« Et ne dis pas : "Quand j’aurai le temps, j’étudierai", de crainte que tu n’en aies jamais le temps. »

Dans cette partie de la Michna, Hillel aborde un problème commun. Les gens sont souvent tellement occupés à passer leur temps à gagner leur vie qu'il leur reste très peu de temps à consacrer à l’étude de la Torah. En conséquence, si quelqu'un repousse son étude parce qu'il est occupé, il risque de ne jamais trouver le temps de réellement étudier. Avant d'aborder certains aspects de cet enseignement important, il est instructif d'essayer de comprendre l'obligation d’étudier la Torah et son lien avec le besoin de gagner sa vie.

‘Hazal nous disent que la Mitsva du Talmud Torah est la plus importante de toutes les Mitsvot. C’est ce qu’ils expriment en disant : "Talmoud Torah Kénéguèd Koulam" - L'étude de la Torah est aussi grande que toutes les autres Mitsvot réunies. La raison la plus fondamentale donnée pour l’importance de l'étude de la Torah est qu'il faut étudier la Torah pour en connaître suffisamment, afin de respecter toutes les autres Mitsvot. ‘Hazal disent également que la Mitsva d’étudier la Torah est une obligation constante qui ne disparaît jamais : une personne doit s'efforcer d’étudier autant que possible. Sur la base de ces idées, la question se pose : comment est-il permis de passer des heures chaque jour à travailler et à faire d'autres activités qui empêchent l’étude de la Torah ?

Les commentaires expliquent que l'obligation d’étudier la Torah s'applique chaque fois qu'il n'y a pas d'autre activité nécessaire à faire. Cela inclut gagner sa vie, s'occuper de sa famille et même des activités récréatives nécessaires au bien-être d'une personne.

En ce qui concerne le fait de gagner sa vie, cela est nécessaire pour subvenir aux besoins de sa famille, mais aussi comme moyen de permettre à une personne de se consacrer à des activités spirituelles lorsqu'elle ne travaille pas.

C'est pourquoi il est permis de passer plusieurs heures à travailler même si on ne peut pas étudier à ce moment-là. Cependant, le risque qu’il peut y avoir lorsqu'une personne utilise ce "Hétèr" (permission) pour ne pas étudier à tout moment, c'est qu'elle oublie que le fait de gagner sa vie n'est qu'un moyen pour atteindre une finalité et qu'elle est finalement secondaire en importance à l'étude de la Torah. Lorsque cela se produit, une personne peut en venir à toujours donner la priorité à son travail par rapport à son étude de la Torah. Hillel s’attaque à ce phénomène quand il nous avertit de ne pas dire que nous étudierons quand nous aurons le temps, car cela pourrait ne jamais arriver. Afin d'éviter que cela ne se produise, il faut considérer le travail comme une activité secondaire à l’étude de la Torah, même si cela demande plus de temps chaque jour.

Les commentaires sur cette Michna la comparent à une autre Michna dans Avot (1,15) : "Fixez votre étude de la Torah". L’idée que quelque chose est "fixe" est que c’est la partie principale de la vie (‘ikar). Si une personne considère l’étude de la Torah comme le ‘Ikar, elle ne la repoussera pas sous prétexte qu'elle est occupée par d'autres choses. Au contraire, sa première priorité de la journée sera d’étudier la Torah afin de savoir qu'elle ne sera pas distraite par les nombreuses autres choses qu'elle doit faire. Cependant, si elle considère, même inconsciemment, son travail comme étant le ‘Ikar, alors, elle sera toujours trop occupée pour étudier la Torah, donc, quand elle dit qu'elle étudiera quand elle en aura le temps, il est probable qu'elle n'en ait jamais le temps.

Rav Elyah Lopian zatsal constate que la Michna déclare que si une personne dit qu'elle étudiera quand elle aura du temps libre, alors peut-être qu'elle ne trouvera pas de temps libre pour étudier. Cependant, en vérité, Rav Elyah soutient qu'il est en fait certain qu'elle n'aura jamais le temps. Pourquoi alors la Michna dit-elle "peut-être", par opposition à "définitivement" ? Il explique que la personne elle-même pense qu'elle aura peut-être le temps d’étudier si elle le repousse maintenant, et peut-être qu'elle n'aura pas le temps. Cependant, en réalité, c'est le ‘Atsat Yétser Hara’ (l'argument du mauvais penchant) qui convainc une personne qu'elle peut étudier plus tard, alors qu'en vérité, elle ne trouvera certainement pas le temps.

Certains commentaires expliquent que la Michna se réfère à une personne qui veut étudier la Torah pendant une période de temps significative, et ne valorise pas l’étude pendant une courte période. Elle peut se dire que puisque, pour le moment, elle n’a que peu de temps pour étudier, étudier de cette manière n'a aucune valeur et elle préfère donc finir tout son travail et attendre d'avoir beaucoup plus de temps pour étudier correctement. Les commentaires ajoutent que c'est aussi le ‘Atsat Yétser Hara’, car une personne est jugée en fonction de sa situation, donc si une personne a peu de temps pour étudier et qu'elle utilise bien ce temps, alors elle peut être aussi bien jugée que quelqu'un qui a plus de temps disponible pour son étude.

Une manière pratique d'appliquer cet enseignement est d'essayer d’étudier le plus tôt possible dans la journée. De cette façon, il sait avec certitude qu'il étudiera au moins quelque chose dans la journée, et j'espère qu'il "trouvera" plus de temps plus tard dans la journée également.

L'histoire suivante enseigne une dernière leçon liée à cet enseignement : un homme occupé est venu une fois chez le Rav Israël Salanter zatsal et lui a dit qu'il n'avait que très peu de temps pour étudier chaque jour. Il demanda donc au Rav ce qu'il devrait apprendre durant ce moment-là ?

On pourrait penser que la réponse serait "Guémara" ou "Halakha", mais le Rav Salanter a étonnamment répondu qu'il devrait étudier du Moussar - le domaine d’évolution dans sa ‘Avodat Hachem et de la compréhension de l'approche de la vie de la Torah. Rav Salanter a expliqué que s'il étudiait du Moussar durant ce moment, il constaterait très vite qu'il a en fait plus de temps disponible pour étudier qu'il ne le pensait. Le Rav Salanter enseignait que si une personne a la bonne attitude envers l’étude de la Torah, elle appréciera son importance et la priorisera par rapport aux autres activités.