« N’ayez crainte d’aucun homme, car le jugement est à Hachem. »[1] La Torah enjoint aux juges de ne pas être intimidés par les gens influents quand ils tranchent un Din Torah. Que signifie la raison rapportée par le verset – à savoir que le jugement est à Hachem ? Rachi explique que lorsqu’une personne vole de l’argent, elle commet une injustice qui doit être rectifiée. Hachem doit donc faire en sorte que la somme revienne au véritable propriétaire. Le jugement est alors « placé » entre Ses mains pour rétablir l’équité.

L’interprétation de Rachi nous apprend également que celui qui transgresse une Avéra sur le plan monétaire ne souille pas seulement ses relations Ben Adam La’havéro (interpersonnelles), mais aussi celles Ben Adam Lamakom. Or les gens ont tendance à adopter une attitude différente quand il s’agit des Mitsvot envers Hachem. Si l’on sert un aliment à un Juif pratiquant, il vérifiera le label de Cacheroute avant de manger. Et s’il a un doute, il posera la question à un Rav. Par contre, ce même individu aura peut-être tendance à agir sans trop poser de questions sur la validité de ses actions, quand il s’agira de payer ses impôts. S’il réalise que les affaires d’argent sont également liées au Ben Adam Lamakom, il sera peut-être plus motivé à faire attention.

On peut facilement justifier le fait de vouloir échapper à la fiscalité, mais il faut savoir que cela implique une violation de Dina Démalkhouta Dina[2]. Une femme demanda un jour au Rav Kamenetsky pourquoi sa famille ne pouvait déclarer un faux salaire afin d’obtenir plus de bons alimentaires, alors que tout le monde agissait ainsi dans son pays. « C’est simple, répondit Rav Yaacov, vous étiez présentes au Mont Sinaï, pas eux. »

Cette réponse est la première étape (et la plus importante) de la vigilance dans les affaires monétaires. En dépit de toutes les justifications que l’on peut trouver pour gagner de l’argent, il faut se souvenir que tout ce qu’un Juif fait doit être basé sur ce qu’Hachem nous a transmis au Har Sinaï.

Rav Israël Reisman consacra un cours entier pour véhiculer le message suivant : dès que l’on a l’opportunité de gagner ou d’épargner de l’argent, il faut tout d’abord vérifier dans le Choul’han Aroukh si ce comportement est permis. Cela signifie souvent poser la question et ne pas présumer qu’il est permis de tricher dans les déclarations d’impôts ou de revenir sur un arrangement financier. Et même si l’habitude locale est d’agir de manière douteuse, ce n’est pas une preuve qu’elle est autorisée (c’est le cas même si l’on voit d’autres Juifs pratiquants se comporter de la sorte).

La deuxième étape consiste à être conscient de la force impressionnante du Yétser Hara pour l’argent. La Guémara nous enseigne que le vol est une tare pour laquelle le désir est très puissant. Il convient donc d’être extrêmement vigilant et de placer des barrières qui nous empêcheront de trébucher.

Rav Israël Salanter rendit un jour visite à un homme très riche. L’hôte dut quitter la pièce quelques instants, et laissa Rav Israël seul. Quand il revint, ce dernier n’était plus là. Il le trouva debout, à l’extérieur de la maison. Rav Israël déclara qu’il y avait dans la salle une grosse somme d’argent qui n’avait pas été comptée et il ne voulait pas rester seul avec ces espèces.

Il s’expliqua en énonçant la Guémara précitée. Nous connaissons l’interdit de Yi’houd — le fait, pour un homme, de s’isoler avec une femme — de peur qu’il ne parvienne pas à se contrôler et qu’il se livre à la débauche. Rav Israël conclut que s’il existe un tel interdit pour l’immoralité, infraction que seule une minorité de personnes commet, il devrait y avoir, à plus forte raison, une interdiction de s’isoler avec de l’argent, étant donné que la plupart des gens trébuchent dans ce domaine ! Il ne voulut donc pas rester seul, dans la même pièce que cet argent non compté.[3]

Si un homme comme Rav Israël Salanter ressentit un besoin de se surprotéger de l’attrait pour l’argent, nous devons faire preuve d’autant plus de vigilance.

Nous sommes à présent dans la période des « neuf jours » — durant lesquels nous pleurons la destruction du Temple et le Hester Panim (le fait que la Providence Divine ne soit pas flagrante) qui s’ensuivit. Rav Matityahou Salomon estime que le manque de rigueur dans les affaires d’argent est une cause directe de Hester Panim. En effet, la Torah nous ordonne d’utiliser des poids et mesures justes et honnêtes[4]. Et dans le paragraphe suivant, on nous parle d’Amalek[5]. Quel rapport ont ces deux sujets disparates ? Le Natsiv explique que le fait de tricher dans le business brise le principe de base de la Émouna et du Bita’hon (la foi en D.ieu). Celui qui est confiant qu’Hachem pourvoira à ses besoins ne désirera pas transgresser les lois de la Torah pour accumuler des richesses. Par contre, l’individu qui souhaite tricher et s’octroyer des droits pour gagner des sous montre qu’il ne croit pas en la Providence. Mesure pour mesure, « si tu agis comme si Je suis absent, dit Hachem, Je ne serai plus à tes côtés pour te protéger. » Or sans aide et protection divines, nous devenons la proie de nos ennemis.

Ainsi, une négligence dans Diné Mamonot ne constitue pas seulement une transgression dans les relations interpersonnelles, mais montre également une sérieuse faille dans notre lien avec Hachem. Essayons d’être plus vigilants dans ce domaine et souvenons-nous que chaque détail doit être conforme au Choul’han Aroukh ; nous devons toujours vérifier que nos actions sont en accord avec ses instructions.

Quelle récompense est réservée à celui qui fait preuve de rigueur dans les affaires monétaires ? Le Yérouchalmi affirme que puisque le Yétser Hara du vol est extrêmement puissant, le salaire octroyé à la personne qui le surmonte est proportionnellement important. « Celui qui se détache du vol en tirera profit, lui et ses descendants, jusqu’à la fin des temps. »[6]

Puissions-nous tous mériter de voir la fin du Hester Panim et de faire entrer Hachem dans nos vies.



[1] Dévarim, 1:17.

[2] C’est l’injonction de suivre les lois du pays dans lequel nous nous trouvons (à condition qu’elles ne soient pas antisémites ou contraires aux valeurs de la Torah).

[3] Entendu de Rav Israël Reisman.

[4] Dévarim, 25:13-16.

[5] Dévarim, 25:17-19.

[6] Yérouchalmi, Makot, 2:12, 9b.