« Vous garderez Mes préceptes et Mes lois que l’homme fera et par lesquels il vivra ; Je suis Hachem. » (Vayikra 18,5)

Rachi explique que les mots « par lesquels il vivra » font référence au monde futur, étant donné que ce bas monde se termine par la mort.

La Torah nous enjoint de respecter les Mitsvot puis elle précise que nous devons vivre grâce à elles. Selon Rachi, elle fait référence au seul endroit où la vie est éternelle, à savoir le monde futur. Mais la Guémara[1] tire une leçon très différente de ce verset. Elle parle de l’obligation de transgresser tout commandement (à l’exception de l’interdit de tuer, de pratiquer l’idolâtrie et la débauche) pour sauver une vie. Chmouël estime que le verset précité est à l’origine de cette injonction. Par les mots « par lesquels il vivra », la Torah nous enjoint de vivre à travers l’observance des Mitsvot et non de mourir en respectant la Torah ; il ne faut donc pas faire une Mitsva qui mènerait à la mort. La Guémara conclut que l’interprétation de Chmouël est la plus juste.

Un autre avis estime que l’obligation de sauver une vie plutôt que de respecter la Torah provient d’un verset concernant le Chabbat : « Et les enfants d’Israël garderont le Chabbat pour faire le Chabbat pour leurs générations… »[2] Rabbi Chimon ben Menassia précise que ce verset nous permet de transgresser le Chabbat pour préserver une vie dans le but que la personne sauvée puisse respecter d’autres Chabbatot dans le futur[3]. Ceci est valable pour chaque Mitsva et non uniquement pour le Chabbat ; il serait donc autorisé de transgresser une Mitsva pour permettre à un Juif malade d’en observer d’autres à l’avenir.

Les commentateurs soulignent une différence de taille entre cette interprétation et celle de Chmouël. Selon ce dernier avis, s’il est évident que l’individu de survivra pas jusqu’au prochain Chabbat, il n’est pas permis de transgresser le présent Chabbat pour sauver sa vie, tandis que d’après Chmouël, la vie est plus précieuse que toute Mitsva et il convient donc de transgresser un commandement pour le sauver, même s’il ne vivra pas ou ne sera pas à même d’effectuer d’autres Mitsvot plus tard. Le Michna Béroura tranche comme l’avis de Chmouël et statue qu’il faut transgresser toutes les Mitsvot (sauf les trois susmentionnées) pour sauver une vie. Ceci, parce que la vie est précieuse en soi, même si le fait d’allonger celle d’un malade n’apportera aucun bénéfice tangible.

Cette idée est particulièrement pertinente ces derniers temps, tandis que le monde entier est affecté par le pire fléau des dernières décennies, qui a coûté la vie à des milliers de personnes. Il est important de se souvenir à quel point la vie est un cadeau unique, à quel point chaque instant doit être chéri. La vie est pleine de défis et l’on peut parfois se sentir découragé – mais si l’on se souvient qu’elle est, en soi, source de joie, on réussira à étouffer tout mauvais sentiment.

Quand le Alter de Novardok commença à fonder des Yéchivot, il n’eut pas de succès. Il créait des Yéchivot qui, par la suite, se sclérosaient, il formait des groupes et ceux-ci se scindaient. De plus, son opinion était controversée. Il alla voir son Rav, le Alter de Kelm. Ce dernier remarqua sa mélancolie et en comprit la raison. Le Motsaé Chabbat suivant, quand plusieurs personnes s’étaient rassemblées pour écouter son discours, il monta sur l’estrade et garda le silence pendant un très long moment. Puis, il tapa du poing sur son pupitre et s’écria : « Un être vivant devrait se contenter d’être en vie… ! » Il répéta ces mots à maintes reprises, puis demanda à ses disciples de réciter la prière de Arvit.

« Ce cours, dit le Alter de Novardok, dissipa ma tristesse et clarifia mes pensées ». Le Alter de Kelm lui avait enseigné une leçon fondamentale — tant qu’une personne est en vie, elle n’a pas à se plaindre.

Puissions-nous tous apprécier le cadeau qu’est la vie et l’exploiter au maximum.

 

[1] Yoma 85 a-b.

[2] Chemot 31, 16.

[3] Yoma 85b.