La Haftara de cette semaine est la dernière des « trois Haftarot de catastrophe », et est lue lors du Chabbath qui précède Ticha Béav.

Cette Haftara est issue du livre d’Isaïe dont elle constitue les premiers versets. Elle est désignée généralement sous le titre de « Haftara ‘Hazon », du nom du premier mot. Le terme ‘Hazon désigne une vision prophétique et fait partie des vocables à travers lesquels les prophètes introduisent leurs prophéties, de même que « Massa », « Névoua », « Dibour » etc.

Nos Sages font une distinction toutefois entre les prophéties qui ont précédé Isaïe et celles qui suivent. Les premiers prophètes (de Yéhochoua jusqu’au livre des Rois) sont réputés pour la clarté exceptionnelle de leur vision (« Aspaklaria Méira - Vision claire »), alors que les seconds expriment leur inspiration prophétique de manière plus poétique et moins directe.

Isaïe a un statut particulier car tout en faisant partie des derniers prophètes, il a une prophétie très claire, si bien que notre tradition énonce (Vayikra Rabba) : « Il n’y a pas eu de plus grands prophètes que Moché et Yéchayahou [Isaïe] ».

Les premiers versets de notre texte nous rappellent l’ascendance prestigieuse d’Isaïe qui faisait partie de la famille royale. Sa longévité (plus de 120 ans) lui permit de prophétiser durant le règne de quatre rois (Ouzia, Yotam, A’haz, Hizkiya).

Nos Sages débattent pour savoir sous quel règne eut lieu la prophétie que nous lisons cette semaine (‘Hizkiya ou Ouzia), et si elle eut lieu avant ou après l’exil des 10 tribus du Royaume d’Israël. Toujours est-il que notre texte est un avertissement clair au Royaume de Yéhouda, qu’à défaut qu’il ne s’oriente de manière résolue vers le repentir, ils s’exposent à des conséquences catastrophiques.

Liens entre la Haftara et la Paracha

Cette Haftara est principalement liée à la période du calendrier où nous pleurons la perte du Beth Hamikdach. Isaïe avertit le peuple dans notre texte que la conséquence de son mauvais comportement (aussi bien vis-à-vis de D.ieu que vis-à-vis des hommes) sera la destruction du Temple.

Toutefois, il est également possible d’identifier des points communs entre la Paracha Dévarim et la Haftara ‘Hazon :

  • Le mot « Ekha » (« comment ») en forme de complainte apparaît dans nos deux textes et fait écho à la Méguila Ekha de Jérémie que nous lisons à Ticha Béav.

  • La Paracha Dévarim insiste sur les règles d’équité que doivent respecter les juges pour rendre des jugements alors que la Haftara déplore la corruption de certains juges.

  • Enfin, nos deux textes évoquent les conditions nécessaires au maintien du peuple en Israël et pour mériter cette terre.

L’écho de la Haftara

A l’approche de Ticha Béav, cette Haftara prend un relief particulier et mérite d’être méditée profondément.

Différentes thématiques s’en dégagent, mais le lecteur est nécessairement saisi, à sa lecture, par les mots difficiles qui sont adressés au peuple juif. Ces reproches constituent la raison profonde pour laquelle le Temple a été détruit. Or, nos Sages nous enseignent : « Chaque génération où le Temple n’est pas reconstruit, c’est comme s’il y avait été détruit ». (Talmud Yérouchalmi, Yoma, 1-1)

Les reproches qui sont prononcés par Isaïe ne doivent donc pas être pris comme un texte historique, ils s’adressent à chacun de nous. Il convient d’en prendre la mesure pleinement, de ne pas détourner le regard, et de laisser pénétrer en nous la volonté sincère et déterminée de nous amender.

Le prophète dénonce dans plusieurs versets de notre Haftara l’hypocrisie des sacrifices et des prières qui lui sont adressés. Tout se passe comme si le peuple s’acquittait mécaniquement de ses devoirs « religieux » dans les actes, tout en nourrissant des pensées contraires dans son esprit.

