Bonjour Rav,
J’aimerais savoir s’il existe un pouvoir particulier lié à la nuit.
En effet, la nuit, je ressens davantage la proximité avec Hachem : je me sens plus posée, sereine, et mes idées ainsi que mes réflexions me paraissent plus claires. Alors qu’en journée, il m’arrive parfois de me sentir plus confuse, traversée par des doutes, et il m’est souvent plus difficile de ressentir la présence d’Hachem — cela me demande plus d’efforts.
Pendant la nuit, j’ai plus de facilité à me concentrer sur ma 'Avodat Hachem, à faire Hitbodedout, à prier, etc.
Est-ce dû à quelque chose en particulier ?
D’un côté, ces moments me font énormément de bien et je sens qu’ils me construisent. Mais d’un autre côté, ils ont souvent un impact sur ma journée du lendemain, et j’ai peur que cela nuise à ma santé. De plus, cela peut influencer mon humeur, ma concentration pour Cha’harit, etc. Je sais que ce n’est pas un mode de vie idéal…
Que faire ?
Y aurait-il d’autres moments où je pourrais retrouver ces mêmes ressentis et cette connexion avec Hachem, sans que cela perturbe mon rythme de vie ?
J’aimerais pouvoir continuer à profiter de ces opportunités.
Merci beaucoup Rav.
Bonjour,
1. Votre ressenti est très juste. La nuit possède effectivement une dimension spirituelle particulière. Nos Sages, les 'Hakhamim, expliquent que la nuit est le symbole du retrait de la matérialité. Le monde s’endort, les bruits et les mouvements se calment. La lumière disparaît, et avec elle, l’agitation extérieure. Dans ce silence, la Néchama se trouve plus libre, plus disponible, plus apte à percevoir la présence d’Hachem et les finesses de sa Torah.
C’est pourquoi, le Rambam [Hilkhot Talmud Torah, chapitre 3, Halakha 13] écrit [*] :
Bien qu’il soit une Mitsva d’étudier la Torah le jour et la nuit, l’homme n’acquiert la majeure partie de sa sagesse que pendant la nuit. C’est pourquoi, celui qui veut mériter la couronne de la Torah doit faire très attention à toutes ses nuits : qu’aucune ne soit perdue en sommeil, repas, boisson, bavardage ou autre activité de ce genre, mais qu’il les consacre à l’étude de la Torah et aux paroles de sagesse. Les Sages ont dit : "Le véritable chant de la Torah, c’est la nuit" comme il est écrit : "Lève-toi, chante pendant la nuit". Et celui qui étudie la Torah la nuit, un fil de grâce s’étend sur lui le jour, ainsi qu’il est dit : "Le jour, Hachem ordonnera à Sa bonté de se manifester, et la nuit, Son chant sera avec moi, ma prière au D. vivant."
Le Maharal de Prague, par exemple, explique que le monde matériel dans lequel nous vivons et la Torah sont, en quelque sorte, deux opposés. Lorsqu'une personne est plongée dans les occupations, les plaisirs ou les tentations de ce monde, il n’y a plus en elle de place véritable pour la Torah. Mais plus l’homme s’éloigne de la matérialité, plus son esprit devient clair et réceptif à la lumière de la Torah. La nuit est précisément ce moment où le monde matériel s’efface. C’est pourquoi elle nous offre une ouverture particulière vers les profondeurs de la Torah et vers une proximité intime avec Hachem.
Votre expérience personnelle exprime donc une grande vérité : la nuit est un temps de grâce, propice à la prière, à la méditation, à l’étude et à la rencontre intérieure avec Hachem. Dans la paix et le calme de la nuit, l’âme entend plus distinctement la voix d'Hachem qui, souvent, se "perd" dans le "désordre" de la journée.
2. En ce qui concerne la seconde partie de votre question : vous avez tout à fait raison de chercher un équilibre. Il est certain que ces moments nocturnes sont précieux et porteurs d’une véritable élévation. Mais, comme dans tout domaine de la 'Avodat Hachem, il faut savoir faire la part des choses.
Nos Sages nous enseignent qu’il ne faut pas seulement étudier la Torah, mais aussi vivre avec elle. Cela implique de préserver son corps, son équilibre et sa santé, car c’est à travers eux que l’on peut continuer à servir Hachem correctement. Donc, il est bon de profiter de la qualité spirituelle des nuits, mais sans causer de dégâts.
Il est inutile, voire interdit de veiller jusqu’au bout de la nuit. il faut savoir faire la part des choses. De plus, il existe d’autres instants de la journée qui peuvent offrir une atmosphère similaire : 1. Le début du matin, avant que le monde ne s’agite, possède lui aussi une pureté et une clarté d’esprit remarquables. 2. La fin de la journée ou les moments calmes de l’après-midi peuvent également être propices à la Hitbodedout. 3. Et même en pleine journée, il est possible de trouver des endroits de calme, loin de l’agitation et du bruit du monde. Il faut savoir les trouver ! La réflexion, la méditation et la connexion avec Hachem sont tout aussi fertiles : l’âme peut alors goûter à une clarté et à une profondeur, comme elle le fait la nuit.
[*] Voir aussi : Choul'han ‘Aroukh - Yoré Déa, chapitre 246, Halakha 23, Levouch - Yoré Déa chapitre 246, Halakha 23, Choul'han 'Aroukh Harav - Yoré Déa, Hilkhot Talmud Torah, chapitre 4, Halakha 8.
Nous sommes à votre disposition, Bé’ézrat Hachem, pour toute question supplémentaire.
Qu'Hachem vous protège et vous bénisse.