« Et toi, prends pour toi des aromates de premier choix, de la myrrhe pure [Mar Déror]… » (Chémot, 30,23)

La Guémara (’Houlin 139b) demande où le nom de Mordékhaï est mentionné dans la Torah et elle répond qu'on y fait allusion dans la Paracha de cette semaine, quand la Torah énumère les épices utilisées pour fabriquer l'huile d'onction. L’épice la plus importante (et celle mentionnée en premier) est appelée « Mar Déror », traduite par Onkélos, par « Méra Dakhia » dont la connotation fait penser à Mordékhaï. Quel rapport peut-on trouver entre Mordékhaï et l’épice utilisée pour l’huile d’onction ?

Le Maharcha explique que le mot « Déror » exprime la liberté. Or, c’est par le biais de Mordékhaï que le peuple juif fut délivré de la menace destructrice de Haman. Et, tout comme cette plante était l’ingrédient le plus important, lors de la préparation de l’huile d’onction, Mordékhaï était le personnage le plus important du peuple juif à cette époque. Le « Mar Déror » est une épice à l’odeur fine et son arôme se répand et profite aux autres. De même, Mordékhaï était Mézaké Harabim (qui rapproche ses compatriotes juifs du judaïsme et donc, qui profite aux autres) et aidait les autres par sa droiture.

Les commentateurs ajoutent un lien plus profond entre le Mar Déror et Mordékhaï.

Le Rambam écrit que cette épice était en fait fabriquée à partir du sang d'un animal non Cachère provenant d'Inde. Le Raavad argue qu'aucune partie d'un animal non Cachère ne pourrait servir à une utilisation dans le Beth Hamikdach. Le Kessef Michné répond, au nom du Rambam que, puisque la substance en question est séchée et broyée en une fine poudre, le résultat est considéré comme étant totalement différent de l’élément d’origine et il est donc autorisé même s’il provient, au départ, d'un animal non Cachère. Ce concept est connu sous le nom de « Panim ’Hadachot Baou Lékan – une existence totalement nouvelle émerge ».

Il reste à comprendre pourquoi Mordékhaï est comparé à une épice qui provient d'un animal non Cachère. Rav Ozer Alport rapporte un Midrach qui commente un verset du livre de Iyov : « Qui donc pourrait tirer quelque chose de pur de ce qui est impur ? » Le Midrach donne l’exemple de la Para Adouma, la vache rousse qui purifie une personne impure, mais qui souille une personne pure. Et le Midrach ajoute l’exemple de Mordékhaï, qui est un descendant de Chimi Ben Guéra. Ce dernier était un ennemi du roi David, parce qu’il l’avait vicieusement maudit, quand David fuyait la rébellion de son fils Avchalom. Quant à Mordékhaï, il était un véritable Tsadik, qui sauva le peuple juif du terrible décret de destruction et dirigea le peuple de façon désintéressée, après les événements rapportés dans la Méguila.

Nous pouvons à présent comprendre la comparaison entre Mordékhaï et le « Mar Déror » non Cachère. Cette épice mentionnée dans la Torah provient du sang d’un animal interdit, mais elle est métamorphosée et devient une épice poudreuse à l’odeur agréable, qui peut être utilisée dans les lieux les plus saints.

De la même manière que quelque chose de pur peut provenir d’un élément non-Cachère, une personne vertueuse comme Mordékhaï peut être le descendant d’un individu mauvais comme Chimi.

Nous en déduisons que personne n'est limité dans le potentiel de grandeur qu’il peut atteindre, même sans brillante ascendance et même avec des ancêtres maléfiques. À l’instar du « Mar Déror » et de Mordékhaï, l’individu peut se transformer et devenir une personne noble, comme si « Panim ’Hadachot Baou Lékan ».