« Moché appela tous les anciens d’Israël, il leur dit : "Tirez à part (Michkhou) et prenez pour vous un bouquet d’hysope, vous tremperez dans le sang qui est dans le récipient, vous toucherez le linteau et les deux poteaux [avec] du sang qui est dans le récipient et vous, vous ne sortirez pas, [aucun] homme, de l’entrée de sa maison, jusqu’au matin. Hachem passera pour frapper l’Égypte, Il verra le sang sur le linteau et sur les deux poteaux, Hachem sautera au-dessus de l’entrée, et Il ne laissera pas le destructeur venir vers vos maisons pour frapper. » (Chémot 12,21-23)

Rabbénou Bé’hayé explique, à propos du mot Michkhou (Tirez à part), que leur arrivée en Égypte fut provoquée par une Méchilkha (fait de tirer), comme il est dit : « Ils le tirèrent et firent sortir Yossef ».

La dernière plaie – la mort des premiers-nés – fut la plus dure de toutes. Il existe une différence de taille entre la façon dont les autres plaies sont présentées par rapport à celle-ci. En effet, c’est la seule avant laquelle le peuple juif était tenu d’accomplir une Mitsva. Les Juifs durent abattre un agneau, et mettre son sang sur les poteaux et les linteaux des portes, puis consommer l’animal en famille en tant que Korban Pessa’h. S’il leur fallait agir pour être épargnés de la plaie, pourquoi ne durent-ils rien faire pour être graciés des autres fléaux ? La dernière plaie était la plus importante et c’est elle qui permit concrètement la sortie d’Égypte, tandis que les autres avaient pour but de montrer au monde entier l’existence de D.ieu. Pour mériter de sortir d’Égypte, les Juifs avaient besoin d’un mérite spécial et c’est la raison pour laquelle ils reçurent cette Mitsva.

Mais il reste des questions. Premièrement, que signifie cette Mitsva particulière qu’ils durent accomplir pour pouvoir être libérés ? De plus, le ’Hikré Lev[1] demande pourquoi il fallait consommer du Korban Pessa’h avant la plaie. En effet, ce Korban vient commémorer le fait qu’Hachem passa par-dessus les maisons juives et les épargna durant la plaie. Donc rien ne s’était encore passé concrètement avant la mort des premiers-nés, qui puisse justifier de consommer le Korban Pessa’h déjà avant la plaie.

Le ’Hikré Lev répond à toutes ces questions. Nos Sages font un lien entre l’exil égyptien et une faute commise par les ancêtres du peuple juif et dont la conséquence directe fut l’asservissement en Égypte. Cette faute devait être rectifiée avant que le peuple juif ne puisse être libéré de cet exil. Il s’agit de la vente de Yossef. La Guémara (Chabbat 10b) affirme qu’à cause du favoritisme que Yaacov manifesta envers Yossef, ce dernier fut vendu et c’est pour cela que les Juifs durent être soumis à l’esclavage égyptien.

Le ’Hikré Lev poursuit et fait le parallèle entre le Korban Pessa’h et l’épisode de la vente de Yossef. Le premier détail est rapporté par Rabbénou Bé’hayé. Quand la Torah enjoint de prendre l’agneau pour le Korban Pessa’h, elle emploie le mot « Michkhou », qui est également utilisé lors de la vente de Yossef. La Méchikha « positive » de l’agneau sert de rectification à celle, funeste, qui s’était passée plusieurs siècles auparavant.

Aussi, le peuple devait tremper un bouquet d’hysope dans le sang. Cela fait allusion au fait que les frères de Yossef trempèrent sa tunique dans le sang pour montrer qu’il avait été tué. La ’Hikré Lev ajoute qu’on met l’accent sur l’importance de consommer le Korban Pessa’h en famille, tous unis. C’est pour rectifier la terrible scission au sein de la famille de Yaacov Avinou. Cela nous aide également à comprendre pourquoi il fallait manger du Korban Pessa’h avant la plaie et non après. C’était un Tikoun (une réparation) au fait que les frères s’attablèrent sereinement après avoir jeté Yossef dans un puits, avant la vente. Pour rectifier ce repas pris dans la disparité, chaque famille doit consommer le Korban Pessa’h dans l’unité.

Le côté familial de la fête de Pessa’h est toujours d’actualité, surtout quand on pense aux retrouvailles familiales le soir du Séder et à la transmission de la tradition aux enfants. Qui plus est, l’accent mis sur l’unité ne se limite pas à la famille – nous avons l’habitude de donner une Tsédaka particulière (appelée Kim’ha Dépiss’ha) à nos frères en difficulté et dès le début du Séder, nous invitons les nécessiteux à venir manger avec nous.

Malheureusement, nous n’avons plus le Korban Pessa’h de nos jours, mais cette fête nous rappelle l’importance de l’unité au sein de la nation en général et de la famille en particulier. Il est malheureusement trop courant de voir des tensions familiales suppurer et entraîner des désagréments, voire pire... Cela peut provenir d’un sentiment de jalousie, d’une certaine arrogance, mais très souvent, c’est l’argent qui en est la cause. Il est fondamental de se souvenir de quelle que soit la somme en jeu et les arguments que l’on avance pour justifier sa cause (généralement les deux parties ont de quoi justifier leur position), il reste plus important de préserver l’unité familiale ! Les scissions au sein des familles ont de nombreuses conséquences négatives et la plupart des gens admettent que ce que ces tensions gâchent dépasse de loin toute perte monétaire. Les Mitsvot liées au Korban Pessa’h nous rappellent que nous ne fûmes dignes de sortir d’Égypte que lorsque nous avons réussi à nous unir en tant que peuple et que familles.

Puissions-nous tous mériter d’intérioriser cet enseignement et à le mettre en application dans nos vies.

 

[1] ’Hikré Lev, Chémot, Parachat Bo, Maamar 9.