La Paracha de cette semaine, Emor, s’achève avec l’incident du Mékalel, qui blasphéma le Nom d’Hachem. La Torah nous raconte qu’après son acte odieux, il fut emprisonné en attendant la sanction qu’il méritait[1]. Rachi rapporte un Midrach qui affirme qu’il y avait alors un autre homme qui attendait son verdict – le Mékochech (qui avait publiquement enfreint le Chabbat) – dans une autre cellule. La situation des deux hommes était bien différente. Le Mékochech était condamné à mort, mais l’on ne savait pas quelle peine devait lui être infligée. Par contre, en ce qui concerne le Mékalel, le doute portait sur la sanction même : était-il condamnable ou pas ?

Le Sifté ’Hakhamim précise que s’ils avaient été incarcérés ensemble, le Mékalel aurait souffert injustement, puisqu’il aurait pu imaginer subir la même peine de mort que son compagnon. Pour lui éviter une anxiété inutile, il fut enfermé séparément.

Rav Mordékhaï Gifter ajoute que s’ils avaient été placés ensemble, cela aurait également pu causer au Mékochech une souffrance superflue – si le Mékalel avait été exempté et qu’il l’avait su, sa douleur aurait été d’autant plus grande, parce qu’il est plus affligeant d’être seul à traverser une épreuve que de la partager. Par conséquent, le Mékochech fut éloigné et inconscient du sort du Mékalel.

Cet incident nous montre la sensibilité qu’impose la Torah – ces deux hommes avaient transgressé de terribles fautes, mais furent tout de même traités avec égard. De plus, nous apprenons que même lorsqu’une personne mérite une sanction, il faut faire très attention à ne pas lui causer plus de tort que nécessaire. Malgré la gravité du jugement de ces deux individus, leur souffrance ne devait pas être plus grande que celle exigée par la Loi.

Ce principe est appliqué plusieurs fois dans la Torah, dans la Halakha, par ’Hazal. Par exemple, on n’a pas le droit de dire du Lachone Hara – même à des fins utiles – si cela va causer un dommage plus important que celui mérité.[2]

Avec ce souci en tête, on accomplit également la Mitsva de Véalakhta Bidrakhav, d’emprunter les voies d’Hachem, Qui punit toujours l’individu de manière exacte. Rav ’Haïm Chmoulevitz rapporte l’exemple de la vente de Yossef, lors de laquelle il est mentionné que les wagons des Yichamélim contenaient des épices aux parfums agréables. Ce détail, apparemment superflu, montre la précision du Jugement divin. Certes, Yossef était déjà dans un état physique et moral déplorable, mais il ne méritait pas de supporter aussi une mauvaise odeur durant son voyage vers l’Égypte[3], alors Hachem fit en sorte qu’il soit transporté dans ce convoi plutôt qu’avec la marchandise habituelle[4].

Les Guédolim (dirigeants spirituels de la génération) firent preuve d’une sensibilité similaire quand il leur fallait réprimander quelqu’un ou agir pour une certaine cause. Il arriva, à maintes reprises que Rav Chakh soit contrarié par l’attitude d’un certain Roch Yéchiva (directeur d’une institution de Torah) ; un jour, il entreprit un long voyage pour lui en faire le reproche. Quand il arriva à destination, il ne resta qu’un court instant et prit congé sans faire aucune remontrance. Il expliqua ensuite que la femme du Roch Yéchiva était présente durant sa visite et Rav Chakh ne voulut pas le réprimander devant elle. Tous les efforts déployés pour ce déplacement ne valaient pas une peine superflue causée à un Juif.

Dans notre quotidien, nous avons maintes occasions de réprimander ou de punir, en particulier nos enfants ou nos élèves. Mais il est essentiel de ne pas être trop dur ; il vaut mieux éviter une remontrance s’il est probable qu’elle cause plus de dommages que nécessaire.

Le fait que la Torah juge important de nous préciser que le Mékalel et le Mékochech furent séparés pour être épargnés de toute souffrance inutile nous montre à quel point nous devons faire attention, dans nos relations avec notre prochain, à ne pas lui infliger une peine non méritée.



[1] Parachat Émor, Vayikra, 24:12.

[2] ’Hafets ’Haïm, Hilkhot Lachone Hara, Klal 10, Séif 2 ; Béer Maïm ’Haïm, sk. 12

[3] Voir Rachi, Vayéchev, 37:2, qui explique que les différentes épreuves qu’il traversa étaient une sanction, mesure pour mesure, pour ses actions.

[4] Béréchit Rabba, 84:17, rapporté par Rachi, 37:25.