, et notamment assumer notre vocation d’être « un royaume de prêtres ». C’est là aussi le sens des derniers mots de notre Haftara : « C'est que les lèvres du pontife doivent conserver la science ; c'est de sa bouche qu'on réclame la doctrine, car il est un mandataire de l'Eternel-Cébaot. »

Avec l’aide d’Hachem, nous pourrons ainsi hâter la venue du « jour grand, saint et redoutable » (« Yom Hagadol Hakadoch Véhanora ») évoqué par Malakhi où nous verrons le Machia’h délivrer l’humanité !