Lorsqu’elle expose les lois destinées aux juges, la Torah nous dit : « Fuis la parole de mensonge. »[1] Dans ce contexte, cela nous enseigne qu’un juge doit s’efforcer de s’attacher à la vérité lors de l’évaluation du cas en cours. Les rabbins nous enseignent néanmoins que ce commandement n’est pas restreint aux tribunaux où la Loi juive est en vigueur, mais elle s’applique à de nombreux aspects de notre vie quotidienne. C’est en effet l’un des commandements les plus importants, mais néanmoins incompris dans la Torah. Nous tenterons, dans les prochaines semaines, de définir clairement ce qui constitue ou non le mensonge.[2]

On estime généralement que le mensonge dépend de la précision technique des termes que l’on énonce - si l’on emploie des termes techniquement précis, on pourrait être enclin à penser qu’il est permis de s’en servir même s’ils sont en réalité mensongers. Par exemple, John téléphone à Bill, car Bill lui doit de l’argent et il souhaite recouvrir sa dette. L’épouse de Bill répond au téléphone, mais Bill n’a aucun désir de parler à John et veut en réalité cacher le fait qu’il est à la maison et disponible pour parler à John. En conséquence, il quitte la maison de quelques pas et dit à son épouse qu’il n’est pas à la maison. C’est techniquement vrai - il n’est désormais plus à la maison à ce moment-là. Est-ce permis ? Réponse : c’est en réalité une transgression de la prescription de la Torah de nous éloigner du mensonge. Pourquoi, car dans ce cas, l’épouse n’a rien dit d’inexact ? Réponse : la définition de la Torah du mensonge ne s’appuie pas sur les termes qui sont énoncés : ce qui est bien plus important est le message véhiculé. S’il est trompeur, alors il est interdit de parler de cette manière[3]même si les propos sont techniquement authentiques. Dans ce cas, John ne se préoccupe pas de savoir si Bill se trouve à l’intérieur ou juste devant la maison, il veut savoir si Bill est disponible pour parler de la dette[4]et la vérité, dans ce cas, est que Bill est en réalité disponible.

Nous comprenons désormais le premier aspect de l’interdit de mentir : on ne peut induire d’autres personnes en erreur, même si les mots qu’on emploie sont techniquement exacts. C’est très important, car cela nous enseigne le principe sous-tendant ce commandement. La Torah ne veut pas que nous induisions autrui en erreur et nous jouions des autres en énonçant des propos techniquement exacts. La Torah veut que nous soyons intrinsèquement honnêtes et ne passions pas de temps à tromper notre prochain.

Parfois, il existe des cas où un individu emploie des termes qui ne sont pas exacts d’un point de vue technique, mais il ne transgresse néanmoins pas l’interdit de mentir. Comment est-ce possible ? Si le message véhiculé n’est pas trompeur, alors le fait que les termes employés ne sont pas exacts a peu de sens.

Les invitations de mariage offrent un exemple édifiant de ce phénomène. Dans de nombreux cercles, il est connu que l’horaire fixé pour la cérémonie de mariage est significativement plus tôt que l’heure actuelle du mariage. Par exemple, en Israël, de nombreux mariages commencent une heure plus tard que l’heure figurant sur l’invitation. Dans une telle société, il n’y a rien de mensonger à annoncer que l’heure de départ est de 19 heures, en visant délibérément qu’il ne commencera qu’à 20 heures. En effet, il est convenu dans la société israélienne que les mariages commencent une heure après l’heure annoncée. En conséquence, bien que les termes annoncés ne soient pas exacts, personne n’est induit en erreur.

Il est intéressant de relever que dans un tel cas, il serait plus mensonger de commencer le mariage à l’heure réelle mentionnée sur l’invitation ! Si tout le monde interprète, à la lecture de l’invitation, que 19 heures signifie en réalité 20 heures, il serait inacceptable de commencer le mariage à 19 heures, sans préciser très clairement que telle sera la réalité.

Il faut relever que les individus annonçant les horaires doivent savoir que des invités venus d’autres cercles ont des normes liées aux horaires très différentes et ceci doit être clarifié.

Nous avons désormais développé notre compréhension de la définition du mensonge, en tant qu’induire délibérément autrui en erreur. C’est même vrai au point qu’avoir recours à des termes qui ne sont pas techniquement exacts ne soit pas considéré comme trompeur.

 

[1] Michpatim, 23:7.

[2] Il y a un certain nombre de facettes à ces lois et il est important de relever qu’en ce qui concerne cette loi en particulier, nous ne pouvons appliquer ce qui est écrit dans ces articles jusqu’à la publication de toute la série. Même alors, il est fortement recommandé de ne pas porter de jugement personnel dans des cas spécifiques, mais plutôt de poser la question à une autorité rabbinique.   

[3] Il y a des cas où il sera peut-être permis d’induire autrui en erreur, mais présentement, nous abordons la majorité des cas où il n’y a pas de souplesse particulière permettant de mentir.

[4] Nous avons délibérément évoqué ce premier cas dans lequel John avait tous les droits de parler à Bill. Mais comme nous allons en parler dans les semaines suivantes, dans des cas où John n’a pas le droit d’exiger de temps de Bill, il serait permis de mentir d’une certaine façon.