« Les enfants d’Israël garderont le Chabbath (Véchamérou), pour faire le Chabbath pour leurs générations, alliance [pour] toujours. » (Chémot 31,15)

« …, mais son père garda (Véchamar) la chose. » (Béréchit 37,11)

Rachi explique le mot Véchamar : Il attendait de voir ce qui allait se produire.

La Torah enjoint au peuple juif de respecter le Chabbath, qui est une alliance éternelle avec Hachem. Le terme utilisé est Véchamérou, que l’on traduit généralement par garder ou observer et par cette injonction, la Torah nous demande de ne faire aucune activité interdite. Mais le mot « Chomer » est également employé pour parler d’anticipation, comme c’est le cas dans le verset précité (Béréchit 37,11), au sujet duquel Rachi affirme que Ya'acov prévoyait les événements à venir. En ce sens, la Torah nous ordonne d’anticiper le Chabbath. L’histoire suivante, au sujet du ’Hafets ’Haïm montre bien ces deux aspects du Chabbath.

Une dame, ayant vécu à Mir, fit ce récit au Rav Sim’ha Kaplan. Son mari et elle n’eurent pas d’enfants pendant de longues années. Finalement, ils eurent un fils, mais celui-ci était très malade et faible. Il ne grandissait pas, ne mangeait pas, il était faible et ne marcha qu’à un âge très avancé. Ses parents allèrent consulter plusieurs médecins, mais ceux-ci ne trouvant aucune solution au problème, les envoyèrent chez un spécialiste à Vilna, qui leur révéla que leur enfant avait un problème au cœur. Il ne pouvait rien faire pour l’aider et affirma que ce dernier n’allait pouvoir vivre que deux années supplémentaires environ, sans espoir de guérison.

Le couple était, bien entendu, très affligé, mais refusa de se laisser abattre et de laisser la place au désespoir. Quelqu’un leur conseilla de faire escale à Radin, sur le chemin du retour (de Vilna à Mir) et d’aller demander une bénédiction au ’Hafets ’Haïm. Ils réussirent à programmer une entrevue avec le ’Hafets ’Haïm, grâce au mari de sa petite fille. Ils lui racontèrent leurs mésaventures et le supplièrent de faire quelque chose pour eux. Le ‘Hafets ‘Haïm s’excusa et leur dit qu’il ne pouvait rien faire. Son petit-fils, qui les avait accompagnés pour voir, lui aussi, le grand père de sa femme, s’écria alors : « Mais c’est leur fils unique !

- C’est un enfant unique ?! Alors je vais vous dire quoi faire ! Je voudrais que vous vous engagiez dès aujourd’hui à ce qu’en chaque veille de Chabbath, à midi, votre table soit prête pour Chabbath et que vos bougies soient prêtes à être allumées, dit-il à la mère. Et dès l’allumage des bougies de Chabbath, personne, dans votre foyer ne doit effectuer de travail interdit. »[1]

La mère accepta volontiers cette proposition.

À leur arrivée à Mir, deux jours plus tard, l’enfant montrait déjà des signes d’amélioration. Il se mit à manger, à prendre du poids et de manière générale à s’améliorer dans plusieurs autres domaines. Ils ramenèrent l’enfant chez le médecin, à Mir, et celui-ci resta stupéfait par tous ces changements. Il insista pour qu’ils aillent à nouveau voir le spécialiste à Vilna, pour lui montrer l’enfant ; pour cela, il était prêt à leur payer le voyage ! Le spécialiste vit les progrès de l’enfant et refusa de croire qu’il s’agissait de la même personne.

Cette histoire extraordinaire est quelque peu déroutante. Pourquoi le ’Hafets ’Haïm changea-t-il d’avis et estima qu’il y avait de l’espoir pour cet enfant dès lors qu’il entendit qu’il s’agissait d’un fils unique ? De plus, pourquoi leur donna-t-il ce conseil en particulier ? Pourquoi parler du Chabbath plus que de toute autre Mitsva ? Et pourquoi précisément ces deux choses : être prêt pour le Chabbath plusieurs heures avant son entrée et ne faire aucune Mélakha, même quand cela est encore permis ?

Ran Mandel estime que le conseil du ’Hafets ’Haïm était basé sur le respect du Chabbath tel qu’il est décrit dans la présente Paracha et sur le fait qu’il s’agit d’une alliance éternelle. « Vous voulez "Lédorotam" – préserver vos générations (à travers cet enfant unique). Si ce fils ne survit pas, vous n’aurez pas de génération future. Mais la Torah promet que si « Véchamérou » – si vous respectez, alors il y aura Lédorotam – d’autres générations. Donc, il vous faut accomplir le « Véchamérou » dans les deux sens du terme. Tout d’abord, il faut l’observer, le respecter, c’est-à-dire que dès lors que vous allumez les bougies, personne n’est autorisé à effectuer de Mélakha. Mais par ailleurs, « Véchamérou » signifie qu’il faut anticiper le Chabbath, il faut l’attendre. Dès aujourd’hui, vous devez attendre, prévoir l’arrivée du Chabbath. Donc, la table doit être mise et les bougies prêtes à être allumées. »

Nous comprenons à présent pourquoi le ’Hafets ’Haïm changea d’avis quand il entendit qu’il s’agissait d’un enfant unique. Il réalisa qu’en étant « Chomer » le Chabbath, les parents allaient, pour ainsi dire, « forcer » Hachem à leur garantir une génération qui survivrait, pour que la suite du verset « Lédorotam » s’accomplisse également. Il leur conseilla donc d’être particulièrement rigoureux sur ces deux aspects du « Véchamérou » – ne pas faire d’activité interdite, même quand c’est encore techniquement autorisé et être prêt à accueillir le Chabbath plusieurs heures avant son arrivée.

Ces deux aspects sont fondamentaux pour le respect du Chabbath de tout un chacun. On peut savoir à quel point cela est respecté en fonction du temps où l’on s’abstient de faire une Mélakha, même avant le coucher du soleil. Lors d’un cours récemment donné par le Rav Moché Sternbuch à des jeunes hommes, il nota que bon nombre d’entre eux fumaient jusqu’à la dernière minute avant l’entrée du Chabbath, du fait de leur dépendance au tabac. Il critiqua sévèrement cette attitude[2]. Même pour ceux qui ne sont pas concernés par ce cas, il est évident que plus on peut accueillir le Chabbath de bonne heure[3], mieux c’est. Et concernant l’anticipation du Chabbath, on remarque que souvent, on ne s’organise pas correctement et l’on doit courir pour être prêt avant le début du Chabbath. De ce fait, nous entamons notre jour de repos d’une façon qui ne permet pas du tout de profiter de ce repos ! Il est donc conseillé de réfléchir et de prévoir comment être prêt suffisamment à l’avance pour le Chabbath, de façon à avoir également le temps de se préparer spirituellement à l’arrivée du Chabbath.

 

[1] Selon la stricte loi, si une femme allume les bougies 18 minutes avant le coucher du soleil, les autres membres de la famille peuvent encore effectuer des Mélakhot jusqu’au coucher du soleil.

[2]Inutile de préciser que plusieurs décisionnaires interdisent complètement de commencer à fumer et exhortent les fumeurs de faire tout leur possible pour arrêter de fumer

[3] Dès que possible – à partir de Plag Hamin’ha.