La Parachat Béhar commence par les lois de Chémita. Puis la Torah prohibe de tromper notre prochain sur le prix d’un objet, interdit appelé « Ona'at Mamon ».

Rav Issakhar Frand explique la Mitsva de Chémita ; Hachem octroie la Parnassa à l’individu et par conséquent, celui-ci ne perd rien en s’abstenant de travailler. Au contraire, le respect de la Chémita le fera gagner. Nous connaissons de nombreuses histoires sur des pertes évitées ou même des gains financiers engendrés par le respect de la Chémita.

Le même principe s’applique aux lois de l’honnêteté dans les transactions financières. D’après les lois de la nature, on pourrait penser qu’un tricheur a plus de chances de gagner qu’une personne parfaitement honnête. Mais, à travers la juxtaposition des deux sujets présents dans la Paracha (la Chémita et la Ona'at Mamon), la Torah véhicule un message ; de la même manière qu’une personne qui respecte la Chémita sera gagnante, si elle reste honnête dans ses affaires, elle gagnera aussi.

Cette idée s’applique dans la Halakha. La Guémara[1] enseigne qu’une personne en mesure de prêter de l’argent est plus digne de confiance qu’une personne qui a besoin d’emprunter de l’argent. Ceci, car on suppose qu’un individu financièrement stable a été honnête dans ses affaires. Cela s’oppose à la conception laïque des choses, selon laquelle la personne déloyale a plus de chances de gagner, et l’honnête est plus susceptible de perdre.

Rav Frand raconte une histoire à propos de Rav Ya'acov Kamnetsky sur les avantages de l’honnêteté qui dépassent le simple succès financier. Rav Nathan Kamenetsky (le fils de Rav Ya'acov, connu pour son intégrité) voulait retracer les racines de sa famille. Il alla dans la petite ville européenne dans laquelle son père avait été le Rav. Pendant son séjour, il découvrit une chose très intéressante : certes, une grande partie de la communauté juive lituanienne avait été anéantie pendant la Shoah, mais une grande partie des Juifs de cette ville avaient survécu à la guerre.

Rav Nathan alla voir le maire de la ville et il lui demanda comment il expliquait que les Juifs de cette ville aient réussi à avoir la vie sauve. Le maire répondit : « Je peux vous en donner la raison exacte… Avant la guerre, j’étais le facteur de la ville. On testait souvent les habitants de la ville – Juifs et non-Juifs – en leur rendant plus de monnaie que nécessaire, quand ils achetaient des timbres. Et l’on regardait qui rendait l’argent et qui le gardait. C’était un test décisif pour savoir à qui nous avions affaire.

Je l’ai fait trois fois avec Rav Ya'akov Kamenetsky et il a toujours rendu l’argent. J’ai été tellement impressionné par l’honnêteté de ce chef de communauté que par la suite, quand je suis devenu maire de la ville, dès lors que j’avais connaissance d’une action allemande qui menaçait la vie des Juifs, je les en informais et ils allaient se cacher dans la forêt ou ailleurs. C’est ainsi que les Juifs de la ville ont été épargnés. »

Lorsque Rav Nathan retourna en Amérique après son voyage en Europe, il demanda à son père s’il se souvenait du bureau de poste, s’il se souvenait du facteur-receveur et s’il se souvenait de ces incidents. Rav Yaakov ne se souvenait pas d’avoir été testé ; tout ce dont il se rappelait, c’est que le facteur de la ville ne savait pas compter !

Notons qu’en pratique, si un non-Juif donne par erreur trop de monnaie à un Juif (ce que l’on appelle « Ta’out Akoum »), il est permis de garder l’argent. Mais Rav Ya'acov était bien trop honnête pour agir ainsi, et, même sans le remarquer, sa droiture fit une impression incroyable sur le facteur, au point que des années plus tard, lorsqu’il devint maire, il n’oublia pas ces actions et la récompense sauva toute la communauté juive de la ville.

Bien sûr, on ne récolte pas toujours de telles récompenses pour l’honnêteté, et il arrive que l’intégrité n’engendre pas immédiatement un gain financier. Mais la Torah (qui juxtapose le sujet de Chémita à celui de l’honnêteté), la Guémara et l’histoire de Rav Ya'acov, montrent qu’outre la récompense dans le monde futur, la personne honnête connaîtra le succès.

 

[1] Baba Metsia, 35a.