« Que m'importe la multitude de vos sacrifices ? dit le Seigneur. Je suis saturé de vos holocaustes de béliers, de la graisse de vos victimes ; le sang des taureaux, des agneaux, des boucs, Je n'en veux point. Vous qui venez vous présenter devant Moi, qui vous a demandé de fouler Mes parvis ? Cessez d'y apporter l'oblation hypocrite, votre encens m'est en horreur : néoménie, sabbat, saintes solennités, Je ne puis les souffrir, c'est l'iniquité associée aux fêtes ! Oui, vos néoménies et vos solennités, Mon âme les abhorre, elles Me sont devenues à charge, Je suis las de les tolérer ». (Isaïe, 1, 11-14)

Hachem dénonce ainsi l’absurdité de prétendre accomplir Sa volonté alors que l’esprit des fidèles est accaparé par des pensées impures : que ce soit l’idolâtrie ou bien des relations perverties avec les hommes et notamment avec les plus faibles.

Les sacrifices, les prières, les jours de Chabbath et de fêtes que nous respectons n’ont de sens et de valeur aux yeux de D.ieu que dans la mesure où notre cœur est entièrement dirigé vers l’Eternel, et déterminé à Le servir aussi bien que nous le pouvons.

La prière est par exemple appelée « Avoda Chébalev - le service du cœur ». Elle signifie ainsi que sa véritable force ne repose pas sur les mots répétés mécaniquement et machinalement, mais sur l’orientation du cœur de celui qui prie qui doit être entièrement tourné vers Hachem. Nos Sages nous enseignent ainsi : « Téfila Bli Kavana Kémo Gouf Bli Néchama - Une prière sans concentration est semblable à un corps sans âme ».

Mais notre texte nous donne également des indications précieuses sur les qualités à cultiver pour honorer D.ieu et Le servir authentiquement. Celles-ci semblent se concentrer sur la relation à notre prochain et l’intégrité et la droiture qui doivent prévaloir dans ces relations. Ecoutons à nouveau les paroles du prophète : « Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de mes yeux l'iniquité de vos actes, cessez de mal faire. Apprenez à bien agir, recherchez la justice ; rendez le bonheur à l'opprimé, faites droit à l'orphelin, défendez la cause de la veuve ». (Isaïe, 1, 16-17)

Nous retrouvons ainsi le leitmotiv qui irradie l’ensemble de la Torah, et notamment les textes des prophètes qui viennent rappeler à l’homme en des termes très clairs ce qu’Hachem attend d’eux.

Lors de la Paracha Balak, sous les mots du prophète Mikha, nous lisions ainsi récemment : « Homme, D.ieu t’a dit ce qui est bon et ce qu’Il attend de toi, seulement que tu pratiques la justice, que tu aimes faire des actes de bonté, et que tu marches discrètement auprès de D.ieu ». (Mikha, 6-8)

Ce qui nous manque, ce n’est donc pas de savoir ce qu’Hachem attend de nous, Il nous le dit et le répète. Ce que nous devons travailler, c’est notre capacité à mettre nos actes en cohérence avec notre compréhension intellectuelle. Pour y parvenir, il faut méditer, étudier et s’efforcer de ressentir dans son cœur l’impérieuse nécessité d’améliorer nos relations avec nos prochains.

La qualité des relations que nous entretenons avec autrui est un bon baromètre de la qualité de la relation que nous avons avec D.ieu. L’absence de médisance, les actes de générosité, la bonté et l’intégrité sont ainsi les valeurs cardinales qui doivent gouverner les relations avec nos proches. Seule l’étude des lois pensées par nos Sages et relatives à ces belles qualités peut nous aider à les mettre en œuvre sur la longue durée.

Il ne faut jamais compter sur son bon sens ou sa gentillesse naturelle pour y parvenir, l’homme est faillible et manque bien souvent de discernement. C’est en maintenant son esprit dans les paroles de nos Sages, dans l’étude de la Torah et la pratique scrupuleuse des Mitsvot que l’on peut parvenir à rattacher notre âme à sa source originelle et la faire briller dans ce monde, aussi bien dans notre relation à D.ieu que dans notre relation aux hommes.

Puisse Hachem nous aider dans cette voie et nous permettre d’assister très prochainement à la venue du Machia’h, à la reconstruction du Temple et à la transformation de ces jours de tristesse en des jours de joie intense !