« Toute veuve et tout orphelin vous n’affligerez pas. Si affliger, tu les affliges, crier ils crieront vers Moi, écouter J’écouterai leur cri. » (Chémot 22, 21-22)

Rachi explique que cet interdit s’applique à tout le monde, mais le verset parle de ce qui est plus courant. En effet les veuves et les orphelins sont faibles, ils sont donc plus souvent accablés.

Bien qu’il soit interdit d’affliger qui que ce soit, la Torah donne un interdit supplémentaire, à part, en ce qui concerne les veuves et les orphelins, parce que ce sont des personnes particulièrement faibles, qui souffrent plus que les autres. Rachi ajoute que cet interdit s’applique à toute personne vulnérable, mais le verset met l’accent sur les veuves et les orphelins, parce qu’ils sont encore plus faibles. Le Rabbi de Kotsk souligne l’emploi de mots doublés à trois reprises dans ces versets – Ané Taané, Tsaak Yitsa, Chamoa Echma. Cela montre que toute souffrance ressentie par une veuve ou un orphelin est double. Ils se disent toujours que si leur mari ou leur père avait été encore en vie, ils n’auraient pas souffert de la sorte. Donc, la peine qui leur est infligée est doublée. Par conséquent, Hachem « écoute leur cri » et impose une double punition à leur auteur.

Rav Yérou’ham Levovits[1] rapporte un Mekhilta sur ce verset qui explique différemment cette redondance dans les versets, mais qui nous montre aussi à quel point il nous faut être sensibles et ne pas causer la moindre peine à des personnes vulnérables. Il raconte l’histoire de Rabbi Ichmaël et de Rabbi Chimon qui furent pris pur être tués. Rabbi Chimon dit à Rabbi Ichmaël qu’il ne savait pas à cause de quelle faute cette punition lui était infligée. Rabbi Ichmaël lui demanda s’il lui était déjà arrivé de faire attendre quelqu’un qui était venu pour poser une question ou obtenir un jugement, le temps de boire son thé, de mettre ses chaussures ou son Talith. Il expliqua que même ces « « infractions minimes » constituent un interdit de la Torah, parce que la Torah emploie le mot Inouï (souffrance) à deux reprises. On en déduit que même les afflictions qui semblent insignifiantes sont interdites.

Rav Yérou’ham note que si des souffrances tellement minimes furent si sévèrement punies, nous devons être d’autant plus vigilants à ne causer aucune peine à notre prochain. Rav Yérou’ham lui-même raconta qu’il laissait toujours la porte de sa chambre ouverte [non verrouillée] ; bien que cela lui causât une grande perte de temps, il faisait très attention à ne pas faire attendre les jeunes hommes qui avaient besoin de lui.

Il incombe à tout un chacun d’agir avec beaucoup de sensibilité à l’égard des personnes vulnérables, et de se comporter avec bienveillance pour atténuer quelque peu la douleur qui les accompagne au jour le jour. Rav Nathan Tsvi Finkel, le Roch Yéchiva de Mir, a lui-même beaucoup souffert dans sa vie, et était très sensible aux peines d’autrui. Rav Issakhar Frand raconte plusieurs histoires impressionnantes sur lui, mais la suivante est sa favorite.

Un membre du Kollel de Mir décéda subitement à un jeune âge, laissant une veuve et plusieurs orphelins. Rav Finkel était très proche de cet homme et il décida d’adopter, en quelque sorte, ses orphelins et de s’en occuper comme s’il était leur père. Ils habitaient aux Etats-Unis et le Rav ne pouvait donc pas avoir de contact quotidien avec eux, mais il dit aux garçons de lui écrire des Divré Torah et de le tenir au courant de leurs activités et besoins divers. Quand les garçons grandirent, ils vinrent en Erets Israël et Rav Finkel trouva à chacun une Yéchiva appropriée. Au fil des années, il créa un lien très étroit avec ces orphelins et fit tout pour être comme un père « à distance » pour eux.

L’un des élèves du Rav Finkel raconta cette histoire après le décès du Roch Yéchiva. Quand il termina de parler, un homme vint le voir et lui dit : « L’histoire que vous avez racontée est exacte, je peux en témoigner. Mais elle n’est pas complète. Cet homme qui était décédé avait quatre fils, mais aussi une fille, qui était très jeune à cette époque. Elle était la plus jeune de tous et se sentait un peu délaissée ; elle ne pouvait pas écrire un Dvar Torah à Rav Nathan Tsvi. Que pouvait écrire une petite fille au Roch Yéchiva ? Elle se sentit négligée. Quand Rav Nathan Tsvi entendit ceci, il lui envoya une lettre. Il ne se contenta pas de lui écrire quelques lignes. Il dessina un cœur dans lequel il écrivit un petit mot ! Vous vous demandez peut-être comment je sais tout cela. C’est parce que la petite fille en question est aujourd’hui ma femme. Et ce cœur donna lui redonna des forces, réjouit son esprit et la revigora. »

Rav Frand demande : « Connaissez-vous un autre Roch Yéchiva sur terre qui aurait envoyé un petit message à l’intérieur d’un cœur, à une petite fille ? C’est du jamais vu ! L’un des plus grands Roch Yéchiva au monde qui envoie un petit cœur à une fillette ! J’ai entendu des dizaines d’histoire à propos de Rav Nathan Tsvi, ces derniers mois, mais celle-ci les surpasse tous. Pour réconforter une petite orpheline, la fille d’un proche disciple – il ne se posa pas la question de savoir si cela seyait à sa personne, s’il s’agissait d’un protocole accepté et ne fit pas cas du "qu’en-dira-t-on". Il avait la possibilité de réconforter un cœur en détresse, et cela équivaut à une Té’hiyat Hamétim, à faire revivre un mort ! »

L’individu, au cours de sa vie, est amené à rencontrer des personnes qui sont particulièrement vulnérables, qu’il s’agisse de veuves, d’orphelins, de personnes faibles ou sensibles pour diverses raisons. Nous apprenons de cet interdit de la Torah qu’il est défendu de blesser ces gens, nous devons faire particulièrement attention lors de nos relations avec de telles personnes. Pour conclure, le ‘Hazon Ich disait qu’il faisait très attention à ne jamais causer de peine à qui que ce soit, pas même pour un court instant.

Puissions-nous mériter d’émuler son exemple.

 

[1]Daat Torah, Chémot p. 235