La parasha de Kedoshim est relativement courte, mais sa densité et sa richesse sont inépuisables. Elle résume dans son titre « Soyez Saints ! » la vocation du peuple Juif et l’ambition qui lui a été fixée par l’Eternel.

Dans notre recherche des vertus, la « sainteté » est centrale et elle constitue le cœur de notre mission en tant qu’individus mais aussi en tant que peuple. Il faut toutefois reconnaître que définir la sainteté n’est pas une chose aisée, tant la notion semble exigeante, et recouvrir des notions diverses. Rashi nous propose une première définition qui consiste à assimiler la « sainteté » à une faculté de se séparer de la débauche et des mœurs dissolus dans les relations entre les hommes et les femmes.

Nos Sages nous proposent également d’élargir cette approche à la capacité de l’hom me de manière générale à faire des séparations, des distinctions dans sa vie matérielle et spirituelle. Plus l’homme raffine sa perception de ce qui lui est permis ou interdit, plus il pénètre profondément dans ce que l’Eternel attend de lui, ce qu’il doit rechercher, ce dont il doit s’éloigner, plus il accroit sa proximité avec la sainteté.

Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, il ne s’agit pas seulement de distinguer le permis « moutar » et l’interdit « assour », mais, au sein même de ce qui est permis, l’homme doit essayer de se comporter de la plus belle manière. Par exemple, il ne s’agit pas seulement de manger cacher, mais il s’agit également, quand on est à table, de manger dignement. Il ne s’agit pas seulement de jeuner à Kipour et passer la journée à la synagogue, mais il faut essayer également de faire une introspection exigente qui mène à la Teshouva.

La paracha de Kedoshim passe en revue une longue liste de recommandations éthiques sur le rapport à son prochain. Elle nous suggère ainsi que la sainteté n’est probablement pas une disposition que l’on acquière seul avec sa conscience, dans une relation uniquement horizontale avec l’Eternel. Cette longue liste d’exigences morales que l’on doit avoir avec son prochain a également vocation à nous rappeler que la sainteté se mesure aussi dans le rapport à l’autre.

Arrêtons-nous sur les versets suivants : « Ne hais point ton frère en ton cœur: reprends ton prochain, et tu n'assumeras pas de péché à cause de lui. 18 Ne te venge ni ne garde rancune aux enfants de ton peuple, mais aime ton prochain comme toi-même: je suis l'Éternel. » (Lévitique 19, 17-18).

Ces versets invitent l’homme à s’éloigner du ressentiment vis-à-vis de son prochain, et de l’esprit de rancune. Le Rav Avraham Twerski (Living each week, Artscroll), qui est également un éminent médecin psychiatre, dresse une comparaison avec l’addiction à l’alcool. Et, il rappelle que cette addiction nait précisément d’un sentiment de frustration, ou de ressentiment contre des hommes ou des femmes, ou contre le cours de la vie. A travers cette addiction, l’homme cherche à résoudre (de manière artificielle) l’inadéquation entre ses aspirations et la réalité qui le fait tant souffrir.

Aussi, une des réflexions essentielles pour résoudre ce type d’addiction consiste à inviter l’homme à faire la distinction entre ce qui dépend de lui et ce qui ne dépend pas de lui, entre ce qu’il peut changer et ce qu’il ne peut changer. Si on cherche à changer ce qui ne peut pas l’être, alors on s’expose à la frustration et au ressentiment.

Une seconde idée consiste à inviter l’homme à méditer sur la durée limitée de sa vie, non pas pour s’en attrister bien-sûr, mais simplement pour prendre conscience de toutes les belles choses qu’il peut accomplir, chaque jour de sa vie. Cette conscience doit l’amener à réaliser l’absurdité de perdre son temps dans la jalousie, le ressentiment et les vaines disputes. L’homme est parfois prodigue avec un temps qui ne lui appartient pas et qui est extrêmement limité. Le compte du omer que nous accomplissons ces jours-ci nous invite précisément à réaliser combien chaque jour compte !

Enfin, une façon d’échapper au ressentiment et à la rancune consiste à penser que Seul l’Eternel dirige la vie des hommes et oriente les évènements dans un sens ou dans un autre. Il est vain de se buter à vouloir aller dans une direction alors que notre bonheur nous attend parfois ailleurs. C’est là une des leçons de l’histoire de Yossef et de la réponse qu’il adresse à ses frères : « Vous pensiez me porter préjudice, mais l’Eternel en a décidé autrement, et une bonne chose en est advenue ».

La sainteté consiste probablement aussi dans cette capacité à élargir les limites de notre esprit afin de ne pas nous laisser assombrir par des événements qui ne correspondent à nos attentes, mais essayer de découvrir la part de lumière qui peut émerger de chaque chose.

Puisse l’Eternel nous aider dans cette voie et nous permettre de prendre, chacun à notre niveau, notre part dans le projet divin d’être « un peuple saint ».