Dans son petit livre sur « Emouna Oubita’hon », le Hazon Ich décrit les merveilles du corps humain, pour admirer le Créateur qui a créé, au bout des mains, des petits prolongements qui permettent aux mains d’être utiles et de servir à prendre ce qui est saisissable. Cela à la différence des doigts de pieds qui ne peuvent pas saisir des choses. Ces prolongements sont au nombre de dix, qui est aussi le chiffre de l’émanation de l’Infini vers le fini. C’est par ce chiffre 10 que s’est exprimée l’influence de la Transcendance vers la Création. Le moyen de ce passage, ce sont les 10 sphères, ou Séfirot, d’avancée spirituelle vers le monde de la matière. Ce sont les 10 expressions de la Parole qui vont traduire la Création, suivie par les 10 Commandements, révélés au Sinaï, et permettant les 10 expressions de louange à l’Eternel, qui s’exprimeront, on le verra, dans le Séfer Tehillim, pour amorcer la Guéoula, la délivrance. De ce fait, on retrouve ici, autour du nombre 10, les 3 temps de l’Histoire, moments essentiels de notre FOI en D.ieu, ainsi que les résume le Rav Yosseph Albo (Richonim) dans son livre Ikarim. Il reprend en trois temps ces principes : Emouna (foi) dans l’existence d’un Créateur, Qui s’est révélé à l’humanité et surveille, récompense ou punit l’humanité. Il est symptomatique que ce soit le chiffre 10 qui s’inscrit dans cette perspective, et permet d’inclure tout le système des sphères dans le devenir historique, et dans l’analyse psychologique.

Il ne s’agit pas, dans notre approche, d’une vue cabalistique et de donner à un chiffre une valeur créatrice, ou constructrice. Cependant, il n’est pas superflu de tenter une explication à un chiffre qui ne correspond à aucune situation astronomique. Rappelons, pour mémoire, que lors de la Révolution Française, en 1789, les révolutionnaires ont essayé d’introduire une semaine de 10 jours, et 3 semaines dans un mois de 30 jours. Mais cette réforme n’a pas réussi à s’introduire, car elle ne correspondait pas à une réalité astronomique (quart du mois lunaire), et était contraire, bien sûr, au projet de l’Eternel, inscrit dans la Torah. Quoiqu’il en soit, le chiffre 10 a deux atouts : il est d’abord – littéralement – la plus petite lettre de l’alphabet hébraïque, et par ailleurs il est le symbole de la conjugaison du futur ! Ce double emploi n’est assurément pas un hasard, si l’on se souvient que la définition de l’Eternel à Moché Rabbénou s’inscrit dans le Futur, car Création et Révélation appartiennent au passé, alors que la Guéoula s’effectuera dans l’avenir. L’Eternel a dit à Moché : « Je serai celui que Je serai », inscrivant ainsi son existence dans l’avenir. La Guemara nous explique dans le traité Mena’hot (29b) le verset de Yechayahou (26,4) : « En l’Eternel vous avez un Roi immuable ». Le terme employé pour « l’Eternel » est le Nom d’Hachem, formé des deux lettres י (Youd) et ה (Hé). Le Youd annonce le monde parfait car le chiffre 10 implique – comme on l’a précisé précédemment – la perfection absolue, donc le monde futur, à venir, et le Hé – qui vaut 5 – avec sa petite ouverture vers le haut symbolise ce monde-ci dans lequel l’effort doit être orienté pour s’ouvrir à l’achèvement, à la perfection.

Ainsi se referme la boucle évoquée plus haut et résumant l’effort de la créature pour se lier à l’Absolu, au Créateur. Ce monde est inachevé – c’est le sens des 10 épreuves imposées à Avraham pour assurer sa foi, mais aussi difficile à gérer, quand on s’oppose aux décrets divins – c’est le sens des 10 plaies qui frappent l’Egypte dans tous les échelons de la nature, en bas dans le fleuve ou dans la poussière, sur la terre, vermine et bêtes sauvages, corps de l’homme, ou dans l’espace céleste – grêle, sauterelles, obscurité, et finalement dans la vie elle-même – avec la mort des premiers-nés – 10.

Or, l’achèvement de la vie étant le défi final, la Révélation des 10 Commandements confirmera dans l’être en devenir perfection de la Parole divine, de la Volonté du Créateur, qui se traduira par l’achèvement ultime, exprimé par le roi David dans les 10 expressions de Reconnaissance, qui accompagnent la Guéoula. Ces 10 expressions – qu’il importe de présenter dans leur formulation hébraïque (et dont la traduction française ne peut être qu’approximative, car rendant mal la spécificité du Lachon Hakodech, de la langue sainte), se trouvent rassemblées dans le Traité Pessa’him (117a). Ces expressions, donc, sont : Lamenatséa’h, au Maitre des Chantres, Neguinot, Mélodies, Masskil, au Sage absolu, Mizmor, Chant, Chir, Cantique, Achrei, Bienheureux, Tehilah, Louange, Téfila, Prière, Hodou, Exprimez la reconnaissance et Halleloukah, Louez l’Eternel. La Guemara (Pessa’him 117a) ajoute que ce 10ème terme est le plus important car il inclut à la louange le Nom (Youd et Hé) divin. Puissions-nous nous envelopper de spiritualité, en récitant ces 10 expression qui, au-delà des 10 Paroles de la Création, et des 10 Commandements de la Révélation, nous annoncent la Gueoula finale !