« Le Cohen ordonnera ; il prendra pour celui qui se purifie deux oiseaux vivants purs… » (Vayikra 14,4)

La Torah affirme, à propos du processus de purification du lépreux, que le Cohen devait lui donner des instructions. Rav Moché Feinstein[1] demande pourquoi la Torah n’explique pas directement au lépreux quel sacrifice approcher. Pourquoi passe-t-elle par l’intermédiaire du Cohen qui impose l’offrande des deux oiseaux ?

Il fait une observation quant à la façon générale de consulter les Rabbanim. Il souligne que dans certains domaines, comme la Cacheroute ou le Chabbat, les gens posent couramment, et sans hésiter, leurs questions aux Rabbanim. En effet, ce sont des sujets complexes et importants dans la Loi juive. Toutefois, dans d’autres domaines, également complexes et importants, les gens ont moins tendance à prendre conseil. Il donne l’exemple de la Tsédaka, sujet complexe aux nombreux corollaires et questions – à qui donner la priorité, combien donner, y a-t-il des situations où il convient de ne pas donner, etc.

Rav Issakhar Frand souligne que l’une des fautes punies par la lèpre est l’avarice, le fait de ne pas vouloir prêter ses biens à autrui[2]. La mauvaise utilisation de la parole est également sanctionnée par la lèpre.

Pour revenir à la question du Rav Feinstein, il explique qu’à l’origine, le problème du lépreux est de ne pas avoir pris conseil quant à son comportement dans des domaines primordiaux tels que l’utilisation de son argent et de sa parole. Il fut peut-être très rigoureux quand il fallait poser les questions à certains sujets, mais il se croyait capable de gérer tout seul son argent et ses relations interpersonnelles. Donc, pour rectifier cette erreur, il ne peut pas prendre, sur sa propre initiative, les deux oiseaux à approcher pour sa purification, mais il doit attendre que le Cohen lui donne les instructions. Ceci, pour lui rappeler que dans tous les domaines, il convient de poser ses questions au Rav.

Cette nécessité de consulter un Rav est-elle limitée aux sujets de Halakha ou est-elle générale ? Ce fut une fois le sujet de discussion entre un homme et Rav Avigdor Miller : « Je me soumets à l’opinion des ’Hakhamim, les Grands de la génération dans les domaines religieux, mais dès lors que cela touche à la médecine, c’est différent, non ? La Torah autorise au médecin de soigner. Et n’en est-il pas de même pour la politique ?

  • Hachem nous enjoint d’écouter tout ce que les Guédolim nous disent. C’est eux qui vous diront d’aller chez un médecin pour vous faire soigner. Il n’y a pas de limite à leur domaine de compétence. Si un Grand vous dit de ne pas aller chez le médecin, n’y allez pas. Il ne vous le dira pas, bien sûr, puisque la Torah elle-même incite à aller consulter un médecin. Sachez qu’un Gadol sera très précautionneux quant à ce qu’il dira et ce qu’il ne dira pas. Comprenez bien ! Il n’existe aucun domaine dans lequel il n’a pas le droit de se prononcer. Il faut répéter cette phrase jusqu’à ce qu’elle entre bien dans notre tête. Si nous voulons réussir dans la vie – pas seulement en tant que Juifs, mais en tant qu’êtres humains –, nous devons prendre conseil auprès de personnes compétentes. Et qui est compétent pour le peuple juif ? Ce sont les Guédolé Israël.»

Rav Miller voulait montrer que rien ne dépasse le Gadol. Il est fort probable qu’il enjoindra à quelqu’un d’aller consulter un médecin ou un spécialiste dans un certain domaine, mais un Talmid ’Hakham est conscient des myriades de facteurs liés aux questions du quotidien, y compris la santé, le lieu de résidence, les écoles où inscrire ses enfants, l’emploi qu’il convient de choisir, la façon de réagir avec autrui, la façon de pratiquer la charité[3].

Puissions-nous mériter d’intérioriser cette leçon.

 

[1] Darach Moché, Vayikra 14,4, rapporté par Rav Issakhar Frand.

[2] Erkhin 16a

[3] Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas user de bon sens et qu’il convient de poser des questions à tort et à travers. Souvent, le Rav encouragera l’individu à déduire la réponse, à prendre sa décision en l’aidant parfois à réfléchir correctement. Parfois, il ira jusqu’à dire à la personne qu’elle n’a pas besoin de poser une telle question. Mais il n’empêche, surtout dans les domaines importants et même ceux qui ne sont pas directement liés à la Halakha, qu’il est vivement conseillé d’être guidé par la Torah. C’est certes, un équilibre délicat à trouver, et avec du temps et des efforts, on y arrive.